La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires est le titre du nouveau livre initié et réalisé sous la direction du Centre d'Etudes Internationales* (CEI), paru aux éditions LGDJ le 24 avril 2012 et dont la commercialisation au Maroc aura lieu prochainement. Dans cet ouvrage collectif, David Melloni** aborde l'un des enjeux majeurs de la réforme constitutionnelle marocaine de juillet 2011 : celui du régime politique qu'elle instaure. Le Maroc est-il enfin devenu la «(…) monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale » qu'il affirme vouloir être ? L'affirmation par la Constitution promulguée le 29 juillet 2011 d'une spécialisation organique et exclusive des pouvoirs législatif et exécutif, confortée par la revendication explicite d'une «monarchie parlementaire», constitue indéniablement une rupture avec les régimes précédents, construits sur les bases du modèle «semi-présidentiel» français. Assise sur une redéfinition et une désacralisation partielle du pouvoir royal, la nouvelle Constitution annonce tout d'abord les prémices d'une sécularisation - par la réécriture de l'ancien article 19 et par une dissociation inédite des dimensions temporelles et spirituelles des pouvoirs du roi - ainsi que les fondements d'un Etat de droit, par la consécration de l'indépendance du pouvoir judiciaire, et par une approche normativiste susceptible de mettre un terme à la puissante théorie de l'immunité juridictionnelle des actes royaux. Elle érige ensuite un système primo-ministériel renforçant très sensiblement les prérogatives du chef du gouvernement et du parlement, par un profond rééquilibrage des pouvoirs et l'avènement annoncé d'un «roi arbitre». (Lire en P.2) Nécessairement nommé au sein du parti politique arrivé en tête des élections de la Chambre des représentants, le chef du gouvernement conquiert une double autonomie constitutionnelle par rapport au roi. Désormais responsable devant la seule Chambre des représentants, et non plus devant le souverain, le chef du gouvernement dispose également du pouvoir de dissoudre la Chambre des représentants, héritant ainsi d'un statut constitutionnellement comparable - s'agissant de sa responsabilité politique - à celui du président du gouvernement espagnol. Revêtu des «habits» qui siéent à un véritable chef de l'exécutif, le chef du gouvernement marocain dispose également des «outils» nécessaires à son émancipation, et à l'exercice véritable du pouvoir exécutif. La Constitution pérennise ainsi le Conseil du gouvernement, dont l'existence et le fonctionnement régulier étaient jusqu'alors ignorés par la norme suprême. Présidé par le chef du gouvernement, ce Conseil - qui se distingue du Conseil des ministres par la présence d'éventuels secrétaires d'Etat, mais aussi et surtout par l'absence du roi - se voit ainsi officiellement investi d'un certain nombre de compétences propres, échappant par conséquent à toute emprise royale. De son côté, le parlement bénéficie d'un renforcement substantiel de ses pouvoirs. Celui-ci se manifeste, d'abord, par un élargissement sensible de ses compétences, tout spécialement sur le plan législatif, par la suppression de plusieurs possibilités d'immixtion du pouvoir royal, et sur le plan des traités internationaux. Il prend la forme, ensuite, d'une réorganisation et d'une rationalisation du travail parlementaire, par le renforcement des prérogatives de la Chambre des représentants et par l'affaiblissement corrélatif de la Chambre des conseillers, ainsi que par la reconnaissance d'un véritable statut à l'opposition parlementaire. Si la nouvelle Constitution marocaine tend certainement vers une forme de parlementarisme ouvrant la voie à une démocratie de type majoritaire, l'analyse exhaustive des pouvoirs attribués au roi relativise toutefois le basculement revendiqué de la Constitution marocaine vers un parlementarisme de type moniste, comparable à celui que peuvent connaître les monarchies européennes. Cette analyse témoigne, tout d'abord, de la persistance du « roi acteur », à travers la participation évidente du monarque à l'exercice même du pouvoir exécutif. En effet, d'une part, le Souverain codirige le pouvoir exécutif à travers son emprise sur la composition du gouvernement (dont il peut révoquer les membres, excepté le premier ministre) et la présidence du Conseil des ministres. Et, d'autre part, l'on observe une ambivalence du texte constitutionnel s'agissant de l'exercice du pouvoir législatif dans les domaines relevant de l'autorité spirituelle du souverain (statut personnel, succession, nationalité, etc.), ainsi qu'à travers les prérogatives qui lui sont attribuées dans l'exercice du pouvoir constituant dérivé et dans la proclamation de l'état d'exception. Les prérogatives royales ne remettent pas en cause la nature parlementaire du régime, et n'entravent en rien la transition démocratique en cours. Mais l'on peut regretter simplement l'ambivalence de la Constitution, qui ne semble pas assumer pleinement un équilibre constitutionnel pourtant totalement compatible avec l'Etat de droit. Ainsi, le nouvel ordre constitutionnel marocain n'est ni l'expression aboutie d'une «monarchie parlementaire» - dans son acception moderne -, ni la résurgence d'une «monarchie gouvernante», dans sa conception hassanienne. Il est, de manière beaucoup plus complexe et subtile, l'expression d'un régime hybride, c'est-à-dire d'une monarchie parlementaire et gouvernante. Gouvernante, car le roi y détient des prérogatives essentielles, tant en ce qui concerne l'exercice quotidien du pouvoir que les attributs les plus solennels de la souveraineté. Parlementaire, car le roi n'y gouverne plus seul : codétenteur d'un pouvoir exécutif partagé avec un authentique chef du gouvernement, il n'est par ailleurs plus en mesure d'exercer seul le pouvoir législatif dans les domaines qui lui étaient jusqu'alors réservés. De ce qui précède, il ressort qu'un régime parlementaire original, de type dualiste, respectueux des principes démocratiques, prend forme au Maroc. (Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. ((David MELLONI est actuellement Professeur à l'université de Haute-Alsace de Mulhouse, à l'université de Nancy et à l'Ecole de Gouvernance et d'Economie de Rabat et exerce en tant qu'avocat au barreau d'Epinal. Par ailleurs, David MELLONI est conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales. Nécessairement nommé au sein du parti politique arrivé en tête des élections de la Chambre des représentants, le chef du gouvernement conquiert une double autonomie constitutionnelle par rapport au roi. Désormais responsable devant la seule Chambre des représentants, et non plus devant le souverain, le chef du gouvernement dispose également du pouvoir de dissoudre la Chambre des représentants, héritant ainsi d'un statut constitutionnellement comparable - s'agissant de sa responsabilité politique - à celui du président du gouvernement espagnol. Revêtu des «habits» qui siéent à un véritable chef de l'exécutif, le chef du gouvernement marocain dispose également des «outils» nécessaires à son émancipation, et à l'exercice véritable du pouvoir exécutif. La Constitution pérennise ainsi le Conseil du gouvernement, dont l'existence et le fonctionnement régulier étaient jusqu'alors ignorés par la norme suprême. Présidé par le chef du gouvernement, ce Conseil - qui se distingue du Conseil des ministres par la présence d'éventuels secrétaires d'Etat, mais aussi et surtout par l'absence du roi - se voit ainsi officiellement investi d'un certain nombre de compétences propres, échappant par conséquent à toute emprise royale. De son côté, le parlement bénéficie d'un renforcement substantiel de ses pouvoirs. Celui-ci se manifeste, d'abord, par un élargissement sensible de ses compétences, tout spécialement sur le plan législatif, par la suppression de plusieurs possibilités d'immixtion du pouvoir royal, et sur le plan des traités internationaux. Il prend la forme, ensuite, d'une réorganisation et d'une rationalisation du travail parlementaire, par le renforcement des prérogatives de la Chambre des représentants et par l'affaiblissement corrélatif de la Chambre des conseillers, ainsi que par la reconnaissance d'un véritable statut à l'opposition parlementaire. Si la nouvelle Constitution marocaine tend certainement vers une forme de parlementarisme ouvrant la voie à une démocratie de type majoritaire, l'analyse exhaustive des pouvoirs attribués au roi relativise toutefois le basculement revendiqué de la Constitution marocaine vers un parlementarisme de type moniste, comparable à celui que peuvent connaître les monarchies européennes. Cette analyse témoigne, tout d'abord, de la persistance du « roi acteur », à travers la participation évidente du monarque à l'exercice même du pouvoir exécutif. En effet, d'une part, le Souverain codirige le pouvoir exécutif à travers son emprise sur la composition du gouvernement (dont il peut révoquer les membres, excepté le premier ministre) et la présidence du Conseil des ministres. Et, d'autre part, l'on observe une ambivalence du texte constitutionnel s'agissant de l'exercice du pouvoir législatif dans les domaines relevant de l'autorité spirituelle du souverain (statut personnel, succession, nationalité, etc.), ainsi qu'à travers les prérogatives qui lui sont attribuées dans l'exercice du pouvoir constituant dérivé et dans la proclamation de l'état d'exception. Les prérogatives royales ne remettent pas en cause la nature parlementaire du régime, et n'entravent en rien la transition démocratique en cours. Mais l'on peut regretter simplement l'ambivalence de la Constitution, qui ne semble pas assumer pleinement un équilibre constitutionnel pourtant totalement compatible avec l'Etat de droit. Ainsi, le nouvel ordre constitutionnel marocain n'est ni l'expression aboutie d'une «monarchie parlementaire» - dans son acception moderne -, ni la résurgence d'une «monarchie gouvernante», dans sa conception hassanienne. Il est, de manière beaucoup plus complexe et subtile, l'expression d'un régime hybride, c'est-à-dire d'une monarchie parlementaire et gouvernante. Gouvernante, car le roi y détient des prérogatives essentielles, tant en ce qui concerne l'exercice quotidien du pouvoir que les attributs les plus solennels de la souveraineté. Parlementaire, car le roi n'y gouverne plus seul : codétenteur d'un pouvoir exécutif partagé avec un authentique chef du gouvernement, il n'est par ailleurs plus en mesure d'exercer seul le pouvoir législatif dans les domaines qui lui étaient jusqu'alors réservés. De ce qui précède, il ressort qu'un régime parlementaire original, de type dualiste, respectueux des principes démocratiques, prend forme au Maroc. *Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. **David MELLONI est actuellement Professeur à l'université de Haute-Alsace de Mulhouse, à l'université de Nancy et à l'Ecole de Gouvernance et d'Economie de Rabat et exerce en tant qu'avocat au barreau d'Epinal. Par ailleurs, David MELLONI est conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales.