Considérée comme un des points d'attraction les plus forts de la ville et un des rares espaces verts les plus prisés, la vallée des oiseaux d'Agadir semble battre de l'aile, en raison de difficultés où les côtés financier, administratif et écologique s'entremêlent, au risque d'un sursis pour cet unique havre de pais. "Construit entre 1982 et 1986, ce parc s'étale sur une superficie de près de 3 hectares à l'intersection de trois artères principales du centre-ville d'Agadir, entre les avenues Hassan II, Mohammed V et 20 août", explique Lahoucine Aït Salah, le conservateur de la vallée des oiseaux depuis 13 ans. Offert comme un don à la préfecture d'Agadir en janvier 1987, ce parc, qui a ouvert ses protes au public en mai 1989, compte plus de 500 espèces d'oiseaux et près d'une cinquantaine d'animaux de différents continents, a-t-il signalé. "On estime à pas moins de 200 mille personnes par an le nombre des visiteurs qui affluent vers ce parc. Naturellement, les week-ends, les jours fériés et la période des vacances enregistrent des pics", précise M. Aït Salah, un docteur en bio-environnement, assurant que cette affluence s'explique aussi par l'emplacement idéal du parc, tout proche du front de mer, ainsi que par sa proximité de toutes les commodités. Le jardin, dont le budget de fonctionnement avoisine les 4,5 millions de dh par an, dispose aussi de huit commerces gérés par des particuliers selon un cahier des charges, a-t-il noté, ajoutant qu'un de ces commerces a fermé ses portes depuis 2005 et un autre, donnant sur l'avenue 20 août, n'a pas été exploité. La sécurité y est assurée par une société privée conformément à un appel d'offres d'une durée de trois ans, grâce à dix vigiles le jour et trois durant la nuit, alors que le nombre des employés s'élève à 24 personnes, qui se relaient en une équipe d'oiseliers et d'animaliers (alimentation et entretien), une équipe de jardiniers et une autre d'entretien (balayage, décharge d'ordures, curage des bassins), outre des chargés d'arrosage des espaces verts et des travaux d'électricité, de plomberie et de menuiserie. A la vue d'un aussi reposant lieu de détente et de quiétude, agrémenté de cours d'eau, de cascades artificielles, d'espaces de verdures, de sons d'oiseaux ou encore d'un parc de jeux pour enfants, rien ne semble le prédestiner à une quelconque tourmente. Pourtant, le sort de ce jardin semble désormais des plus incertains. Et pour cause, la commune urbaine d'Agadir avait résilié la convention la liant au Conseil préfectoral d'Agadir Ida Outanane et le "différend" n'a pas l'air de s'estomper. "Nous avons décidé, en juillet 2012, de résilier cette convention en vertu de laquelle nous étions tenus de verser un montant de deux millions de dh pour la gestion et le fonctionnement de ce parc. A partir de décembre prochain, le jardin ne comptera plus sur nous, à moins que l'on parvienne à renégocier une nouvelle convention", indique Mohamed Lahlayssi, vice-président du Conseil communal, chargé de la planification et des finances. Si cette décision fait grincer bien des dents, le même responsable reste positif : "Nous sommes prêts à contribuer, voire même à augmenter notre part de financement de ce parc, pourvu simplement que l'on clarifie les choses et que l'on sache où va cette contribution", a-t-il souligné. M. Lahlayssi a estimé qu'il n'est plus question, dans un contexte de transparence, de bonne gouvernance et de reddition des comptes, de reconduire l'ancienne convention "qui nous sommait de verser 2 MDH sans le moindre droit de regard", déplorant au passage la gratuité de l'entrée qui souffre déjà de manque de ressources, l'exiguïté de l'espace et l'absence de toute vision d'avenir pour ce jardin. Mohamed Lâaniba, président de la commission des finances au Conseil préfectoral, n'entend probablement pas ce constat de la même oreille : "La vallée des oiseaux est un don fait par feu SM Hassan II à la préfecture et il n'y a nullement de raisons de le céder à une quelconque partie", a-t-il soutenu, estimant que la Commune devait, en principe, être le premier intervenant à y apporter sa contribution dès lors que ce parc est situé dans son domaine d'intervention. Le même responsable a assuré que le Conseil préfectoral n'a, jusqu'ici, reçu aucune notification officielle faisant état de l'intention du Conseil communal de résilier ladite convention qui, a-t-il rappelé, stipule l'obligation d'en notifier l'autre partie "au moins une année auparavant". En attendant que se clarifient les termes de cette joute aux relents juridiques, l'association "Paysage", une des plus dynamiques d'Agadir, a déploré dans un récent rapport l'exiguïté des allées du parc et l'état d'abandon auquel est livrée sa partie orientale, en particulier, ainsi que le manque d'entretien (peinture, grillages, éclairage, curage des bassins, etc.). Pour Hassan, un photographe en contact permanent avec les visiteurs de ce parc depuis bientôt 15 ans, la vallée des oiseaux connait curieusement ses heures les plus fastes depuis que l'accès y est devenu gratuit il y a trois ans, ajoutant que de nouvelles installations y ont même été aménagées pour mieux répondre aux besoins des visiteurs. Sur l'éventualité de voir ce parc délocalisé hors de son site actuel en plein-centre d'Agadir, Fatima, une enseignante venue avec ses élèves du primaire pour une tournée, met en garde contre "les desseins inavoués de certaines parties plutôt éprises par la valeur foncière du terrain que d'ergoter des discours sur l'écologie et les conditions de vie des espèces". Et qui sait ? Peut-être alors que les témoignages des visiteurs se succèdent-ils sans trop se ressembler, l'avis de M. Lâaniba sonnerait-il comme un verdict sans appel, jusqu'à nouvel ordre: "La vallée des oiseaux est entre de bonnes mains et nous ne comptons pas la laisser tomber. Bien au contraire, nous envisageons de multiplier coopérations et partenariats pour qu'elle reste ce qu'elle a toujours été : Une fierté pour Agadir".