Les affrontements dans l'ouest de la Birmanie entre bouddhistes et musulmans de la minorité Rohingya qui font rage depuis six jours ont fait 64 morts, rapportent les autorités, après avoir annoncé un premier bilan de 112 morts. Les autorités locales avaient alors précisé que 62 femmes figuraient parmi les 112 morts recensés. Deux mille habitations et huit édifices religieux ont été détruits et une centaine de personnes blessées, selon les médias officiels. Des bouddhistes de l'ethnie Rakhine disent avoir été pris pour cibles par les forces de l'ordre, qui peinent à reprendre le contrôle de la situation dans cette région où des violences religieuses avaient déjà fait 80 morts et 75.000 déplacés en juin. L'armée a ouvert le feu pour empêcher des villageois Rakhine se trouvant sur deux bateaux de s'en prendre à des musulmans Rohingya, déclare Aung Kyaw Min, un Rakhine de 28 ans ayant reçu une balle dans la jambe et soigné à l'hôpital de Kyauktaw, une localité située au nord de la capitale de l'Etat, Sittwe. «Je ne sais pas pourquoi les militaires nous ont tiré dessus.» Lors d'un incident séparé, les forces de l'ordre ont tiré sur un groupe de manifestants Rakhine dans la banlieue de Kyauktaw, faisant deux morts et quatre blessés, raconte Hla Hla Myint, 17 ans, un autre blessé. Le secrétaire général de l'Onu s'est dit préoccupé et a invité les autorités à faire le nécessaire pour reprendre la situation en main. «Les attaques de milices, les menaces ciblées et la rhétorique incendiaire doivent prendre fin», a déclaré un porte-parole de Ban Ki-moon. «Si cela n'est pas le cas, le tissu social pourrait être irrémédiablement abîmé et la réforme et le renforcement du processus actuellement suivi par le gouvernement probablement remis en cause», a-t-il ajouté, allusion aux mesures d'ouverture mises en oeuvre depuis que la junte militaire a cédé le pouvoir à une administration civile, l'an dernier. La représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton s'est, quant à elle, déclarée profondément préoccupée par cette violence, ajoutant qu'il était urgent de fournir un accès sans entrave à l'aide humanitaire. L'ethnie musulmane des Rohingya est officiellement apatride. La Birmanie, à majorité bouddhiste, compte environ 800.000 Rohingya, considérés par le gouvernement comme des clandestins en provenance du Bangladesh, qui se refuse de son côté à leur accorder le statut de réfugiés depuis 1992. Le gouvernement du président birman Thein Sein a négocié des accords de cessez-le-feu avec la plupart des mouvements séparatistes qui ont combattu pendant un demi-siècle, mais n'a rien fait concernant le problème des Rohingya. Correspondants de Reuters, Jean-Philippe Lefief et Agathe Machecourt pour le service français, édité par Danielle Rouquié