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Pr Jamila Houfaïdi Settar, doyenne de la FSJES Aïn Sebaâ : « Un établissement supérieur public peut réussir en formant de très bons étudiants, en les insérant dans le marché du travail tout en leur offrant une mise à niveau culturelle et citoyenne »
Publié dans L'opinion le 21 - 09 - 2013

-Quoi de plus important pour l'étudiant qui accède à la FSJES Aïn Sebaâ ? Autrement dit que fait la Faculté Aïn Sebaâ d'important et de spécifique au bénéfice de l'étudiant?
-Le plus important c'est l'accueil. C'est essentiel pour l'étudiant. Ici, il est accueilli par un professeur pour un entretien. L'étudiant n'est pas un anonyme qui dépose un dossier et qui a un numéro, c'est une personne avec qui on a déjà un premier contact. Ce n'est pas quelqu'un qui atterrit dans la Faculté et ne connait personne. Plusieurs contacts lui permettent de savoir sur quelle base il accède à la Fac. Dans ce cas généralement il décide de s'inscrire parce qu'il est convaincu qu'il y a un programme qui l'intéresse, des cursus diversifiés, des chances d'apprendre et de réussir, des activités culturelles qui permettent son développement personnel et, au final, un taux d'insertion important. Seulement, pour pouvoir suivre, il lui faut un minimum de maitrise de la langue d'acquisition qui est le français, compte tenu du fait qu'il s'agit de matières enseignées, toutes, en français.
-Généralement on parle pour la FSJES Aïn Sebaâ de tests obstacles pour l'étudiant qui désire s'y inscrire...
-Toutes les Universités marocaines font des tests de positionnement. L'entretien est une manière d'essayer de mettre toutes les chances de notre côté, Faculté et étudiant, pour réussir. A l'ouverture de notre établissement en 2007 on classait les étudiants par niveaux. Par petits effectifs et on donnait des cours de français adaptés pour chaque niveau. Ce dont a parlé SM le Roi dans le dernier discours concernant la mise à niveau linguistique en en faisant un « impératif pour que l'étudiant puisse suivre utilement la formation qui lui est dispensée.»
Nous nous conformons pleinement à la volonté royale. Ce qui a permis de sauver beaucoup d'étudiants. On voit l'évolution, l'étudiant qui n'a pas progressé à ce niveau-là ne réussit jamais. Il y a des étudiants qui ne pourront jamais progresser parce qu'ils n'ont pas les bases requises, ils n'ont pas les fondamentaux du tout. Ceux-là on leur propose de faire des études là où il n'y a pas de français comme langue fondamentale d'apprentissage.
-C'est le gros problème d'aptitudes en langues en général généré par les cycles scolaires d'enseignement.
-C'est malheureusement le lot aujourd'hui pour toutes les Universités au Maroc. On sait pertinemment que faute d'aptitude en langue, l'étudiant ne peut pas réussir. Or, on observe que 78% des étudiants qui postulent pour l'inscription à l'Université n'ont pas le niveau requis pour suivre des cours en français.
Mais au-delà de la question de la langue, dans nos Universités, on devrait offrir un service d'orientation avant l'arrivée aux campus universitaires. Souvent les étudiants veulent s'inscrire dans tel ou tel établissement parce qu'ils habitent le quartier à proximité. Or, ils peuvent réussir ailleurs mais ils ne sont pas informés, ils ne savent pas ce qui se passe dans les autres Facultés, ils ne savent pas quelles sont les filières qui leur sont proposées au choix. Alors que les informations sont disponibles sur des dizaines de sites (ministères, Universités, Facultés et autres sites dédiés à cela). Souvent on entend : « Je veux m'inscrire dans cette Faculté parce qu'elle est située à proximité de chez moi ». Si on les informait davantage, les étudiants auraient plus de choix et on lutterait ainsi plus efficacement contre le décrochage.
-Quelles sont les circonstances de la création de la Faculté AÏn Sebaâ ?
-Elle a été créée pour répondre à la forte demande en inscriptions dans les Facultés de Droit de Casablanca qui continuaient à recevoir le plus grand nombre d'étudiants, FSJ de la Route d'El Jadida et FSJ de Mohammedia. Il faut noter que malgré tous les efforts faits pour orienter les étudiants vers les cursus scientifiques, les bacheliers continuent à affluer en grand nombre vers les Facs de Droit. Exemple la FSJ de Fès avec quelque 24 mille étudiants.
-Quelles retombées après l'ouverture ?
-On a surtout décongestionné le FSJES de Mohammedia. On n'a pas beaucoup soulagé la FSJES de Casablanca Route d'El Jadida qui a surtout profité du vent de la réforme pour éclaircir ses effectifs. Un étudiant dans le temps pouvait s'inscrire et quand il atteint la deuxième année il pouvait rester inscrit jusqu'à 9 ans dans la même Fac. Maintenant, avec la réforme, une fois qu'il a épuisé ses années d'inscription il part ailleurs. C'est en grande partie donc la réforme qui a fait que les effectifs soient relativement réduits dans les Facs de droit.
-Quelle évolution depuis 2007?
-Ce que je peux vous dire c'est qu'un établissement supérieur public peut réussir en formant de très bons étudiants en les insérant dans le marché du travail tout en leur offrant une mise à niveau culturelle et citoyenne. Notre démarche c'est de contribuer à former des citoyens de demain pas seulement des personnes qui vont être embauchées. Nous avons le souci de former l'étudiant pour l'emploi et pour la citoyenneté et ça marche, un établissement public de formation ça peut marcher ...
-La Faculté Aïn Sebaâ est-elle toujours un établissement à accès ouvert ?
-Bien entendu, tous les étudiants qui souhaitent s'y inscrire le peuvent.
-Mais on a l'impression qu'il s'agit d'un établissement public à accès régulé qui procède à des sélections serrées lors des inscriptions, c'est du moins l'image colportée à l'extérieur...
-Non absolument pas, nous avons toujours depuis l'inauguration en 2007 un accès ouvert, tous les étudiants peuvent s'inscrire sans exception. Nos dossiers et nos statistiques le prouvent. Nous accueillons des étudiants de niveaux très variés. C'est vrai que nous attirons de plus en plus de bons étudiants avec des moyennes supérieures à 14/20. En accueillant les étudiants, on essaie de les orienter, de les conseiller. S'ils insistent on les inscrit.
Généralement, les étudiants sont accompagnés de leurs parents. On leur explique que l'étudiant ou l'étudiante n'ayant pas les prérequis, à savoir les maths et le français, partent avec un lourd handicap. Si les parents insistent quand même, on inscrit les étudiants en demandant à leurs tuteurs de prendre leurs responsabilités quant aux conséquences de cette décision. Nous les informons en leur fournissant les statistiques sachant que les étudiants dénués d'aptitudes pour les cursus que nous offrons vont faire partie des troupes de décrochage qui malheureusement continue à constituer le fléau qui affecte nos universités.
-Quel est actuellement le taux de décrochage ?
-On sait qu'il peut atteindre plus 50% au niveau national tous établissements supérieurs publics confondus voire 60% pour les Facultés de sciences juridiques économiques et sociales mais on n'a pas de données officielles.
-Et au niveau de votre établissement ?
-Nous essayons de réduire ce taux par le programme de mise à niveau avec l'apprentissage de la langue, le soutien dans les matières fondamentales comme les maths et les statistiques, pendant la première année avec des cours intensifs et on continue la deuxième année. Cela nous a permis de baisser le taux de décrochage de 47,55% des inscrits en 2007 à 22,29% pour ceux inscrits en 2010. Pour le français, après les sessions de mise à niveau, les étudiants sont préparés au DALF (Diplôme d'aptitude à la langue française) le niveau qui les habilite à poursuivre, le cas échéant, des études en France. Parallèlement, il y a des cours d'anglais, d'espagnol et d'amazigh. Le taux de décrochage est en baisse d'année en année aussi parce que nous faisons venir des Coach. Nous coachons les étudiants pour les mobiliser, ils apprennent à travailler et réussissent donc. Le cadre de la Fac est agréable il y a de la culture, un cinéclub, du théâtre, de la musique, des Prix, des voyages. On booste les étudiants. Tout le monde est conscient de l'importance de la mise à niveau, surtout la première année avec des cours intensifs. Nous avons des partenaires privés et publics qui nous soutiennent. Pour les partenaires publics, nous avons les préfectures de Aïn Sebaâ et de Bernoussi, c'est un partenariat par le biais de l'INDH du fait qu'une bonne majorité des étudiants nous viennent de ces préfectures.
-L'effectif de l'établissement a-t-il connu une forte évolution ?
-En effet nous avions commencé en 2007-2008 par 500 étudiants et aujourd'hui nous allons avoir facilement un effectif entre 6000 et 7000 étudiants. Et ce sont surtout des étudiants originaires des quartiers Hay Mohammadi, Sidi Moumen et Bernoussi, ils viennent des établissements scolaires publics.
-Vous êtes en sureffectif ?
-Nous avons un effectif équivalant à au moins deux fois notre capacité d'accueil.
-Quel effectif pour les cadres enseignants ?
-On n'y croira pas, mais nous avons une trentaine d'enseignants permanents uniquement et pour combler le déficit nous faisons appel à des collègues des FSJES Université Hassan II Casablanca Route d'E Jadida et de Mohammedia qui, heureusement répondent oui. Des entreprises mettent à notre disposition des experts pour les matières professionnelles à partir de la deuxième année.
-A combien estimez-vous le déficit en cadres
enseignants ?
-Pour les enseignants permanents, nous avons besoin du double sinon du triple et, tout de suite. Pour pallier au déficit nous faisons appel aux vacataires. Les vacataires c'est compliqué car c'est des gens qui viennent, donnent leurs cours et quittent l'établissement, ce qui alourdit les charges des enseignants permanents.
-Cela va-t-il influer sur la qualité de formation du fait que les ressources humaines - cadres enseignants - n'ont pas évolué par rapport aux effectifs des étudiants ?
-C'est une éventualité à prendre sérieusement en compte, c'est pour ça que les équipes de notre Faculté redoublent d'efforts pour que les étudiants aient tous leurs programmes dans les règles, y compris leurs TD. Nous avons trouvé une formule très bénéfique, c'est la multiplication des licences professionnelles que nous avons mises en œuvre en partenariat avec les entreprises. Nous avons introduit comme mode de fonctionnement l'alternance, l'étudiant passe une partie de son temps à la Fac et l'autre partie dans l'entreprise ce qui fait qu'il est opérationnel juste après sa diplômation, il peut s'insérer facilement dans le marché du travail. Grâce aux nombreux partenariats que nous avons développés, les entreprises donnent davantage de chance de professionnalisation et d'insertion à nos lauréats.
-Quels taux d'insertion pour les étudiants ?
-Nous avons un taux général d'insertion de 83% toutes licences confondues y compris la licence fondamentale. Par contre pour les licences professionnelles le taux atteint 95% et 96%. C'est encourageant, c'est pourquoi nous poursuivons nos efforts dans le développement des licences professionnelles. Nous avons chaque année de nouvelles licences professionnelles. Quelques exemples: GRH (Gestion des ressources humaines), Grande distribution, Management des établissement sanitaires et sociaux avec l'éclosion de la société civile avec des ONG qui ont besoin de manager pour la gestion des maisons des jeunes, personnes âgées, associations ; nous avons la licence Banques, finances, assurances, Tourisme et Hôtellerie, etc...
-Quel engagement des cadres enseignants ?
-Vous remarquez que je parle des équipes. C'est-à-dire équipes pédagogiques, administration et étudiants. On n'aurait jamais eu tous ces résultats si les enseignants n'étaient pas engagés justement pour assurer les programmes et encadrer les étudiants. Nous avons des équipes très impliquées, même s'ils ne sont pas très nombreux, mes collègues professeurs et les administratifs réalisent des résultats remarquables.
-Est-ce qu'il vous arrive de suivre le parcours de vos lauréats ?
-Bien entendu. Nos lauréats quand ils sont managers reviennent à la Fac recruter des étudiants pour des stages. Ils reviennent lors de rencontres que nous organisons chaque année comme la Journée de l'alternance et de l'emploi. Non seulement nos lauréats reviennent pour prendre des stagiaires mais aussi pour recruter carrément parmi nos nouveaux diplômés.


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