Le Maroc a connu de nombreux jubilés, depuis l'indépendance. Ils ont souvent revêtu un caractère de reconnaissance et de récompense pour services rendus qui à l'équipe nationale, qui à un club ou à deux clubs, cas des joueurs casablancais passés au Raja et/ou au Wydad. Il s'agit, surtout, de football mais il y a eu des hommages rendus à des basketteurs, des handballeurs voire des athlètes... HOMMAGE GENERATIONNEL De Larbi Aherdane, en passant par Allal, Hassan Akesbi, Merry Krimau, incontestablement le mieux médiatisé, on se rend compte que les jubilés sont liés beaucoup plus au statut présent et factuel du joueur en fin de carrière qu'à son parcours. Le jubilé, c'est aussi l'attachement générationnel et partant passionnel à une star. Star du douar, du quartier, du club ou du pays quand on accède à une renommée supranationale. C' est le cas de Larbi Benbarek, Mahjoub ou tout près de nous, c'est-à-dire il y a près de trois décennies Saïd Aouita, Nawal El Moutawakil et à proximité -historique!- Nezha Bidouane, Hicham El Guerrouj, les Trois Mousquetaires de la raquette. Où placer Abdelmajid Dolmy, qu'on va fêter avec le passage de Boca Junior, après plusieurs ratages de jubilés annoncés mais jamais tenus, depuis que le maestro a mis fin à sa carrière à un âge assez avancé, celui des Pirlo ou Totti. Badou Zaki lui avait même prédit une carrière plus longue, celle d'un gardien, à l'image d'un Buffon, à 40 ans. Et il aurait pu battre ce record, sur le traces de Larbi Benbarek, qui avait joué jusqu'à 45 ans, en tant qu'entraîneur-joueur. Mais Dolmy, après la fusion avec l'OC devait soit se retirer la tête haute ou accepter de figurer sur le banc des remplaçants, dans un club où il a sévi en tant que capitaine ! Joueur subsidiaire, à 34 ans, aux côtés d'un Guerchadi, enfant prodige, qui en avait seize! LE RIDEAU TOMBE ! Il aura fallu l'été 2013 et la longue attente du passage du Club Atletico Boca Juniors pour voir, enfin, l'opération jubilé aboutir. Après un frémissement où on a annoncé la substitution du WAC au Raja! On aurait rêvé d'une entente casablancaise comme on en a réussi, dans le passé, mais les dieux du foot argentin n'auraient pas apprécié, car là-bas, à Buenos Aires il y a Boca Junior et River Plate, deux mythes du foot antagonistes, faits pour ne jamais s'entendre. On a annoncé des tas d'équipes, surtout européennes, pour fêter Dolmy, depuis qu'il a rangé ses godasses, la mort dans l'âme. On a confectionné des tas de plans pour ce joueur mythifié de son vivant et aimé de tous, pour sa modestie. Plutôt sa timidité, qui le dessert après sa reconversion dans le rôle de cet autre grand argentin, Hugo Pratt dont le personnage s'appelle «Silence»! Boca, c'est le club d' «El Pibe de Oro», traduisez Diego Maradona, également annoncé au Raja. Si tous ces rêves se réalisent, Dolmy devrait remercier tous ces dirigeants, auteurs de projets de jubilés ratés, y compris contre le Barça et Messi. Pour avoir permis la confrontation avec Boca, club populaire, fondé en 1905 et jamais relégué depuis, contrairement au River Plate en 2011 et -cette saison- Indepiendente. DOLMY ET ABDELMAJID FACE A FACE Pour réécrire l'Histoire de Abdelmajid Dolmy, la chronologie se révèlera toujours traîtresse. Car son parcours est «fiction» et son jeu Tango. Imaginez Paul Oroz qui arrive et lui colle le numéro quatre, au moment où il se complaisait, lui, dans le sept de son choix inné. Le Raja est allé en Hongrie pour son stage, est-ce un hasard, au pays d'Oroz ? Lors d'une AG, houleuse, au club de la Marine Royale, où on avait plébiscité Me Abdallah Ferdaouss à la présidence, Dolmy s'était levé pour dire ceci: »Je veux partir, donnez-moi mes papiers ! ». Silence dans la salle, Dolmy a parlé ! Le Raja sans Dolmy, qui l'aurait imaginé et quel président fou aurait osé le libérer sans courir le risque d'être maudit, à jamais. Mais c'est ce qui se passera avec Abdelkader Retnani, après l'arrivée du coach portugais Cabrita. L'architecte du transfert à l'OC est Abdellatif Lasky. Pour 400.000 dh, le transfert le plus cher de toute l'Histoire du football national. Sans agent, ni intermédiaire. La suite, on la connaît et même si l'OC a subtilisé une Coupe du Trône au Raja, on a pardonné à Dolmy d'avoir porté une autre couleur. Mais jamais Dolmy n'a croisé le fer contre le Raja, il s'est toujours arrangé pour s'éclipser quand le vert s'imposait au blanc du lait. CARTON ROUGE DU FAIR-PLAY On peut fragmenter, encore, l'histoire de Mjid avec ce voyage en Hollande, sous la houlette de Hassan HarmatAllah, aux côtés de l'inséparable Abdellatif Beggar, mort en martyr. Et la Coupe du Monde 86, au grand bonheur de millions d'amateurs, ici comme ailleurs. N'est-ce pas Dolmy qui a dompté le flegme anglais, pour en sortir le fair-play, authentique. A Paris, quand le Président du jury du fair-play s'était levé pour faire l'apologie de Dolmy dont il a fait le bréviaire, en rappelant qu'il n'a jamais eu de carton rouge, Dolmy est sorti de son silence pour rectifier une annonce erronée. Le rouge, il l'a eu, une fois. Suffisant pour grandir encore l'homme aux yeux du jury de l'UNESCO et proroger à jamais le choix de l'esprit sportif. Les jeunes supporters du Raja sont des fans de Metoualli, comme les gamins des Fevellas sont fous de Neymar. C'est générationnellement compréhensible, mais historiquement erroné. Surtout que peu de gens sont habilités à prétendre avoir connu Dolmy en dehors du terrain. Il savait faire une chose et une seule, réussir en besogne en tapant dans un ballon, le même que celui sorti du chapeau d'un prestidigitateur nommé Diego Ernesto Maradona.