Pourquoi faudrait-il aller voter aujourd'hui ? Une fois tous les cinq ans, à l'exception de la tenue d'élections anticipées, les Marocains sont appelés à choisir ceux qui vont les représenter au parlement, mais aussi le chef du prochain gouvernement. En d'autres termes, les détenteurs des pouvoirs législatif et exécutif. L'importance de ce processus de désignation des élites politiques dirigeantes n'est donc pas à démontrer. Par le passé, ce processus était quelque peu faussé. Pendant longtemps, pendant l'ère basriste, l'administration mettait la main à la pâte pour façonner la carte politique (virtuelle) du Maroc à sa guise. Cette époque est heureusement révolue. Il en est resté, toutefois, des comportements, plutôt indélicats, de quelques «mafieux»devenus députés par des pratiques dont les conséquences n'ont pas manqué d'entacher la crédibilité de l'action politique. Même si, heureusement, les Marocains savent toujours distinguer le bon grain de l'ivraie. Sauf que cette méfiance d'une partie de la population envers les aventuriers de la politique s'est traduite par une passivité participationniste aux effets négatifs sur la préservation et le renforcement de la démocratie au Maroc. En s'abstenant d'aller voter, les défaitistes font le jeu des ennemis de la démocratie. Non seulement aucune évolution politique ne serait possible si les citoyens devaient abandonner le champ politique aux seuls professionnels, mais en outre, qui contrerait les opportunistes qui achètent pour quelques malheureux dirhams les votes et les consciences des âmes égarées ? L'abstentionnisme vide la démocratie de toute sa signification Il est quand même aberrant d'entendre quelques personnes politiquement incultes répéter à l'infini que «rien n'a changé, rien ne va changer, alors à quoi bon se casser les pieds à aller voter ?». Le monde change à toute vitesse tout autour d'eux, les révoltes arabes ont littéralement chamboulé les données géopolitiques de la région, la crise financière internationale a un effet tel que l'on pourrait sentir la terre en trembler, le Maroc est maintenant doté d'une nouvelle Constitution, à l'élaboration de laquelle hommes politiques, juristes, académiciens et acteurs de la société civile marocains ont contribué, de grands chantiers ont été réalisés, des réformes ont été engagées, de nouvelles lois ont été adoptées mais tout ça ne serait rien au regard de quelques malvoyants ! Que les abstentionnistes se détrompent, le pays et sa situation socioéconomique, politique et culturelle évoluent avec ou sans eux. Le monde ne s'arrête pas de tourner en attendant qu'ils veuillent bien se réveiller. ça ne se passe pas comme ça. Avoir son destin entre ses mains Les députés votent le long de leur mandat beaucoup de textes de loi qui influent directement sur la vie des citoyens et les membres du gouvernement prennent des décisions qui engagent le présent et l'avenir de la nation. Aussi, soit l'ensemble des électeurs ont suffisamment de conscience citoyenne et d'intelligence politique pour défendre leurs propres intérêts. En pareil cas, ils participent au processus de désignation des élites politiques, ce qui permet de prendre en considération leurs différents avis et prises de position dans le processus de prise de décision. Soit une partie d'entre eux renonce à ce droit, ignorant que c'est également une obligation. En pareil cas, leurs avis ne sont pas connus et leurs intérêts ne sont pas défendus. On serait tenté de dire, «tant pis pour eux», sauf qu'une telle situation finit toujours par impacter négativement le bon fonctionnement des institutions du pays, de son économie et de sa société dans son ensemble. Pourquoi serait-il du rôle des seuls partis politiques d'inciter les citoyens à participer aux élections ? Il est vrai que cela fait partie de leur mission d'encadrement politique, mais ils ne sont pas les seuls à assumer ce devoir. Pousser les citoyens à aller voter, c'est le devoir de tout citoyen conscient de ses responsabilités politiques envers son pays. Il y a juste quelques décennies, l'espoir des Marocains était de voir organiser des élections honnêtes et transparentes, qui donneraient l'occasion aux citoyens de désigner les hommes politiques qu'ils estiment aptes à mener les changements sociopolitiques et économiques auxquels aspirait la population. Maintenant que c'est chose acquise, il se trouve quelques âmes chagrines pour dévaloriser l'évolution démocratique qu'a connue le pays et appeler à l'abstentionnisme. Tout n'est pas parfait dans la jeune démocratie marocaine, bien sûr, sinon ce serait la fin de l'Histoire. Mais prétendre que rien n'a changé dans ce pays relève du défaitisme et traduit une profonde méconnaissance de l'histoire de l'humanité. Dans aucun des pays ayant une longue tradition démocratique le changement ne s'est pas opéré en un jour. Tous ont connu, et continuent de connaître, d'ailleurs, l'opportunisme politique qui dénature la démocratie représentative. Mais aucun des peuples concernés n'a baissé les bras face à cette situation et renoncé à militer et lutter pour asseoir la démocratie sur des bases saines et solides. Si ces peuples avaient renoncé alors, ils ne seraient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. La démocratie est un trophée que ne parviennent à arracher que les peuples qui ont suffisamment évolué sur les plans sociopolitique et culturel pour la mériter et la défendre une fois acquise. Elle n'a jamais été offerte à un peuple passif et démotivé. Dignes successeurs de valeureux prédécesseurs Il y a plus d'un demi siècle, toute une génération de marocains s'était soulevée contre l'exploitation coloniale et avait bataillé avec acharnement pour arracher l'indépendance, dans l'espoir que les générations suivantes allaient poursuivre le chemin vers l'édification d'un Maroc souverain sur l'ensemble de son territoire, démocratique et prospère. Ensuite, vint la génération des militants pour la démocratisation, qui a eu à payer un prix élevé pour ses convictions, mais n'avait pourtant jamais ployé sous la répression, pourtant féroce. N'est-ce pas trahir l'héritage de toutes ces générations de fiers marocains en sombrant lâchement dans la passivité et l'abstentionnisme ? Aujourd'hui, un Maroc nouveau est en train d'émerger. Il faut rendre grâce à Dieu d'avoir mis sur le trône du Maroc un souverain éclairé, à l'écoute des doléances de son peuple et conscient de ses attentes, qui a favorisé et promu la réforme constitutionnelle pour permettre à son peuple de se gouverner lui-même. N'est-ce pas trahir les aspirations démocratiques du monarque en renonçant bêtement à exploiter l'opportunité historique qui se présente de voir le peuple marocain prendre son destin en charge ? Il faut donc rendre hommage à tous les marocains politiquement conscients, les fiers patriotes qui assument leurs responsabilités citoyennes, pour leur sens du devoir qui consiste, dans le cas de figure, à prendre activement part au scrutin législatif qui se déroule aujourd'hui. Ce sont des acteurs de l'histoire de leur nation, qu'ils écrivent de leurs propres mains. Grâce à eux, le Maroc va continuer sa marche vers le développement. Les autres, les abstentionnistes défaitistes, incultes, inconscients et passifs, vont tirer profit de l'action des bons patriotes. Ingrats, ils vont même trouver le moyen de continuer à prétendre que la liberté et les droits dont ils jouissent, du fait de l'engagement politique actif de leurs concitoyens matures, ne sont rien et que rien n'a changé et ne changera jamais A ceux là, il faudrait peut-être rappeler l'adage; « la caravane passe » Marocains, le temps des lamentations stériles est révolu. Aujourd'hui est l'aube d'une ère nouvelle. Chacun assume entièrement ses responsabilités et prend lui-même en charge son destin. Et dans un demi siècle, la future génération de marocains pourra dire de l'actuelle qu'elle fût celle de l'édification de la démocratie. Celle qui a su bâtir son destin et mettre définitivement le Maroc sur la voie du progrès, en confrontant les intérêts des différentes catégories sociales et courants politiques de manière civilisée, à travers ses représentants élus au parlement. Une génération qui s'est montrée digne des rêves et espoirs des générations précédentes et a su porter le flambeau de la lutte qui lui avait été transmis. Aujourd'hui, c'est la victoire de cette génération de marocains qui est fêtée dans les bureaux de vote et le triomphe de ses aspirations qui va déborder des urnes.