Le système politique marocain présente un certain nombre de particularités, à la tête desquelles l'importance de l'institution monarchique dans la conduite de l'action publique. La place décisive occupée par cette institution est intimement liée au fait que le roi incarne à la fois le rôle d'Amir al mouminine, correspondant à sa fonction symbolique de chef spirituel du royaume, et celui d'arbitre suprême entre les institutions, correspondant à l'un des aspects de son rôle politique, que lui attribue expressément la Constitution. De plus, le fait que le Maroc soit un régime parlementaire, comme cela est explicitement formulé dans la Loi fondamentale du royaume, implique trois principes, qui sont en fait les éléments permettant de le définir. Il s'agit de l'engagement de la responsabilité du gouvernement devant le parlement, puisque le premier tire sa légitimité du second ; de la nomination du chef du gouvernement par le chef de l'Etat, qui demeure dans le cas du Maroc une compétence liée du souverain, puisqu'il désigne le chef du gouvernement au sein du parti ayant obtenu le plus grand nombre de voix aux élections législatives ; et enfin de l'irresponsabilité politique du chef de l'Etat, qui est au demeurant une véritable constante constitutionnelle à l'échelle internationale. Cette irresponsabilité de fait et de droit, qui découle directement de la forme monarchique de l'Etat et du choix parlementaire du régime, est également liée au fait que le roi soit une force politique se positionnant au-delà des contingences politiques inhérentes à la vie partisane au Maroc. C'est ainsi que le monarque se voit confier par la Constitution marocaine de 2011 la fonction d'arbitre suprême entre les institutions, qui veille au strict respect de la Constitution et au bon fonctionnement des institutions de l'Etat. Le fait que le roi ne soit soumis à aucune pression de nature politique est une véritable garantie du choix démocratique de l'Etat et du respect des droits et libertés fondamentaux. De cette manière, le rôle d'arbitre suprême entre les institutions revient naturellement au chef de l'Etat, qui assume donc une fonction allant permettre la régulation et la préservation du cadre et des interactions institutionnels. Les deux mécanismes concrets permettant de rendre cet arbitrage efficace sont la possibilité pour le roi de dissoudre le parlement ou de soumettre au peuple un référendum. Il s'agit donc d'un arbitrage actif, qui peut ainsi prendre la forme d'un arbitrage populaire, à travers notamment la possibilité constitutionnelle accordée au roi de soumettre un référendum à l'approbation populaire. De plus, le droit de dissolution des Chambres accordé au roi, sans contrepartie aucune, est également un moyen entre ses mains, lui permettant de mener à bien sa fonction d'arbitre, en cas de défaillance de l'une des principales institutions nationales. Notons tout de même que les pouvoirs induits par cette fonction ne sont pas systématiquement des pouvoirs propres au roi, dans la mesure où le chef du gouvernement peut également dissoudre la Chambre des représentants. Ainsi, si l'Etat marocain doit pour perdurer s'inscrire dans la continuité, tout en assumant son choix démocratique matérialisé, entre autres, par un pluralisme politique affiché, il lui a été nécessaire de transcender les contingences politiques, à travers notamment la mise en place d'un arbitrage impartial, qui échoit au roi, acteur politique à part entière, mais néanmoins extérieur au jeu politique partisan et à la lutte pour le pouvoir qu'il suppose. Le roi dispose donc de prérogatives constitutionnelles fortes, que le rééquilibrage et la rationalisation opérés par la Constitution de 2011 tendent néanmoins à contrebalancer. Les prérogatives royales se justifient aisément par la nécessité de veiller à la continuité de la forme monarchique du régime et à la permanence historique de l'Etat, via un pouvoir d'arbitrage entre les institutions dans le but de réaliser les intérêts supérieurs de la nation. *Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.