Le gouvernement intérimaire égyptien, soutenu par les militaires, s'est dit prêt dimanche à donner une chance aux efforts de médiation pour tenter de résoudre la crise politique en Égypte, mais a prévenu que le temps était limité. Cette esquisse de bonne volonté a été tempéré par l'annonce que le Guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, et son adjoint Khairat El Chater seraient jugés à partir du 25 août pour différents crimes, dont incitation au meurtre, lors des manifestations qui ont précédé la destitution du président Mohamed Morsi par l'armée le 3 juillet. L'annonce de la poursuite en procès de deux des cadres des Frères musulmans complique la tâche des émissaires internationaux qui tentent de relancer un processus politique en Égypte et d'inciter chaque camp à une réconciliation nationale. La délégation composée de négociateurs américains, européens, qataris et émiratis a rencontré les membres du nouveau gouvernement ainsi que des partisans de Mohamed Morsi. Le Conseil de défense nationale, composé de civils et de militaires, a indiqué dans un communiqué soutenir la médiation « qui protège les droits des citoyens quelles que soient leurs sympathies politiques et qui évite au sang de couler tant qu'elle se déroule dans une période de temps limité ». La durée de cette période n'a pas été précisée. Près de 300 personnes ont péri dans les violences consécutives à la destitution de Mohamed Morsi par les soldats, dont 80 ont été abattues par les forces de sécurité lors d'une manifestation le 27 juillet. Depuis, les partisans de Morsi continuent d'occuper le terrain avec deux sit-in permanents au Caire pour manifester leur opposition à ce qu'ils considèrent comme un coup d'État contre le premier président démocratiquement élu en Égypte. C'est dans ce contexte que le procureur général a annoncé que les deux plus hauts responsables des Frères musulmans, dont Morsi était le candidat lors de la présidentielle de 2012, seront traduits en justice le 25 août. Le procureur a également ordonné une détention préventive de quinze jours à l'encontre de Rifaa El Tahtaoui, chef de cabinet de Mohamed Morsi, et de son adjoint, tous deux accusés d'incitation à la torture et à la détention arbitraire de manifestants en 2012. Morsi, qui est détenu dans un lieu toujours tenu secret, est lui aussi accusé d'assassinat et d'autres crimes. Selon des diplomates, les Frères musulmans et leur aile politique, le parti de la Liberté et de la Justice, ont compris que Morsi ne reprendra pas ses fonctions présidentielles, mais ils cherchent à trouver une solution présentable pour sa mise à l'écart. Les spécialistes de la politique égyptienne estiment que les civils qui participent au gouvernement de transition tentent de promouvoir une solution politique en dépit des résistances de l'appareil sécuritaire qui se veut intraitable à l'égard de la confrérie. Un porte-parole du camp Morsi a implicitement reconnu l'importance des manifestations visant le président déchu et a prôné une issue « respectant toutes les sensibilités populaires ». En revanche, les partisans de l'ex-chef d'État se montrent intransigeants sur une question : ils excluent toute participation du chef d'état-major Abdel Fattah al-Sissi, architecte de la reprise en mains, dans le cadre d'un règlement politique. Le vice-secrétaire d'État américain, William Burns, et l'émissaire de l'Union européenne, Bernardino Leon, qui conduisent la médiation diplomatique ont rencontré Sissi dimanche, selon un communiqué de l'armée qui ne fournit aucune précision. Les Émirats arabes unis, qui sont partie prenante à la mission diplomatique, ont accordé au nouveau gouvernement égyptien 3 milliards de dollars d'aide. Le Qatar, proche des Frères musulmans, participe également aux discussions. Le gouvernement égyptien a démenti dimanche soir les informations de la chaîne qatarie Al-Jazira qui rapportait que les émissaires internationaux allaient rencontrer Khairat El Chater, principal stratège politique de la confrérie. Aux États-Unis, Barack Obama a demandé aux sénateurs Lindsey Graham et John McCain de se rendre en Égypte pour rencontrer les membres du nouveau gouvernement et de l'opposition. « Les militaires ne peuvent pas continuer à diriger le pays. Il faut des élections démocratiques », a commenté le sénateur Graham sur CNN.