Au lendemain de l'instauration de l'état d'urgence dans ce royaume du Golfe, les forces de l'ordre ont donné l'assaut à l'aube sur la place de la Perle, faisant au moins six morts. Des soldats et des policiers anti-émeutes sont intervenus mercredi avec des gaz lacrymogènes et des véhicules blindés pour déloger les centaines de manifestants anti-gouvernementaux qui campaient sur la place de la Perle au coeur de Manama à Bahreïn. Des nuages de gaz lacrymogènes ont envahi les rues et de la fumée noire s'élevait au-dessus de la place où des tentes ont été incendiées. D'après des témoins qui ont requis l'anonymat, au moins deux manifestants ont été tués lors de l'assaut. Des responsables de l'hôpital Ibn Nafees rapportaient la mort d'un troisième manifestant qui a succombé à ses blessures après avoir été atteint par des balles dans le dos. La télévision d'Etat rapportait de son côté que deux policiers étaient morts après avoir été percutés par un véhicule alors que des centaines de manifestants étaient délogés. Le ministère de l'Intérieur a de son côté fait état d'au moins un troisième policier tué. Un élu de l'opposition fait état, quant à lui, de cinq morts et des centaines de blessés. De source médicale, on fait état d'un bilan de deux morts et des dizaines de blessés dans les rangs des manifestants; deux policiers auraient également été tués. Les forces de sécurité investissent le quartier financier de Manama Les forces de sécurité bahreïnies avaient commencé à prendre position, mercredi matin, dans le district financier de Manama et à rouvrir les issues bloquées par les manifestants, selon des témoins. Des coups de feu étaient entendus alors qu'une poignée de protestataires qui se trouvaient dans le secteur offraient une faible résistance. Des hélicoptères survolaient la zone tandis que les troupes escortaient un bulldozer qui dégageaient les accès -- fermés par les manifestants à l'aide de gros blocs -- menant au district financier où sont basées des banques internationales et des multinationales. Quelques groupes de protestataires criaient «Allah Akbar» (Dieu est le plus grand) et mettaient le feu à des poubelles dans les rues, mais le secteur était en majorité déserté. Les forces bahreïnies avaient auparavant violemment délogé les manifestants qui campaient depuis près d'un mois sur la place de La Perle à Manama pour réclamer des réformes. Des centaines de policiers de la force anti-émeutes, arrivés à bord de chars, de véhicules de transport de troupes et de bus, ont pris le contrôle de la place après avoir lancé des dizaines de grenades lacrymogènes sur les manifestants, en majorité chiites. Trois mois de loi martiale La loi martiale a été imposée mardi pour trois mois à Bahreïn, au lendemain de l'arrivée d'un millier de soldats saoudiens dans le petit royaume du Golfe en proie à une révolte de la majorité chiite contre la dynastie sunnite des Khalifa. Malgré cette décision, les affrontements entre policiers et des milliers de manifestants se sont poursuivis, faisant au moins deux morts, un civil bangladais à Sitra et un membre des forces de sécurité bahreïnies à Maamir, et plus de 200 blessés. L'intervention saoudienne, à la demande des autorités de Manama, a été vivement dénoncée par l'Iran, qui la juge «inacceptable». Bahreïn a rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran. Le Wefak, principal groupe d'opposition chiite dans le royaume, a condamné l'imposition de la loi martiale et demandé à la communauté internationale de «prendre ses responsabilités». La Maison blanche a appelé les Bahreïnis à trouver une solution politique à la crise, soulignant que le recours à la force, de quelque côté que ce soit, ne ferait qu'aggraver la situation. «Une chose est claire: il n'y a pas de solution militaire aux problèmes de Bahreïn. Il est nécessaire de trouver une solution politique, et toutes les parties doivent chercher à engager un dialogue pour répondre aux besoins de tous les citoyens», a dit le porte-parole de la présidence américaine Tommy Vietor. Londres a fait part de son inquiétude devant l'escalade de la violence et l'instauration de la loi martiale. Le secrétaire au Foreign Office a appelé toutes les parties à la retenue. La télévision publique bahreïnie a annoncé que le roi avait «autorisé le commandant des forces de défense de Bahreïn à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du pays et des citoyens». On ignore le détail des mesures qui seront prises, notamment si un couvre-feu sera imposé. Lundi, un long convoi de soldats saoudiens est entré à Bahreïn en empruntant le pont-digue de 25 km qui relie l'Arabie saoudite et le royaume. Les Emirats arabes unis ont également décidé l'envoi de 500 policiers sur place. «La présence de forces étrangères et l'ingérence dans les affaires intérieures de Bahreïn sont inacceptables et ne feront que compliquer la situation», a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehlmanparast.