Le cinéma de vulgarisation est né au Maghreb au lendemain des indépendances. C'est le genre de cinéma qui est venu remplacer le cinéma de propagande produit, financé et dirigé par les autorités coloniales établies au Maghreb et en Afrique depuis des décennies déjà. Les Etats fraîchement indépendants devaient utiliser le cinéma pour épanouir leur autorité sur les différents aspects de la vie, ce qui explique que les films sont commandités par les départements publics aux administrations du cinéma chargées de superviser les productions. L'agriculture, la santé, le tourisme, l'habitat et la pêche, étaient les départements qui sollicitaient le plus de films en vue de promouvoir leurs produits sur les marchés national et international. Autant de films ont vu le jour, au Maghreb et en Afrique noire, mélant la fiction au documentaire, du court au long, en passant par les moyens métrages, nombreux, promulgant un discours clair et sans détour, mettant le citoyen devant son entière responsabilité. Les dialogues sont souvent réduits ou carrément supprimés au profit du commentaire, principale composante des films. C'est ainsi qu'est né le cinéma dit de vulgarisation, un cinéma ayant un objectif déterminant dans la constitution de la citoyenneté exemplaire. Un cinéma conçu et réalisé dans les normes hautement professionnelles grâce aux jeunes cinéastes devant assurer la relève, formés dans les écoles les plus prestigieuses de l'Europe de l'Est et de l'Ouest. C'est aussi grâce à ce cinéma que les cinéastes du Maghreb et de l'Afrique noire ont appris réellement le métier, d'abord en suivant les modèles établis puis en rénovant créativement le genre. C'est un cinéma voulu par les Etats tenant à tout prix à l'utiliser pour relever les degrés de conscience chez les humbles citoyens avant d'être récupéré définitivement par la télévision, moyen jugé plus efficace pour jouer un tel rôle. Cependant, les qualités intrinsèques au cinéma de vulgarisation, tels que le traitement de sujets sociaux, l'utilisation d'un dialogue sain, la clareté du discours, vont être, au fil du temps, abandonnées au profit d'un cinéma plutôt vulgaire. C'est le moins que l'on puisse dire d'une certaine tendance du cinéma marocain par exemple, caractérisé par des films utilisant un dialogue de rues, grosssier et insupportable, portant plus atteinte aux «auteurs» qu'à leurs personnages, voulant paresseusement copier des modèles américains et français, qui sont tout simplement de mauvais modèles du cinéma. Les mêmes «auteurs» font preuve d'hypocrisie et de lacheté quand ils s'adonnent aux téléfilms dévoilant les conditions de prison et de commissariat. Là où la vulgarité est outrancière, ils se contentent d'un dialogue correct et hautement administratif. Ils utilisent «deux poids, deux mesures» sans se soucier de leur crédibilité en tant que «artiste» jouant la carte du réalisme. Dans ces conditions, peut-on prétendre réaliser un film honnête quand on est soi-même malhonnête?