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Entretien avec Dounia Batma à la veille de son départ pour Dubaï «Ce qui restera gravé dans ma mémoire, c'est le fait d'avoir porté haut le drapeau national»
«Je remercie tous mes concitoyens de leur soutien et je souhaite leur rendre, ne serait-ce qu'une partie de ce qu'ils m'ont donné» Dounia Batma est soudain propulsée dans la notoriété à grande échelle, en quelques semaines, grâce au programme pour jeunes talents de la chaîne MBC 1, Arab Idol. Des fans par dizaines de milliers sinon plus, au Maroc et à l'étranger, la reconnaissent, l'applaudissent en investissant la toile de leurs commentaires car elle représente non pas seulement une merveilleuse voix, une grande capacité d'interprétation et une immense sensibilité artistique capable d'animer de vie créatrice tout ce qu'elle touche comme mélodie en suscitant de l'émotion autour d'elle, mais aussi parce qu'elle représente au Maroc l'exemple d'une jeunesse assoiffée de s'affirmer, de montrer ses talents cachés, minorés et d'avoir enfin droit au chapitre grâce à des valeurs de courage, de patience, de travail et donc de mérite. Oui, chanter comme le fait Dounia n'est pas simple, c'est, à côté de dons innés certains, il y a aussi beaucoup de travail, de patience, de disponibilité et de prédispositions, de même du courage et du travail sur soi. Autant elle est grande sur scène, devant la caméra par son port naturel, sa maîtrise qui excelle dans les registres d'interprétation, autant dans le contact immédiat de la vie courante elle est simple et menue dans son enjouement. Arborant un grand sourire fier de ses vingt ans, cette nièce de Larbi Batma et fille de Hamid Batma du groupe culte de Nass el Ghiwane, tient surtout un discours raisonné et lucide. Ayant obtenu son Bac, elle avait d'abord nourri le projet, modeste s'il en est, de se lancer dans une carrière de l'hôtellerie et avait obtenu un diplôme dans ce sens quand soudain survient Arab Idol qui change totalement la donne en la propulsant vers une carrière inattendue où elle sera appelée à confirmer ses dons auprès de ses fans par des œuvres, des chansons entièrement écrites et composées pour elle. Dans ce sens, un premier album de chansons est attendu prochainement. Dans quelques jours, elle doit s'envoler pour Dubai. Nous l'avons rencontrée chez ses parents à Hay Dahlia, Sidi Moumen, à Casablanca et il en a résulté l'entretien suivant : L'Opinion: Après ce parcours de Arab Idol, que va-t-il se passer pour Dounia Batma ? Dounia Batma: Avant de revenir au Maroc, j'ai signé un contrat avec la société de production Platinium et ce contrat, d'une durée de dix ans, se traduira pour l'immédiat par un premier album de chansons marocaines et khalijies qui sont déjà prêtes. Après, il y aura des tournées pour les dix participants de Arab Idol classés premiers dans plusieurs pays arabes : Qatar, Koweit, Maroc, Tunisie etc. Je vais donc résider à Dubai pour le travail et Incha Allah je reviendrais régulièrement au Maroc. L'Opinion: Quel sera exactement le contenu de l'album ? Dounia Batma: Pour l'instant, la décision finale n'est pas encore prise. Il faut attendre d'y mettre la dernière main. Il est certain qu'il y aura au moins une chanson marocaine parmi un bouquet de chansons khalijies. L'Opinion: De ce que tu as vécu ces derniers jours, qu'est-ce qui te reste de marquant ? Dounia Batma: Ce qui reste et restera gravé dans ma mémoire c'est de penser que j'ai porté haut le drapeau national, c'est la fierté d'avoir contribué en apportant quelque chose en représentant bien mon pays, ce que j'ai pu réaliser en travaillant ma voix et en améliorant jusqu'au bout mon interprétation sur le plateau, en gardant tout le temps à l'esprit les gens qui m'aiment et pour qui je dois tenir le pari en leur donnant à voir et entendre le meilleur de moi-même pour qu'ils soient convaincus et satisfaits. Hamdoullah, j'ai toujours eu une bonne présence sur scène, c'est le plus important, j'ai toujours ambitionné de donner le meilleur de moi-même. L'Opinion: Qu'est-ce que tu peux dire aux jeunes qui sont souvent mécontents, voire désespérés pour leur situation ? Faut-il désespérer de se réaliser ? Dounia Batma: J'ai été parmi les jeunes mécontents, je ne vais pas l'oublier de sitôt, parce qu'il n'y a pas de sociétés de production dignes de ce nom au Maroc, il n'y a pas d'aide et de soutien spécifique au Maroc pour les jeunes dotés de dons et qui veulent s'épanouir. Mais, je dis aux jeunes qu'il ne faut pas se laisser abattre, qu'il y a des fois des occasions qu'il faut savoir saisir au bon moment comme ces programmes qui viennent se présenter au Maroc, ils font des castings qui procurent une notoriété dans le monde arabe, c'est l'occasion d'une aide inespérée de mettre en évidence des talents au-delà des frontières nationales, exactement comme cela m'est arrivé à moi. C'est vrai qu'il faut un peu de chance, mais il faut aussi travailler dur. Je suis parvenue à la finale, c'était pas facile, je n'ai pas décroché le titre, mais il y a eu pour moi une grande aide comme si j'avais emporté le titre et même davantage ! Car j'ai été choisie, je fais désormais partie des artistes de Platinium et c'est pour ça que je dis qu'il ne faut pas désespérer car on ne sait jamais ce que le destin nous réserve. L'Opinion: Est-ce qu'il y a des choses précises dont tu étais maécontente, des problèmes dans le passé en tant que jeune talentueuse qui attendait sa chance ? Dounia Batma: Je ne dirais pas qu'il y avait des problèmes, je parlerais plutôt des carences en ce qui concerne les festivals par exemple. Souvent, les organisateurs oublient ou font semblant d'oublier qu'il y a des jeunes talents au Maroc. Et puis on fait venir beaucoup d'artistes étrangers qui reçoivent des salaires mirobolants alors que l'artiste marocain, quand il a la chance de figurer dans les programmes, n'a que des miettes. C'est l'erreur commise par les organisateurs de festivals comme tout le monde le sait, c'est l'erreur dans les programmes pour jeunes qui n'ont pas l'occasion de mettre en évidence leurs qualités et leur talent. Par conséquent, ils sont contraints de chercher à fuir, immigrer pour s'imposer et se réaliser ailleurs. L'Opinion: Toi-même, à un moment donné, tu ne voulais plus participer à de nouvelles compétitions ? Dounia Batma: Je me disais : c'est fini. Comme j'ai dit tout à l'heure, on se sent déçu parmi les jeunes, mécontent, déprimé par manque d'encouragement et de soutien. Par bonheur, j'ai eu de la chance car j'ai eu du soutien et de la compréhension parmi mes proches et les gens qui m'aiment et croient en moi. J'ai donc fini par reprendre confiance en moi-même et présenter ma candidature à Arab Idol qui m'a donné beaucoup de choses, soutien, renommée dans le monde arabe. Et puis, grâce à ce passage, ceux qui ne les connaissaient pas encore ont appris qui étaient Nass el Ghiwane, la chanson marocaine et aussi le vestimentaire traditionnel marocain. L'Opinion: Qu'est-ce que tu penses du public marocain qui t'a soutenu ? Dounia Batma: Pour le public marocain sincèrement, jamais je n'oublierais de toute ma vie son soutien tout au long du concours du programme Arab Idol au Liban. Les Marocaines et Marocains m'ont soutenue, encouragée. A mon retour au Maroc, j'ai vu une immense joie dans leurs yeux, je ne m'attendais pas à ce qu'ils suivent massivement mon parcours. C'était une surprise complète, je n'en revenais pas. J'étais heureuse, je me suis dit : puisque les gens sont à ce point avec moi et qu'ils m'aiment, c'est que j'ai vraiment touché leur cœur. Je remercie tous mes concitoyens de leur soutien et je souhaite leur rendre ne serait-ce qu'une partie de ce qu'ils m'ont donné, d'être à la hauteur de leur attente et de porter haut le drapeau national. L'Opinion: Pour la petite famille, que s'est-il donc passé exactement? Dounia Batma: Ils m'encourageaient tout le temps, ils m'aidaient dans le choix des chansons pour être en meilleure forme dans le chant et l'interprétation. Ils me soutenaient moralement au téléphone quand j'étais nerveuse, quand le trac me prenait, ils me réconfortaient en me disant qu'il faut avoir confiance en soi. Ces coups de fil de mes proches restés au pays m'étaient un soutien très précieux, ça me permettait de reprendre confiance pour donner le maximum une fois sur le plateau. Toujours mon interprétation était concluante car je m'y mettais pleinement, les commentaires du jury m'étaient très favorables, aussi, à chaque fois, je donnais davantage le meilleurs de moi-même. L'Opinion: Quels premiers souvenirs d'enfance avec la chanson, il semble que ça a commencé assez tôt ? Dounia Batma: Mes parents ont reconnu mon don pour le chant dès l'âge de 6 ans. A ce moment-là, la première chanson marocaine que j'avais apprise et chantée c'était « Ktir ma galo fia ». J'étais à l'école primaire Ibn al-Amid à Hay Mohammadi, une école publique. Dans les fêtes de fin d'année scolaire, toujours Dounia Batma chantait sur une petite scène de l'école devant les élèves (rires). Après, les choses ont évolué avec l'âge. Je suis allée à Dar Chabab du Hay, nous chantions des Mouwachahat, des chansons marocaines. Après il y a eu un petit passage au Conservatoire Larbi Batma. Par la suite, en 2010, il y a eu Studio 2M. J'y ai participé sous l'incitation de mes parents. J'ai commencé à percer pour me démarquer un peu par rapport au nom de la famille, essayant de m'imposer par ma propre personnalité. Hamdoullah, j'ai chanté, le public marocain m'a écoutée, m'a appréciée en reconnaissant qui était Dounia Batma issu de la famille Batma. J'ai chanté des chansons marocaines et j'en ai tiré une grande fierté. L'Opinion: Est-ce qu'il y a des difficultés de faire son propre nom quand on est de la famille de Larbi Batma étant donné que la célébrité de l'oncle aurait tendance à éclipser les autres ? Dounia Batma: Sincèrement, je n'ai pas eu l'impression de difficultés quelconques. Il n'y avait jamais eu de difficulté à cause de la célébrité de mon oncle. Il y a eu plutôt facilitation, je dirais. Feu mon oncle Larbi Batma nous avait aplani le chemin. Il a, en quelque sorte, agrandi le nom familial. Il avait d'ailleurs dit un jour qu'il nous avait donné un navire et nous a chargé de nous mettre chacun au gouvernail. Hamdoullah, je dis que le nom de famille a plutôt aidé. Mais je ne cache pas qu'il y a eu à un moment donné l'idée d'indépendance par rapport à ce patrimoine familial car je m'efforce toujours d'exprimer qui est exactement Dounia Batma et l'imposer en tant que telle. L'Opinion: Comment se présente l'avenir proche, ta nouvelle vie ? Dounia Batma: Il y a plusieurs projets, je ne peux pas me prononcer maintenant, c'est encore à l'étude, des soirées artistiques, des programmes télé et autres. J'espère que ça va être en ma faveur et aussi au rayonnement culturel de mon pays. L'Opinion: Dans le patrimoine de la chanson marocaine dite moderne, qu'est-ce qui te vient à l'esprit de prime abord ? Dounia Batma: Je pense aux chansons de Abdelouahab Doukkali qui est connu non seulement dans les pays du Golfe mais aussi dans les autres pays arabes. J'ai eu du plaisir à chanter sa chanson « Marsoul Lhoub » et j'ai chanté aussi « Alach Ya Ghzali » de Maâti Ben Kecem, une chanson très célèbre au point que celui qui la connaît on dirait qu'il connaît le Maroc. L'Opinion: Tu as parlé de chanteurs marocains mais tu n'as rien dit sur les chanteuses. Dounia Batma: C'est vrai. J'ai été parmi ceux et celles qui ont chanté une chanson composée par l'artiste Abdelkarim qui est qatari, « Waguef Ala Babikoum », une chanson de Naïma Samih. J'ai chanté cette très belle chanson et j'ai aperçu une joie dans les yeux de Naïma Samih. Elle m'a dit qu'elle était très heureuse que j'interprète sa chanson avec confiance. Il en était ainsi parce que je sentais que je chantais l'œuvre d'une grande chanteuse marocaine de l'envergure de Naïma Samih. Beaucoup de gens m'ont dit avoir apprécié mon interprétation et m'ont félicitée. Pour l'ensemble, j'ai ainsi prouvé qu'il y a bien des chansons au Maroc dont il faut bien regretter qu'elles ne soient pas connues dans le monde arabe. La chance des productions marocaines est là, il faut la saisir. Hamdoullah, aujourd'hui, je suis émue et contente de penser que j'ai eu à prendre cette initiative. L'Opinion: Est-ce que tu considères que tu as réussi et qu'il n'y a pas l'ombre de regret ? Dounia Batma: Si on pense au résultat final, je peux dire franchement « ana ma ka3yach ! » (rires). Bien au contraire, je suis contente à un degré qu'on ne peut pas imaginer parce que j'ai pu, à l'échelle du monde arabe, mettre en relief mes dons et mon talent, j'ai pu au Liban être l'unique Marocaine à se battre au milieu d'une multitude de concurrentes et concurrents très doués, des étoiles montantes qui ont plein de chose à dire et aussi des professionnels qui avaient des expériences dans le passé, des voix belles, mélodieuses, pleines de vigueur. Dans ce cas, atteindre la finale n'est pas mal du tout. Hamdoullah, j'ai atteint la finale et j'ai conquis le cœur du public, c'est en soi un titre. J'ai vu comment j'ai été accueillie dans mon pays, comment les gens m'aiment, c'est la meilleure victoire. L'amour du public ne se vend ni ne s'achète, on le sait. L'Opinion: Y a-t-il un souvenir d'enfance avec Larbi Batma qui te revient à l'esprit en ce moment ? Dounia Batma: Oui, nous étions allés rendre visite à mon oncle, je devais avoir quatre ans environ. Il avait l'habitude de poser un plateau de thé, siniä, au milieu de la table avec à l'intérieur des dirhams empilés sous forme de colonnes. C'était pour les enfants quand ils s'amènent, ils se servent et s'en vont (rires). Moi, je ne savais pas, je regardais la siniä décorative avec les petites colonnes de dirhams empilés. Je demandais à mon père, il ne m'a pas répondu. J'ai pris deux dirhams et j'ai commencé à jouer pour construire des piles de dirhams. Mon oncle était malade à ce moment-là et c'est cette image un peu évanescente, mélancolique que j'ai gardée de lui. L'Opinion: Quels souvenirs de l'école ? Dounia Batma: J'étais douée à l'école, j'avais toujours de bonnes notes, j'étais choyée par les enseignants à Hay Mohammadi. Je suis passée par l'école primaire Ibn al-Amid, ensuite le collège al-Bouhtouri et enfin le lycée al-Mansour Dahbi où j'ai décroché mon Bac. Malgré ce qu'on dit, l'école publique est bonne.