L'Union africaine (UA), en dépit des efforts qu'elle déploie pour assurer sa mue, reste visiblement en décalage avec les préoccupations des Africains qui aspirent à surmonter les problématiques de la famine et des épidémies, mais qui voient cette organisation panafricaine s'empêtrer dans des palabres politiciennes sans fin. Le 21è sommet de l'UA, qui se tient les 26 et 27 mai à Addis-Abeba, ne déroge donc pas à la règle puisque son ordre du jour reste dominé par des thématiques récurrentes sur la paix et la sécurité, des questions subsidiaires et difficiles à résoudre à défaut de décisions efficaces et audacieuses. Pour nombre d'observateurs, les conférences africaines abordent pratiquement les mêmes sujets et propose les mêmes recettes inopérantes. Les problématiques de la sécheresse, la mortalité infantile, la paupérisation et l'aggravation des disparités et les problèmes des jeunes en quête d'insertion, qui préoccupent réellement l'opinion publique africaine, sont renvoyés malheureusement aux calendes grecques. Ce constat, estiment-ils, donne l'impression d'assister, deux fois par an, à des réunions destinées à faire de la politique politicienne, à afficher des positions de principe pour se donner bonne conscience et non pas pour remédier aux maux que l'Afrique a hérités de la période coloniale. On peut donc s'interroger à juste titre sur l'agenda de telles conférences et sur le tournant qu'il conviendrait de leur imprimer pour s'attaquer à bras le corps aux problématiques et préoccupations qui touchent la vie quotidienne des africains. Pour faire de ce vÂœu une réalité, des enseignants et experts africains relèvent que l'Afrique doit d'abord en finir avec les coups d'Etat. Le continent est instable car il continue justement d'adopter une position frileuse face aux rébellions et séditions à relents indépendantistes qui contestent la souveraineté des Etats et la légitimité des gouvernements issus des urnes. Les analystes mettent en avant l'aberration de situations où l'on se trouverait face à un groupe dissident qui accède au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels pour voir ensuite sa légitimité remise en cause le lendemain par une autre horde d'insurgés. C'est ce qui fait dire à nombre de diplomates en poste à Addis-Abeba qu'à défaut d'une position ferme pour imposer le respect de la souveraineté et l'intégrité territoriale des Etats, les crises vont persister et risquent de se multiplier au péril des populations locales. Hier, c'était la crise en Erythrée, en République Centrafricaine (RCA) et en République démocratique du Congo (RDC) pour ne citer que ces cas, aujourd'hui ce sont les dossiers somalien, soudanais, guinéen, et malien qui sont mis sur la table. La liste des foyers de tension s'accroît davantage et l'Afrique manque de moyens nécessaires pour maintenir seule la sécurité et la stabilité sur son territoire. Pour ces diplomates, en l'absence d'une approche inclusive qui se substituerait à la stratégie axiale dite de l'APA (Alger-Pretoria-Abuja), la région continuera à souffrir de division et de séparatisme, des phénomènes qui compromettent le développement du continent et constituent de véritables bombes à retardement. Certes, l'Afrique est menacée plus que jamais par le terrorisme, mais si l'UA ne se résout pas à emboiter le pas à d'autres organisations telle l'Union européenne qui rejette les putschs et érige la légitimité issue des urnes en principe sacré, le problème ne sera pas résolu. L'Afrique pourrait également mettre à profit les solutions testées ailleurs pour inciter les gouvernements à ne plus traiter avec des entités fantoches, car la stabilité de toute la région en dépend largement. A-t-on un jour entendu que l'UE avait reconnu une structure issue d'un coup d'Etat? Sur ce thème comme sur bien d'autres, une révision des stratégies s'impose impérativement à l'Afrique. Si l'on prend par exemple la question de la sécurité alimentaire, on se rend compte que le secteur agricole offre à l'Afrique d'énormes potentialités et des avantages certains, pourtant, on continue à assister, ici et là, à des joutes verbales, jetant le doute sur la vitalité de cette filière et préférant aborder des thématiques de second plan. L'ONU affirme qu'il est impératif pour l'Afrique d'encourager l'industrie et de mettre ce secteur au service de la croissance, ce qui conférerait moins d'acuité au débat autour de questions inhérentes à la sécurité. Le salut du continent passe par le respect de la souveraineté des Etats et la mise en place de mécanismes démocratiques dans les processus de prise de décision pour contourner le dictat d'un «axe très restreint de pays», obnubilé par la quête de leadership régional, un concept anachronique dans un monde où les menaces terroristes sont devenues globales, la solidarité et la coopération une panacée pour les défis planétaires.