L'Assemblée générale de l'Onu a reconnu jeudi implicitement l'existence d'un Etat palestinien souverain en lui accordant à une large majorité le statut d'Etat non membre observateur, malgré les menaces de représailles financières brandies par les Etats-Unis et Israël contre l'Autorité palestinienne. Le projet de résolution accordant le statut d'»Etat non membre» à une Autorité palestinienne jusqu'ici mentionnée en tant qu'»entité» a été adopté par 138 voix pour, neuf contre et 41 abstentions. Son président, Mahmoud Abbas, qui s'était lui-même chargé de rallier les suffrages des 193 Etats membres, avait avant le vote exhorté les délégués à donner à l'Etat palestinien «un certificat de naissance.» «Il y a exactement 65 ans, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 181, qui séparait la terre de la Palestine historique en deux Etats et qui est devenue le certificat de naissance d'Israël», a déclaré Mahmoud Abbas devant les délégués. «L'Assemblée générale est sollicitée aujourd'hui pour accorder un certificat de naissance de la réalité de l'Etat de la Palestine», a-t-il ajouté. L'ambassadeur d'Israël à l'Onu, Ron Prosor, avait pris ensuite la parole pour réitérer l'hostilité de son pays à l'octroi de ce statut aux Palestiniens. «Cela ne fait pas progresser la paix. Cela la fait reculer», a-t-il dit. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, se trouve à New York mais ne s'est pas déplacé au siège des Nations unies. A Jérusalem, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a qualifié le discours de Mahmoud Abbas d'»hostile et venimeux». «Ce ne sont pas les paroles d'un homme qui veut la paix», a-t-il ajouté. Pour le Premier ministre israélien, ce vote «ne changera rien à la situation sur le terrain». Aucun Etat palestinien ne verra le jour sans un accord garantissant la sécurité des citoyens israéliens», a-t-il dit dans un communiqué. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a jugé la résolution «fâcheuse et contreproductive» et a estimé qu'elle ajoutait d'autres obstacles sur la voie de la paix. La représentante américaine aux Nations Unies, Susan Rice, a appelé les deux parties a reprendre des négociations de paix directes, «sans préalables, sur tous les sujets qui les divisent.» Auparavant, Washington avait dépêché William Burns et David Hale, secrétaire d'Etat adjoint et émissaire pour le Proche-Orient, à New York pour tenter une dernière fois de convaincre le président de l'Autorité palestinienne de renoncer à son projet. L'initiative palestinienne, a par ailleurs rappelé Victoria Nuland, porte-parole du département d'État, pourrait entraîner une réduction de la contribution américaine au budget de l'Autorité. «Ce n'est pas la meilleure façon de convaincre Obama d'adopter une approche plus positive du processus de paix. Trois semaines après son élection, c'est presque une gifle en pleine figure», résume un diplomate occidental. Le gouvernement israélien agite lui aussi la menace de représailles financières, par le biais des taxes et autres droits de douane collectés au nom de l'Autorité autonome. L'équipe de Benjamin Netanyahu semble toutefois soucieuse d'éviter l'isolement diplomatique. Au fil des ralliements à l'initiative de Mahmoud Abbas, notamment en Europe, les menaces se sont faites plus discrètes. «La décision des Nations unies ne changera rien sur le terrain. Elle ne favorisera pas la création d'un Etat palestinien. Elle la reportera encore», a estimé le Premier ministre israélien. Anane Achraoui, membre éminente de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a quant à elle dénoncé un «chantage à l'argent». «Si Israël veut déstabiliser toute la région, libre à lui. Nous solliciterons l'appui du monde arabe si Israël riposte par des mesures financières, et l'Union européenne a fait savoir qu'elle ne reviendrait pas sur son soutien en notre faveur», a-t-elle déclaré. Dans son projet de résolution, l'Autorité palestinienne s'engage à relancer le processus de paix gelé depuis deux ans immédiatement après l'adoption du texte. Comme elle l'avait annoncé, la France a voté en faveur de la reconnaissance du statut d'Etat non membre. «Ce vote est conforme à mon engagement de soutenir la reconnaissance internationale de l'Etat palestinien. Mais il ne pourra se traduire dans les faits que dans le cadre d'un règlement de paix juste et global», a déclaré le président François Hollande dans un communiqué, ajoutant que le dialogue direct est la seule voie pour trouver une issue définitive au conflit et que Paris était prêt à y contribuer. Outre la France, l'Italie et l'Espagne, Autriche, Danemark, Finlande, Grèce, Irlande, Islande, Luxembourg, Malte, Norvège, Portugal, Suède et Suisse ont apporté leur soutien au projet de Mahmoud Abbas, qui avait sollicité en vain l'an dernier le statut d'Etat membre à part entière. Cette mobilisation européenne, qui reste partielle, pourrait dissuader l'Etat hébreu d'infliger de dures représailles à l'administration de Mahmoud Abbas. Il pourrait en revanche se montrer sans pitié si elle le poursuit pour crime de guerre et crimes contre l'humanité devant la Cour pénale internationale, que seuls les Etats reconnus par l'Onu peuvent saisir. «Je ne crois pas que nous allons nous précipiter dès le lendemain (du vote) pour intégrer tout ce qui est lié aux Nations unies, y compris la CPI», a déclaré mercredi Riad Mansour, observateur palestinien à l'Onu. Le gouvernement israélien pourrait en outre hésiter à s'en prendre à Mahmoud Abbas après l'élan de solidarité que son offensive dans la bande de Gaza a suscité en faveur du Hamas.