Le rapport du Conseil économique et social intitulé « Le système fiscal marocain, développement économique et cohésion sociale », adopté dans le cadre d'une auto-saisine de cette institution, a ouvert la voie à une réflexion sur la fiscalité dont elle a analysé plusieurs aspects et axes fondamentaux en commençant par son historique. Ainsi ont été traités les points relatifs à : - L'architecture générale du système fiscal marocain - Les dépenses fiscales et subventions budgétaires - Les pratiques fiscales et relation administration-contribuable - L'analyse des grandes composantes Les CES a publié, il y a quelques semaines un rapport analytique de l'étude qu'il a réalisé et dont nous avons donné un compte-rendu détaillé dans l'une de nos précédentes éditions. Cette institution vient de publier le rapport intégral de cette étude dont nous donnons les détails de la partie portant sur l'analyse des grandes composantes de la fiscalité marocaine. S'agissant du diagnostic général du système fiscal, le rapport du CES précise que les recettes fiscales et douanières, à 194 Milliards de DH dans la loi de finance 2012, constituent aujourd'hui le poste de recettes le plus important pour couvrir les dépenses de l'Etat (72% du total). Dans ces recettes, les impôts indirects (TVA et TIC) représentent la part prépondérante, avec une TVA à l'import qui en constitue la partie la plus importante (60% du total de la TVA collectée), marquant ainsi le poids dominant des importations dans la consommation. Dans la pratique, la fiscalité au Maroc est restée un domaine en perpétuelle réforme, ainsi, à chaque loi de finance, des nouveautés sont introduites, dans une logique d'incitation économique nouvelle ou pour répondre au souci de tel ou tel secteur économique, ou telle catégorie sociale. A la longue, le système a perdu en lisibilité et a très largement renforcé la Doctrine Administrative, qui, via les circulaires de la Direction Générale des Impôts ou ses autres publications, fixe la manière dont la loi doit être interprétée. Le système fiscal marocain est très largement utilisé par l'autorité gouvernementale comme levier économique d'incitation, soit à l'investissement de façon générale (charte de l'investissement de 1995), ou à l'investissement plus particulièrement dans tel ou tel secteur (logement économique, offshoring etc.). Certains secteurs bénéficient par ailleurs de fiscalité allégée (taux de TVA ou d'IS réduits) ou sont exonérés (Agriculture). L'ensemble de ces mesures, dont le coût global se chiffre à plus de 32 milliards de DH, ne donnent pas lieu à des analyses périodiques quant à leur efficacité, ou à l'effet d'éviction qu'elles peuvent induire en favorisant un secteur productif par rapport à d'autres. Basés sur le principe de déclaration, la plupart des impôts supposent une initiative de déclaration de la part des assujettis (IS, TVA, Droits d'Enregistrements, etc.). D'autres impôts, plus simples à cerner à la base, sont plutôt prélevés à la source (IR sur les salaires, prélèvements sur les placements financiers), sur une base également déclarative par les organismes responsables des prélèvements (Employeurs, Banques etc.). Le fait que le système soit déclaratif met l'administration en situation de suspicion permanente vis-à-vis du contribuable. La relation entre l'administration fiscale et les contribuables est ainsi très largement conflictuelle. Le poids de la fiscalité ne pèse pas de façon équilibré sur les agents économiques, ainsi le poids de l'IS reste supporté par une petite minorité d'entreprises (2% des entreprises payent 80% de l'IS), et l'IR repose pour l'essentiel sur les revenus sous forme de salaires dans les secteurs organisés (73% de l'IR provient des salariés). La pression fiscale et sociale est à 22% pour les salaires proches du SMIG pour atteindre 45% pour les revenus élevés. La fiscalité des revenus salariaux ne peut ainsi être appréhendée correctement si on n'intègre pas les prélèvements sociaux. La TVA ne touche pas de grands pans de l'activité économique. Des circuits entiers, de production ou de distribution restent en effet en dehors du champ des impôts, alourdissant d'autant la part supportée par le secteur formel, et dans celui-ci des entreprises les plus transparentes. Le système de gestion de la TVA est très décrié par les agents économiques, Ainsi la TVA qui suppose, comme son nom l'indique, que cet impôt, payé in fine par le consommateur, ne concerne que la valeur ajoutée créée par l'entreprise, s'est transformé au fil du temps en taxe sur les achats pour certains agents économiques, ou en taxe sur le chiffre d'affaires pour d'autres. La TVA pèse lourd sur les investissements, et en particulier ceux réalisés par les entreprises publiques dans le cadre des infrastructures de base. Ce volet, antiéconomique, s'apparente à une anticipation de recettes futures de l'Etat qui doivent être générés par l'investissement en question et qui sont consommés immédiatement. Or, le mécanisme de compensation neutre est le principe de base de la TVA comme le montrent les pratiques et les expériences en vigueur dans plusieurs pays qui remboursent aussi bien le crédit de TVA pouvant découler de l'investissement que celui pouvant être généré par l'exploitation courante. La problématique du remboursement des crédits de TVA constitue le principal défi qui doit être relevé pour assurer la neutralité de cette taxe à l'instar de ce qui est en vigueur dans d'autres pays. L'impôt sur les sociétés souffre quant à lui d'une définition trop large de ses critères de calcul, générant pour le contribuable une incertitude d'interprétation, que l'administration fiscale met quasi systématiquement à profit pour redresser à son avantage. Les demandes de clarification n'obtiennent que rarement des réponses claires, et la Direction de la Législation Fiscale, étant intégrée à la Direction Générale des impôts, a souvent une position qui privilégie l'interprétation des inspecteurs fiscaux. Un travail de clarification des modalités de fixation du résultat imposable par secteur d'activité, comme c'est le cas dans de nombreux pays, et la publication de ces règles apparaissent aujourd'hui comme une nécessité pour aboutir à une relation apaisée entre l'administration et les entreprises.