La fin de la saison des pluies dans le Sahel a donné le signal du départ du criquet pèlerin vers les territoires du nord et leurs pluies hiverno-printanières. Des groupes de plusieurs milliers d'insectes ont été repérés en Mauritanie. Au sol, des équipes de guetteurs les pistent sur plusieurs dizaines de milliers de km2 et traitent les zones où des larves ont été détectées. Leur crainte ? La formation d'essaims de centaines de milliers d'individus qui s'attaqueraient aux arbres et aux cultures, rapporte vendredi le quotidien français «Le Monde», sous la plume de Rémi Barroux. Cette situation est jugée «sérieuse» et pourrait s'aggraver dans les prochaines semaines. «Des criquets pèlerins ont été observés dans les régions du Tagant et de l'Adrar, ou en Assaba, au nord de la ville de Kiffa, explique Mohamed Abdallahi Ould Babah, directeur du Centre national de lutte antiacridienne, du ministère de développement rural mauritanien. Un grand groupe a été signalé, mardi 20 novembre, au sud-ouest d'Atar, suivi attentivement par une de nos équipes.» Plus de 16 000 hectares ont déjà été «nettoyés» et la situation serait sous contrôle, annonce le gouvernement. «Nous sommes dans une phase de résurgence avancée», précise M.Ould Babah. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a identifié quatre étapes-clés s'agissant de l'état des populations de criquets pèlerins : «Rémission, résurgence, recrudescence et invasion.» Même si l'urgence n'a pas été encore décrétée et que le gouvernement refuse aujourd'hui l'aide de la FAO pour un traitement aérien, la menace est jugée réelle. La situation au Mali augmente la pression Les criquets pèlerins, présents dans le nord du Tchad, du Mali et du Niger, se déplacent vers le nord-ouest de la Mauritanie. De là, les groupes d'insectes, qui s'attaquent aux cultures maraîchères et aux arbres - notamment les palmeraies abritant les cultures -, pourront continuer leur migration vers le Nord. «On s'attend à ce que davantage de groupes et de petits essaims se forment au Mali et au Niger et se déplacent vers l'Algérie, la Libye et peut-être le Maroc dans les prochaines semaines», indique le Centre d'intervention antiacridien d'urgence de la FAO, dans un bulletin d'information publié le 13 novembre. Dimanche 18 novembre, le comité qui coordonne la lutte antiacridienne au niveau de l'Afrique subsaharienne s'est réuni à Nouakchott, la capitale mauritanienne. «Nous ne demandons pas d'aide internationale, dit M.Ould Babah. Mais il faut que les pays voisins fassent tous un effort et restent attentifs aux migrations des insectes.» La Mauritanie doit à la fois surveiller ses colonies autochtones et les mouvements importants en provenance des Etats voisins. «La situation au Mali, où il n'est pas possible, pour des raisons de sécurité, de traiter les groupes de criquets, augmente la pression sur la Mauritanie, explique Annie Monard, coordinatrice de la réponse d'urgence pour la menace acridienne au Sahel à la FAO. De même que la situation en Libye avait rendu impossible, l'année dernière, l'intervention sur des zones à traiter.» Quelque 50 millions de personnes pourraient être menacés Preuve de ces difficultés à intervenir, l'arrivée de criquets qui se sont abattus mi-novembre sur la ville libyenne de Ghadamès et ses environs, dans le sud-ouest du pays, a conduit les autorités à demander aux «citoyens qui sont en possession de matériel de lutte anti-acridienne, tels les véhicules et autres engins vaporisateurs pillés lors du conflit de 2011 [qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi], de les restituer». Le criquet pèlerin a, bien sûr, profité de ces moments de répit. Il a joui aussi de conditions climatiques favorables. «La saison des pluies, très humide, lui a été bénéfique, relève Annie Monard. Cet été, les criquets ont pondu à deux reprises - une femelle peut livrer de 80 à 120 œufs par ponte -, mettant au monde deux générations qui vont devoir se nourrir, augmentant la pression sur le terrain.» La ponte a été bonne, en effet, et les larves ont grandi dans un environnement écologique favorable. «Les criquets, sous l'effet de la densité de leur population, vont passer d'une phase solitaire à une phase grégaire, précise-t-elle. C'est-à-dire qu'ils vont former des groupes, composés de quelques dizaines d'individus, puis des essaims susceptibles de réunir des centaines de milliers de criquets, qui deviennent du coup une lourde menace pour l'homme et son alimentation.» Si ce scénario catastrophe se réalisait, et que les récoltes étaient détruites, la FAO estime que la faim menacerait alors quelque cinquante millions de personnes dans la région, conclut «Le Monde».