Les pilules de troisième et quatrième générations font débat. Après la plainte déposée par une jeune femme accusant un de ces contraceptifs d'être à l'origine de son AVC handicapant, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (France) s'interroge sur la manière de les prescrire. Pour qui ? Par qui ? La plainte déposée par Marion Larat contre le fabricant d'une pilule de 3egénération à la mi-décembre a déclenché l'inquiétude chez les patientes sous contraceptif oral. Victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC), la jeune femme de 25 ans impute son accident et le handicap qui en résulte à la prise de cette pilule. Selon ses avocats, 30 nouvelles plaintes devraient être déposées début janvier. Quelque 13.500 plaintes ont également été déposées aux Etats-Unis contre la pilule Yaz de 4e génération. Les pilules de 3e génération (qui existent depuis les années 90) et celles de 4è génération, nettement plus récentes et moins utilisées, sont actuellement prescrites à 1,5 million à 2 millions de femmes en France. Des concertations ont été lancées avec les professionnels de santé prescrivant actuellement la pilule (médecins généralistes, gynécologues, sages-femmes, infirmières et planning familial), devant déboucher sur une réunion formelle avec l'ANSM et des mesures concrètes dans les prochains jours. L'ANSM souhaite que les femmes reviennent aux pilules de 2è génération, qui présentent deux fois moins de risques de thrombose veineuse (phlébites et embolies pulmonaires) que les pilules de 3è génération. Une réunion extraordinaire du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est prévue le 14 janvier au sujet des effets secondaires de ces pilules. « Les contraceptifs oraux de troisième et quatrième générations exposent les femmes à un risque de thrombose veineuse ou phlébite [formation d'uncaillot de sang dans une veine, NDLR] deux fois plus élevé que les pilules de première et deuxième générations », rappelait Dominique Maraninchi, directeur de l'ANSM, dans un courrier adressé aux médecins le 21 décembre dernier. Ce risque reste rare mais potentiellement grave. Si le caillot de sang se détache, il peut notamment provoquer une embolie pulmonaire. Des risques de thrombose cinq fois plus élevés Sur une année, le risque de thrombose veineuse s'établit entre 0,5 et 1 pour 10.000 non-utilisatrices de pilules. Chez les femmes sous pilule de deuxième génération, ce risque s'élève à 2 sur 10.000. Il atteint 3 à 4 pour 10.000 utilisatrices de pilules de troisième et quatrième générations. « Les thromboses veineuses sont imprévisibles », rappelle Christian Jamin, gynécologue à Paris. Si le tabagisme augmente nettement le risque de thrombose artérielle, « la cigarette n'a rien à voir avec le risque de thrombose veineuse. C'est une fatalité ». Toutefois, le risque « reste faible et inférieur à celui auquel sont naturellement exposées les femmes en cours de grossesse », poursuit-il. Trop de prises de pilules de troisième et quatrième générations Dans son courrier aux 80.000 professionnels de santé, l'ANSM lançait une mise en garde pour qu'ils revoient leurs prescriptions à la baisse. En effet, la délivrance des pilules contraceptives de troisième et quatrième générations est jugée « excessive » en France par l'Agence. Entre 1,5 et 2 millions de femmes en prendraient aujourd'hui. Pour réduire ce chiffre, l'ANSM envisage de réserver leur délivrance à certains prescripteurs. Mais alors, pourquoi prescrire encore les pilules de troisième et quatrième générations ? « Certaines patientes tolèrent mieux ces contraceptifs. Ils provoquent souvent moins d'acné », explique Brigitte Raccah-Tebeka, gynécologue-endocrinologue à l'hôpital Robert Debré. Et, depuis 2007 déjà, la délivrance de ces contraceptifs est recommandée en seconde intention pour les patientes ne supportant pas les autres contraceptifs. « Dans tous les cas, la prescription d'une pilule, quelle qu'elle soit, doit se faire au cours d'une consultation rigoureuse, après un examen clinique et un interrogatoire fouillés », insiste-t-elle. Les pilules de troisième et quatrième générations déjà écartées ? En France, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait annoncé à la mi-septembre la fin du remboursement par l'assurance maladie de ces pilules. Celle-ci ne devait prendre effet au 30 septembre 2013, mais face à la polémique, la ministre vient d'avancer la date au 31 mars prochain. Une décision mal perçue par certains spécialistes. « Le déremboursement donne l'impression que ces pilules devraient être interdites, estime le docteur Jamin. Or, recommander la prescription en seconde intention était une décision intelligente. Et pour faire appliquer ces préconisations, il vaudrait mieux investir dans l'information et la formation des médecins généralistes et des sages-femmes. »