Hausse de la TVA, réduction des revenus des fonctionnaires, la colère est montée d'un cran avec une cure d'austérité touchant désormais l'ensemble des Espagnols, étranglés par les plans de rigueur depuis 2010 et une crise dont ils ne voient pas le bout. D'autant que chaque jour apporte son lot de mauvaises surprises: le plan d'une rigueur historique approuvé vendredi par le gouvernement va rapporter 56,44 milliards d'euros sur les 65 milliards d'économies d'ici à fin 2014 annoncés mercredi par le chef du gouvernement Mariano Rajoy. Résultat: d'autres mesures vont suivre sous peu pour trouver les 8,5 milliards qui manquent, dont certainement une forte hausse du prix de l'électricité, à la charge des entreprises du secteur et des consommateurs. Le coup de grâce après l'annonce d'une forte hausse de la TVA, touchant les ménages qui peinent déjà à joindre les deux bouts dans un pays où un actif sur quatre est au chômage, mais aussi plusieurs secteurs économiques comme le tourisme ou l'automobile. De quoi soulever la colère des Espagnols qui sont de plus en plus nombreux à descendre dans la rue, même si ce n'est pas dans la culture d'un pays revenu à la démocratie en 1978 après une guerre civile et la dictature de Francisco Franco. Depuis l'annonce du nouveau plan, les fonctionnaires multiplient les rassemblements. Ils n'ont pas digéré la suppression de la prime de Noël et de jours non travaillés (hors jours fériés) après avoir déjà vu leurs salaires réduits de 5% en 2010 et gelés ensuite. Les deux principaux syndicats, CCOO et UGT, ont déjà annoncé une nouvelle journée de mobilisation pour jeudi et n'écartent pas une grève générale en septembre. Ces mesures qui affaiblissent les classes moyennes et les plus fragiles «ne constituent pas une feuille de route qui va sauver l'Espagne» mais vont au contraire enfoncer le pays dans la récession, dénoncent les syndicats. «Jouer sur l'été, l'apathie, la peur, la tendance à la résignation» des gens pourrait alimenter l'indignation des Espagnols, a mis en garde le chef du CCOO Ignacio Fernández Toxo. Il a proposé un référendum sur les mesures qui seraient, selon lui, une alternative «à la contestation pure et dure dans la rue, aux grèves et aux manifestations». Les syndicats disent vouloir éviter les violences du type de celles qui ont éclaté à Madrid vendredi soir lors d'une manifestation d'indignés contre la rigueur ou encore mercredi lors de celle des mineurs venus du nord du pays. Des heurts avaient aussi émaillé les manifestations à Barcelone lors de la première grève générale contre la réforme du travail le 29 mars. Mais pour l'heure, des affrontements qui tournent à l'émeute, comme dans le nord du pays entre mineurs et force de l'ordre restent marginaux, les mineurs ayant déjà connu ce type de conflits très durs par le passé. Reste que les Espagnols pourraient finir par perdre patience. Car le gouvernement a beau répéter que ces sacrifices sont nécessaires «pour sauver le pays», les Espagnols vivent depuis 2010 au rythme des cures d'austérité imposées après l'explosion de la bulle immobilière qui a précipité le pays dans une crise historique. Et le sentiment d'injustice s'accroît de jour en jour face à l'aide européenne de jusqu'à 100 milliards prévue pour les banques espagnoles sans aucune sanction de leurs dirigeants alors que les Espagnols se serrent chaque jour un peu plus la ceinture. Surtout, l'avenir semble de plus en plus sombre. «Je ne vois pas d'avenir. Nous n'avons pas de travail, ils nous enlèvent le système de santé et l'éducation», dénonçait vendredi une manifestante de 25 ans, Maria Jimena. «On ne peut pas tolérer ce qu'ils font, toutes ces coupes: les fonctionnaires, les chômeurs, et attendons de voir si les retraités ne sont pas les suivants», disait aussi Pedro Hernandez, un retraité de 67 ans.