L'introduction au Maroc du projet de Ligne de Train à grande vitesse (LGV) est une évolution "autant naturelle que nécessaire", s'inscrivant en cohérence avec la politique nationale des grands chantiers, a souligné le directeur général de l'Office national des chemins de fer, M. Mohamed Rabie Khlie. M. Khlie s'est félicité de la politique adoptée par l'Office qui connait un développement sans cesse croissant en termes de trafic, "très marqué" pour le segment voyageurs dont le trafic est passé de 14,7 millions de passagers en 2002 à près de 34 millions en 2011. L'Office a traversé, durant la dernière décennie, des étapes "cruciales" de sa vie d'entreprise de transport et "décisives" pour son développement futur et qui militent toutes en faveur du choix de la grande vitesse. Il s'agit notamment de la définition d'une vision de repositionnement stratégique du monde ferroviaire dans le système de transport national, de l'adoption d'une politique d'investissement volontariste (2002-2005 : 7 milliards DH, 2005-2009 : 18 Mds, 2010-2015 : 33 Mds) couvrant l'ensemble de l'outil de production, de la mise à niveau et développement des infrastructures ainsi que du matériel roulant existant, en plus de l'acquisition de nouvelles rames. Pour M. Khlie, la réflexion sur la grande vitesse a commencé au sein de l'ONCF en 2002 dès la fin de la restructuration de l'entreprise et concomitamment à la réalisation d'un important programme de mise à niveau et de modernisation du réseau et du matériel ayant permis un saut qualitatif et quantitatif de l'offre et du trafic voyageurs sur l'ensemble du réseau (110 trains voyageurs par jour en 2002 contre 212 en 2011). Par ailleurs, la croissance à deux chiffres du trafic voyageurs démontre, a-t-il argué, l'attachement et la confiance du citoyen dans le train et oblige l'ONCF à optimiser le temps de parcours et offrir des services de transport répondant au mieux à ses attentes et besoins. Des études de faisabilité ont ainsi été menées dès 2003 et ont abouti à un schéma directeur de lignes à grande vitesse approuvé en 2006 et prévoyant la construction à l'horizon 2035 de 1500 km de lignes nouvelles, comprenant l'axe Atlantique Tanger-Casablanca-Marrakech-Agadir et l'axe maghrébin Rabat-Fès-Oujda, a-t-il précisé. Selon le directeur général de l'ONCF, l'axe atlantique Tanger-Casablanca est apparu plus prioritaire et plus rentable : le dynamisme exceptionnel de la région du nord (Port Tanger Med et les zones logistiques, industrielles et franches qui s'y développent), combiné aux atouts avérés du pole Casablanca-Rabat (hub international, centre d'affaires, place financière, administrations) justifie amplement la liaison de ces deux poumons économiques par un moyen de transport efficace et rapide à même de favoriser des synergies de développement commun. Il a rappelé à cet égard que le projet de LGV Tanger-Casablanca figure parmi les projets prioritaires Euromed retenus dans le cadre du plan d'action régional des transports adopté par les ministres euro-méditerranéens des transports pour la période 2007-2013. Il est aussi mentionné dans le document conjoint Maroc-Union européenne relatif au statut avancé accordé au Maroc. Concernant le choix du partenariat avec les Français, M. El Khlie a expliqué que la mise à niveau du projet LGV marocain a coïncidé avec la volonté politique du gouvernement français de soutenir son industrie ferroviaire à l'export, dégageant une bonne opportunité de convergence des intérêts des deux pays. La France a ainsi manifesté son intérêt pour le projet et s'est positionnée pour accompagner cette ambition marocaine en apportant son soutien officiel, acté par le protocole d'accord signé devant les deux chefs d'Etat en octobre 2007 à Marrakech. De plus, l'expérience et le savoir-faire acquis dans le domaine de la grande vitesse par les Français sont largement reconnus par toute la communauté ferroviaire mondiale, autant en termes de qualité de service, d'expertise d'exploitation que de fiabilité technique, a-t-il soutenu, rappelant que le TGV français a célébré son trentième anniversaire en 2011 et la part de marché des rames TGV françaises dans le parc mondial représente près de 43 pc. Le montage financier du projet, a précisé M. Khlie, a été bouclé avec une contribution "la plus limitée possible" du budget général de l'Etat marocain, n'excédant pas 1,4 pc du budget d'investissement et fixée à 24 pc du coût global du projet, soit 4,8 Mds de DH sur 6 ans (moyenne annuelle de 800 millions de dirhams dont les versements ont démarré en 2009). La contribution du trésor français mise en place - don et prêt concessionnel - s'élève à 700 millions d'euros à laquelle s'ajoute un prêt de 220 millions d'euros de l'AFD, ce qui établit le financement français à 920 M€, soit plus de la moitié du coût du projet. Le reste des financements est apporté par les bailleurs de fonds classiques qui ont toujours accompagné les projets d'investissement dans les grands chantiers du pays. Interrogé par ailleurs sur l'opportunité de cet important investissement qui requiert des coûts très élevés, le directeur général de l'ONCF a relevé que "contrairement à certaines idées véhiculées, la réalisation de ce projet ne se fait nullement au détriment des investissements dans les domaines de la santé, l'éducation, la lutte contre la pauvreté et/ou le désenclavement des populations". "Les financements mis en place sont générés par l'intérêt que suscite le projet auprès des bailleurs de fonds et ne peuvent donc être détournés vers d'autres priorités gouvernementales". Selon M. Khlie, la rentabilité du projet LGV Tanger û Casablanca, de 9,4 PC, a été calculée en quantifiant ses impacts sur la collectivité qui sont de différentes natures : des flux économiques (coûts d'investissement, coûts d'exploitation) et des effets non-marchands qu'on peut monétariser (gains de temps, gains en sécurité routière, réduction de la pollution de l'air et des émissions de gaz à effet de serre, création d'emplois). La LGV Tanger û Casablanca apportera aux passagers et aux entreprises une offre de transport plus compétitive par rapport à la route (coût, qualité, sécurité, fréquence, régularité), une réduction du trajet par train pour les voyageurs (Tanger-Rabat en 1h20 au lieu de 3h45 et Tanger-Casablanca en 2h10 au lieu de 4h45), le rapprochement, la mise en synergie et l'intégration des deux régions les plus dynamiques de l'économie et la libération de capacités supplémentaires pour le trafic de marchandises et de conteneurs entre Casablanca et le complexe portuaire Tanger-Med. Par ailleurs, le projet aura des retombées importantes en termes de création de dizaines de milliers d'emplois (en cours de travaux : 30 millions de journées de travail direct et indirect, pendant l'exploitation : 1.500 directs et 800 indirects en moyenne annuelle), comme il favorisera le rayonnement du pays à l'échelle régionale et internationale.