Le mouvement de contestation ne fléchit pas en Syrie où les militants ont annoncé la poursuite de la «révolution et des manifestations» alors qu'il y aurait environ 8.000 «détenus ou disparus» dans le pays, selon une organisation des droits de l'Homme. «Nous poursuivrons notre révolution et nos manifestations pacifiques à travers la Syrie jusqu'à ce que nous obtenions notre liberté», ont affirmé mardi les comités de coordination des manifestations dans plusieurs villes, dont Banias (nord-ouest) et Homs (centre) ainsi que Deraa (sud), épicentre de la contestation, assiégée depuis plus d'une semaine. A Banias, une ville du nord-ouest encerclée par l'armée depuis plus d'une semaine, près de 3.000 personnes ont «appelé à la levée du siège de cette ville ainsi que celui de Deraa» (sud), a indiqué un militant des droits de l'Homme, joint par téléphone de Nicosie. Ils ont crié des «slogans appelant à la chute du régime», a-t-il ajouté. Les habitants de la ville redoutent un assaut imminent, selon des militants. Par ailleurs, une manifestation a été organisée mardi à Alep (350 km au nord de Damas), deuxième ville du pays et l'une des rares régions à être relativement épargnée par la contestation, lancée le 15 mars dans la foulée des révoltes arabes. Selon les militants, plusieurs centaines de personnes ont participé cette manifestation dispersée par les services de sécurité. Alors que le régime accuse des «gangs criminels armés» ou des «groupes terroristes» d'être à l'origine des violences depuis la mi-mars, une vidéo postée sur YouTube montre des manifestants rassemblés lundi à Banias et portant des roses pour souligner le caractère pacifique de leurs revendications. Cette vidéo ne pouvait cependant pas être authentifiée de façon indépendante. Des arrestations par milliers et des morts par centaines L'opposition, qui continue à faire preuve de détermination, a appelé à des sit-in permanents à partir de mardi soir à travers le pays. Et ce, en dépit de la poursuite des arrestations, dont le nombre a été évalué à plus de 1.000 rien que pour les trois derniers jours (notamment à Deraa), selon l'Organisation nationale des droits de l'Homme (ONDH), pour qui les services de sécurité ont transformé la Syrie en «une grande prison». Pour sa part, le directeur exécutif de l'organisation de défense des droits de l'Homme Insan, Wissam Tarif fait d'un ombre de personnes «détenues ou disparues (qui) pourrait dépasser les 8.000». Selon lui, Insan avait pu confirmer la détention de 2.843 personnes, dont 891 à Deraa et ses environs, 103 à Zabadani et 108 à Madaya, deux localités au nord-ouest de Damas, 384 dans la région de Damas, 636 à Homs et ses environs, ainsi que 317 à Lattaquié, 267 à Jableh et 37 à Tartous, trois cités de la côte méditerranéenne. Mais 5.157 autres noms sont en cours de vérification, dont 4.038 à Deraa et ses environs, a-t-il ajouté. L'Insan annonce 632 morts, dont une majorité à Deraa. «Le régime perd la raison (...) car en dépit du siège et de la brutalité dont sont victimes plusieurs villes, et les arrestations de centaines de personnes, les manifestations prennent de l'ampleur chaque jour». Amnesty International a parlé de 542 morts, un chiffre qui pourrait être selon elle plus élevé. L'ONG basée à Londres a en outre dénoncé la torture subie par les manifestants arrêtés. «Ces nouvelles informations sur des détenus qui ont été torturés soulignent encore plus la nécessité, pour le président Bachar al-Assad, de mettre fin aux violentes attaques des services de sécurité contre son propre peuple», indique AI. Un militant des droits de l'Homme à Homs (centre) a dit craindre «une imminente attaque» contre Talbisseh et Rastan, deux places fortes de la contestation dans cette zone, faisant état d'une cinquantaine de chars de l'armée ayant pris position sur l'autouroute Homs-Hama. La campagne d'interpellations des derniers jours semble destinée à empêcher de nouvelles manifestations vendredi, jour des prières et seul moment où les Syriens sont autorisés à se rassembler en masse, même si les policiers ont empêché des milliers de personnes de se rendre dans les mosquées la semaine dernière. «Ils dressent des barrages partout pour prévenir le mouvement. Vendredi sera un nouveau test. Assad a décidé d'employer la violence. Il n'a pas tiré les leçons des révolutions tunisienne et égyptienne», a déclaré un responsable d'un pays arabe à Reuters. "Repression barbare" Le département d'Etat américain a qualifié de «barbare» l'action des forces de sécurité du président Bachar al Assad à Deraa, berceau de la contestation situé dans le sud de la Syrie. «Nous sommes très troublés par les informations récentes et crédibles sur l'opération menée par l'armée à Deraa avec le recours à des chars», a déclaré Mark Toner, porte-parole du département d'Etat, lors de son point de presse quotidien. Il a fait état d'informations selon lesquelles le régime de Damas menait «une campagne généralisée d'arrestations arbitraires ciblant tout particulièrement les hommes jeunes de Deraa». Le régime, a-t-il ajouté, a coupé l'eau, l'électrcité et les communications aux habitants de la ville assiégée depuis la semaine dernière. «Il s'agit, pour parler franchement, de mesures barbares, qui relèvent d'un châtiment collectif frappant des civils innocents», a-t-il dit en qualifiant de «grave» la situation humanitaire à Deraa. Le président français Nicolas Sarkozy a lui appelé à infliger «les sanctions les plus sévères» pour punir la répression «inacceptable» dans un entretien à paraître mercredi dans l'hebdomadaire L'Express.