Le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, a proposé à l'opposition de rester à son poste jusqu'à de nouvelles élections tout en transférant ses pouvoirs à un gouvernement de transition, a-t-on appris mercredi de source proche de l'opposition. Saleh a formulé cette proposition lors d'une rencontre mardi soir avec Mohammed al Yadoumi, chef du parti islamiste Islah. C'était la première fois que Saleh traitait avec l'Islah, qui a par le passé été un partenaire de la coalition gouvernementale, ont indiqué des porte-parole de l'opposition. «L'opposition pourrait désigner un Premier ministre et des élections législatives se tiendraient d'ici la fin de l'année», dit-on de source proche de l'opposition, où l'on continue d'étudier la proposition. Des milliers de Yéménites manifestent depuis plusieurs semaines à Sanaa et dans d'autres villes pour réclamer le départ de Saleh. Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, qui ont longtemps considéré Saleh, au pouvoir depuis trente-deux ans, comme un rempart contre l'extension de l'emprise d'Al Qaïda dans le pays, suivent de très près la situation. Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) a revendiqué un attentat manqué, le jour de Noël 2009, à bord d'un vol Amsterdam-Denver. Les Etats-Unis ne cachent pas qu'ils aiment traiter avec Saleh, qui a autorisé dans son pays d'impopulaires opérations militaires américaines contre Al Qaïda. Saleh a indiqué pour sa part que l'ambassadeur des Etats-Unis était impliqué dans les discussions pour tenter de trouver une solution à la crise. Mais tout accord entre Saleh et les partis politiques risque de se heurter à l'opposition de la rue. La «Révolution de la Jeunesse», coalition de groupes de protestataires, a publié mercredi un communiqué affirmant qu'ils ne quitteront pas une place proche de l'université de Sanaa tant que Saleh et ses alliés seront au pouvoir. «Un conseil présidentiel provisoire de cinq personnes connues pour leur expérience et leur intégrité devrait diriger le pays pendant une période temporaire (de six mois)», dit le communiqué, ajoutant que le conseil devrait nommer un technocrate pour former un gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes. Il réclame aussi des procès pour corruption, la restitution des «biens publics et privés volés», la libération des détenus politiques, la dissolution des forces de sécurité de l'Etat et la fermeture du ministère de l'Information - mesures prises en Tunisie et en Egypte après des soulèvements similaires contre des dirigeants au pouvoir depuis plusieurs décennies. Le communiqué prône par ailleurs un dialogue entre le Nord et le Sud du Yémen. Le cheikh Hamid al Ahmar, dirigeant tribal et membre d'Islah, a déclaré à Reuters que l'opposition pourrait mieux que Saleh gérer la question des activistes, ajoutant que le gouvernement ne les affronte pas sérieusement. «Je pense que les Yéménites seraient capables de débarrasser le Yémen du terrorisme en quelques mois», a dit Ahmar, ajoutant que les Etats-Unis et les pays européens devraient réclamer le départ de Saleh. «Ils devraient faire ce qu'ils ont fait en Egypte. Nous n'avons pas besoin de ce qui se passe en Libye. Nous n'avons pas besoin d'autant de soutien. Mais un soutien comme celui qui a été apporté en Egypte serait suffisant pour en finir», a-t-il dit. Des manifestants et des partis d'opposition soupçonnent que de récents cas de relâchement de la sécurité résultent d'une tentative du gouvernement de montrer aux puissances étrangères que Saleh est l'homme fort du pays, capable de maintenir l'unité du Yémen. Des islamistes ont pris le contrôle d'une ville dans le centre du pays dont les forces de sécurité avaient disparu tandis les gouverneurs des provinces de Saada-Nord et de Jaouf abandonnaient eux aussi leur poste, laissant la place à des «comités populaires» soutenant le mouvement de protestation. L'opposition affirme que Saleh est responsable de la présence d'activistes, notamment d'Al Qaïda, à Jaar, dans la province d'Abyan, où une explosion dans une fabrique de munitions a fait 140 morts lundi. Saleh a averti que le Yémen risquait de glisser dans les conflits armés internes s'il quittait tout de suite le pouvoir. Le président, qui souffle le chaud et le froid, a affirmé en public qu'il ne ferait pas davantage de concessions à l'opposition. Des discussions ne s'en poursuivent pas moins en coulisses depuis plusieurs jours. Dimanche, le Congrès général du Peuple (CGP), au pouvoir au Yémen, a proposé la formation d'un nouveau gouvernement chargé de rédiger une Constitution avant des élections législatives et présidentielle anticipées. Saleh a assuré en février qu'il ne se représenterait pas à l'expiration de son mandat, en 2013. L'opposition pense que le président manoeuvre afin d'éviter une limitation des activités politiques futures de ses proches et qu'il veut leur assurer l'immunité contre d'éventuelles poursuites pour corruption.