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Sucre : Tout sur la formation des prix et les subventions Le prix de revient du sucre raffiné national supérieur aux cours mondiaux
Subvention forfaitaire de 2.531 DH/T en 2011
La réforme de la Caisse de compensation, dont la charge s'avère tr !s lourde pour le budget de l'Etat dont elle ampute gravement les ressources destinées à l'investissement, se révèle très délicate en raison de ses implications sur les catégorie pauvres et moyennes de la population marocaine. Les dysfonctionnements des mesures de subventions des filières des produits pétroliers, des farines et du sucre sont économiquement irrationnels et constituent un grave dérapage de la politique de l'Etat en la matière par rapport aux objectifs de soutien du pouvoir d'achat des catégories sensées en être la cible. Le Conseil de la concurrence a publié, dernièrement un e étude sur la libéralisation des prix dans trois filières et ses impacts éventuels sur les différentes catégories de la population. Nous avons publié dans nos deux précédents suppléments économiques de larges extraits des parties de cette étude relatives aux filière des produits pétroliers et des farines. Nous en publions aujourd'hui la la partie consacrée à la filière sucrière. Monopole de la COSUMAR Le sucre est un produit de consommation de base et bénéficie à ce titre d'une subvention conséquente pour en assurer l'accès à toutes les catégories de la population. Or le système de compensation en vigueur dans un contexte de forte dépendance des cours mondiaux du sucre brut entraîne une charge croissante sur le budget de l'Etat et son caractère universel ne répondrait pas toujours aux objectifs sociaux escomptés. L'exercice des activités de production, de transformation et de distribution du sucre est libre. Cependant, il est réglementé par un dispositif garantissant l'approvisionnement du marché, la constitution de stocks de sécurité, la pérennité de l'amont agricole et de l'industrie nationale de raffinage ainsi que la stabilisation du niveau des prix à la consommation. . La réglementation fixe ainsi le prix de référence des plantes sucrières, le prix du sucre entrée usine de raffinage, le prix sortie usine, les marges de distribution et le montant des subventions. Elle protège la production industrielle nationale par l'imposition de droits à l'importation élevés pour le sucre raffiné. Les textes régissent également la liste des industriels utilisant le sucre et bénéficiant d'une partie ou de la totalité des subventions des prix du sucre. Le segment industriel de la filière sucrière est détenu par la COSUMAR qui jouit d'une situation de monopole depuis que cette entreprise, qui opérait initialement au niveau de l'activité de raffinage seulement, a acquis les 4 sucreries publiques (SUTA, SURAS, Sunabel et Sucrafor) en 2005. La production nationale de sucre raffiné couvre les besoins de consommation courants de la population marocaine. Entre 2005 et 2011, la production locale est passée d'un volume de 1,06 à 1,23 millions de tonnes, comme le montre le tableau suivant. Elle tend néanmoins à atteindre la pleine capacité de l'outil de production national qui se situe à environ 1,25 millions de tonnes. Il ressort de ce tableau que près de la moitié de la production est sous forme de sucre granulé, alors que 35% de cette production est sous forme de pains de sucre et le reste soit 15% en morceaux ou lingots, répondant ainsi aux différentes habitudes de consommation de la population. Cette production est issue des plantes sucrières et du raffinage du sucre brut importé. Concernant l'amont agricole, il s'étend sur une superficie de 90.000 hectares en zones irriguées ou en bour favorable et emploie près de 80.000 personnes. On constate que, malgré une tendance à l'augmentation tant des superficies que du rendement de ces cultures industrielles, leurs productions restent insuffisantes par rapport à la demande nationale, d'où le recours aux importations de sucre brut pour couvrir les besoins en matières premières. A cet égard, il convient de relever que la part du sucre brut importé tend à augmenter dans la production totale, passant de 56,2% en 2005 à près de 69% en 2010, tel qu'illustré dans le tableau suivant. Cette dépendance croissante de l'industrie nationale sucrière des importations a incité le gouvernement et la Fédération Interprofessionnelle Marocaine du Sucre (FIMASUCRE, constituée de la COSUMAR et de l'Union nationale des producteurs des plantes sucrières du Maroc) à mettre en oeuvre un contrat –programme relatif à la mise à niveau de la filière sucrière sur la période 2008-2013. L'un des objectifs majeurs de cet accord est de satisfaire la demande à hauteur de 55% par la production nationale en 2013, contre 38% en 2007, et de porter les rendements moyens de la betterave et de la canne à sucre à respectivement 59T/ha et à 81 T/ha. L'atteinte de ces objectifs aurait permis de réduire les implications de la dépendance vis-à-vis des importations de matières premières et de réduire l'impact en termes de subventions. Cependant, les indicateurs ne montrent pas d'évolution significative dans ce sens, notamment du fait des conditions climatiques qui affectent les niveaux de production et les rendements des cultures sucrières. Consommation : 36,7 kg par personne et par an La consommation nationale de sucre s'est élevée à 1,17 million de tonnes en 2010, soit environ 36,7 kg par personne et par an, un niveau équivalent à celui de l'Union Européenne, contre 23 kg par personne et par an au niveau mondial. Le tableau suivant indique l'évolution de la consommation nationale de sucre et sa structure depuis 2005. Selon la COSUMAR, la consommation des différents types de sucre varie selon le milieu et le niveau de vie : le sucre en pain est principalement consommé dans le monde rural, dans le Sud et l'Oriental, alors que le sucre en lingots ou morceaux utilisé essentiellement pour la préparation du thé est consommé dans les milieux périurbains. Le granulé quant à lui est surtout utilisé par l'industrie, la pâtisserie et dans la région du Nord. Les industries agroalimentaires (sodas, biscuits, confiseries...) consommeraient près de 26% de la production de sucre granulé selon la COSUMAR. La formation des prix Les prix à la consommation du sucre raffiné produit au niveau national sont fixes depuis plusieurs années, et ce grâce au système de compensation en vigueur garantissant l'approvisionnement du marché à des prix accessibles à tous malgré la forte exposition du secteur aux fluctuations et la tendance à la hausse des cours mondiaux du sucre brut. Toutefois, si l'on considère l'évolution des cours mondiaux du sucre raffiné, ils apparaissent moins élevés que le coût de revient du sucre raffiné au niveau national. Entre 2000 et 2020, le cours le plus élevé pour le raffiné est observé pour l'année 2010, à un prix inférieur à 700 US$/T. Or, le prix du sucre en pains, lingots ou morceaux, par exemple, avant la subvention forfaitaire et hors TVA, est de 7.211DH/T ou environ 848 US$42, soit à un niveau supérieur aux cours mondiaux, même si l'on en déduit les frais d'importation (fret, assurance, aconage et approche), estimés à environ 63 US$. Des prix à l'importation inférieurs aux prix réglementés indiqueraient des coûts de raffinage plus élevés au Maroc ou une marge supérieure pour l'industrie nationale, sachant que les importations de brut font l'objet de subventions forfaitaires pour ne pas léser l'industrie. Cependant, le Maroc, à l'instar de nombreux pays, a adopté le choix d'une sécurité relative pour cette denrée de base tant à l'amont agricole qu'au niveau du segment industriel. La satisfaction de la demande nationale en sucre raffiné provient du traitement des plantes sucrières issues de l'amont agricole (extraction et raffinage), du raffinage du sucre brut importé, et, dans une moindre mesure, du sucre importé raffiné. Seul le sucre raffiné au niveau national bénéficie de subventions des prix, la capacité de production nationale étant supérieure au niveau de la demande. Le sucre produit à partir des plantes sucrières A cet égard, il convient de préciser que l'amont agricole est libre car tout agriculteur peut établir des contrats avec les sucreries qui financent les intrants, assurent l'encadrement et achètent la récolte totale. Parallèlement, les pouvoirs publics établissent annuellement pour les plantes sucrières des prix de référence en fonction de la production et de la teneur spécifique en sucre. En 2011, le prix de référence moyen était de 410DH/T de betterave à sucre et de 295DH/T de canne à sucre. En 2012, ces prix sont passés à respectivement 455 DH et 330 DH. A ce stade, les subventions accordées tendent à soutenir l'activité agricole notamment à travers l'aide apportée aux agriculteurs au niveau de l'irrigation, des engrais, des semences et des machines. A cet égard, et à défaut de données précises et chiffrées sur cet effort de soutien aux agriculteurs, ces aspects n'ont pas pu être estimés dans cette étude. Après l'amont agricole, intervient le segment industriel qui comporte deux phases : la phase d'extraction et celle de raffinage, qui sont le monopole de la COSUMAR depuis la privatisation du secteur en 2005. Pour mettre en évidence le processus de formation des prix du sucre au niveau de la phase d'extraction et de raffinage, prenons comme exemple pratique l'année 2012 : De prime abord, il convient de préciser que les pouvoirs publics fixent un prix cible de la matière première. Ce prix cible était de 4.700 DH/T en 2011 et est passé à 5.051 DH/T en 2012, aussi bien pour le sucre brut de betterave que pour le sucre brut de canne. La différence entre ce prix cible et le prix de revient de la matière première est censée constituer les frais et marges d'extraction. 1) Ainsi, pour le sucre de betterave, et à partir du prix de revient de la matière première qui est de 3.367 DH/T et du prix cible de 5.051 DH/T après extraction, les frais et marges d'extraction peuvent être estimés à 1.684DH/T (5.051-3.367=1.684). Pour le sucre de canne, les frais et marges d'extraction sont estimés à 1.916DH/T à partir du prix de revient de la matière première qui est de 3.135 DH/T et du prix cible de 5.051DH/T après extraction, (5.051-3.135=1.916). 2) Ensuite, au prix cible qui est de 5.051DH/T, s'ajoutent les frais et marges de raffinage estimés à 1.328DH/T pour le sucre granulé45 et à 2.160DH/T pour les autres formes de sucre, ce qui donne des prix sortie usine de 6.379DH/T pour le sucre granulé (5.051+1.328) et de 7.211 DH/T pour le sucre en pains, lingots ou morceaux (5.051+2.160). Ces prix correspondraient aux prix théoriques libres des différents types de sucre sur le marché. 3) Cependant, il convient de rappeler que les prix de vente sortie usine de ces produits sont fixés par les pouvoirs publics à 4.118 DH/T pour le granulé et 5.008 DH/T pour le sucre en pains, lingots ou morceaux, et ce après application d'une TVA de 7%. Par conséquent, la Caisse de Compensation intervient par une subvention forfaitaire avant l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; en 2011, cette subvention forfaitaire était de 2.140 DH/T, elle est passée à 2.531 DH/T en 2012. Le prix du sucre granulé est ainsi de ((6.379-2.531)*1,07) = 4.118 DH/T, et celui des autres formes de sucre de ((7.211-2.531)*1,07) = 5.008 DH/T46. Le schéma suivant illustre le processus de production du sucre à partir de l'amont agricole en reprenant les étapes de constitution des coûts des différentes étapes. Le tableau qui suit donne l'exemple du processus pour le sucre raffiné en pain, morceaux ou lingots issu de la betterave à sucre. A partir de ces estimations, le tableau suivant récapitule les différentes étapes de formation du prix du sucre en pains, morceaux et lingots issu de la betterave à sucre. Ces estimations peuvent varier avec le prix de référence des plantes sucrières, fixé annuellement, ou lors de révision du prix cible ou du prix du sucre raffiné sortie usine. Les circuits de distribution A la sortie usine, le sucre suit deux modes de distribution : soit directement pour certaines industries (13% de la production environ), soit indirectement par son acheminement vers les agences de distribution puis les grossistes et les détaillants. Dans ce cas, les prix sortie usine sont majorés des frais d'emballage et de transport de l'usine vers les centres de stockage ou de distribution, puis des marges des grossistes et des détaillants fixés par voie réglementaire selon la forme du sucre (Arrêté n°19-64 publié au Bulletin Officiel du 16 novembre 2006). Le tableau suivant présente le processus de formation du prix final à la consommation de chaque type de sucre à partir du prix sortie usine, des marges réglementaires de distribution et d'une estimation par la COSUMAR des frais d'emballage et de transport. Les prix du sucre sont ainsi ramenés à 4.504 DH/T pour le granulé et à 5.819 DH/T pour le sucre en pain, morceaux ou lingots et ce pour les zones de vente à moins de 20 km d'une agence ou d'un dépôt de vente de COSUMAR. Au-delà de cette distance, une majoration des prix de 0 à 6% peut être pratiquée pour couvrir les frais de transport. Mode de calcul du prix du sucre brut importé Il convient de rappeler que l'industrie sucrière au Maroc continue à dépendre dans une large mesure des importations en sucre brut. En effet, la part du sucre brut dans la production n'a cessé d'augmenter durant les dernières années passant de 56% en 2005 à 69% en 2010. Le coût du sucre brut est calculé pour chaque opération d'importation selon le modèle suivant: à la valeur déclarée à l'importation du sucre brut, comprenant le prix d'achat, les frais de change, de fret, d'assurance et d'aconage, sont ajoutés les droits de douane (35% de droits à l'importation et 0,25% de taxe parafiscale) et les frais d'approche. Les pouvoirs publics ont fixé un prix cible pour le sucre brut entrée usine à 5.051DH/T. Ce prix est équivalent à celui du sucre brut issu des plantes sucrières cultivées localement avant raffinage. Si le coût du brut importé est supérieur à ce prix cible, la Caisse de Compensation subventionne la différence. Afin de mettre en évidence le processus de formation des prix du sucre fabriqué à partir du sucre brut importé, prenons comme exemple une importation réalisée en 2012. Lors de cette opération, la valeur à l'importation était de 5.571,87 DH/T. Les droits de douane, d'un montant de 1969,02 DH, et les frais d'approche de 139,30 DH ramènent ce coût à 7.694,26 DH/T. Dans ce cas, la Caisse de Compensation prend en charge la différence entre ce coût et le prix cible, à savoir 5.051 DH/T, et donc 2.643,26 DH/t (7.694,26-5.051). Le processus de raffinage, la subvention forfaitaire du prix sortie usine et la distribution de ce sucre est identique à celui du sucre produit à partir des plantes sucrières cultivées localement. Ainsi, si le prix du sucre produit à partir des plantes sucrières nationales bénéficie de la subvention forfaitaire qui était de 2.531 DH/T en 2011, le prix du sucre produit à partir du brut importé comporte en plus d'une subvention à l'importation qui peut être supérieure. Parallèlement au sucre fabriqué à partir des plantations sucrières locales et du sucre brut importé, la demande est satisfaite également à travers l'importation libre du sucre raffiné. Cependant, pour préserver l'amont agricole et l'industrie de raffinage au niveau national, cette importation est soumise à une tarification douanière élevée limitant la mise en concurrence avec les produits fabriqués par l'industrie locale. Ainsi, si l'on observe l'évolution des importations entre 2005 et 2009, il apparaît qu'elles restent peu significatives dans la consommation globale. Le maximum de 30.000 tonnes environ a été enregistré en 2006 pour faire face à des problèmes d'approvisionnement survenus à la COSUMAR. Concernant les droits de douane en vigueur, ils varient de 42% à 60% selon la forme du sucre importé et sa présentation, en plus d'un droit d'importation additionnel si la valeur déclarée à l'importation est inférieure à 4.050 DH/T. Ce taux, appliqué au différentiel entre la valeur déclarée et 4.050 DH/T est taxé à hauteur de 124%.