Edito du Washington Post du 27 juillet 2013 Vingt-trois jours après un coup d'Etat militaire mené au nom de la préservation de la démocratie en Egypte, des milliers de personnes ont investi la place Tahrir au Caire vendredi dans ce qui semble être une mise en scène bien orchestrée proclamant "l'amour du peuple» pour Abdel Fatah al-Sissi, le général super décoré aux lunettes de soleil qui cette semaine a exigé un «mandat» populaire pour lutter contre "la violence potentielle et le terrorisme." Des hélicoptères militaires et des chars assiègent la foule tandis que les médias officiels font campagne contre les Frères musulmans - dont le président déchu, Mohamed Morsi, a été accusé par les procureurs vendredi d'assassinat et d'espionnage. Au vu de ces événements, l'administration Obama ne pense pas que l'Egypte s'achemine vers une renaissance de la démocratie. En effet, l'armée prépare le terrain pour une campagne de répression contre le parti qui a remporté les premières élections démocratiques du pays, et pour l'émergence d'un nouveau héros militaire dans le style de l'ancien dictateur Gamal Abdel Nasser. Une véritable transition démocratique aurait supposé que les nouvelles autorités civiles et militaires ouvrent des négociations avec M. Morsi et la Confrèrie des Frères Musulmans pour aboutir à un règlement politique de la crise. Au lieu de cela, les généraux accusent la Confrérie de terrorisme. Une méthode qui ressemble à de la provocation car l'accusation est injustifiée. Le gouvernement de M. Morsi a mal géré le pays et a cherché à concentrer le pouvoir. Depuis sa destitution, ses collaborateurs ont adopté une position intransigeante, en insistant sur la restauration du gouvernement et l'organisation de sit-in de masses et de marches de protestation. Pourtant, bien que de nombreux rapports font état de coups de feu isolés tirés par des militants islamistes lors de ces manifestations, rien ne prouve que la Confrérie des Frères Musulmans adopte la violence comme stratégie et encore moins le terrorisme - auquel elle a renoncé depuis plusieurs décennies. La plus grande partie des personnes abattues (environ 200) depuis le coup d'Etat sont tombées sous les feux de l'armée et de ses snipers. De plus, les accusations contre M. Morsi, portant sur son évasion de prison en 2011 n'ont aucune légitimité. Dans ce climat de manifestations orchestrées par les militaires et renforcées par une large campagne de propagande, il est difficile de concevoir que le président déchu ou d'autres dirigeants de la Confrérie puissent bénéficier d'un procès équitable. À leur honneur, certains groupes égyptiens qui s'étaient farouchement opposés au gouvernement de M. Morsi se sont prononcés contre les actions du Général Sissi. Une coalition de groupes de défense des droits de l'homme a publié un communiqué jeudi dans lequel elle précise que : « l'armée égyptienne n'a pas besoin d'un « mandat » auprès de la foule pour s'octroyer de nouveaux pouvoirs afin lutter contre le terrorisme. Son attitude constitue une infractions aux règles de droit en vigueur ». De son côté, l'administration Obama a exprimé un geste modeste qui traduit sa « préoccupation » de la situation en Egypte en annonçant le retardement de la livraison de quatre F-16 à l'armée égyptienne. Ce n'est pas suffisant pour mettre un terme à l'ambition grandissante du général Sissi. Les Etats-Unis, après tout, font bien plus pour soutenir ses troupes à travers la coopération militaire. De plus, le Département d'Etat use de stratagème juridique pour éviter de désigner comme coup d'Etat ce qui s'est passé en Egypte. Une décision qui conduirait à une rupture définitive de l'aide militaire. Si l'administration Obama ne souhaite pas assister à une vague de répression sanglante et à l'émergence d'une nouvelle autocratie en Egypte, elle doit faire bien plus, et vite. Traduit par Rida Benotmane