La police de Bahreïn a démantelé par la force dans la nuit de mercredi à jeudi un campement de manifestants réclamant des changements politiques dans le royaume, au cours d'une intervention qui a fait quatre morts, selon des témoins et l'opposition. Le ministère de l'Intérieur a écrit sur Twitter que les forces de sécurité avaient "vidé la place de la Perle" à Manama et qu'une grande avenue de la capitale était partiellement fermée. Une cinquantaine de véhicules blindés ont été aperçus roulant en direction de la place de la Perle. Plus d'une dizaine de chars, des véhicules militaires et des ambulances de l'armée ont été vus dans le centre de Manama. Des hélicoptères survolaient la ville et des dépanneuses débarrassaient la place de la Perle, où flottait encore l'odeur du gaz lacrymogène, des véhicules abandonnés par les manifestants. La place était pratiquement vide, jonchée de tentes et de couvertures abandonnées. Inspirés par les révolutions en Tunisie et en Egypte, des milliers de Bahreïnis, essentiellement issus de la majorité chiite, ont manifesté depuis lundi pour exiger des réformes politiques et sociales dans ce royaume dirigé par une famille sunnite. Des centaines d'entre eux avaient entrepris de camper sur la place de la Perle en espérant la transformer en point de ralliement de la contestation à l'image de ce que les Egyptiens ont fait sur la place Tahrir du Caire jusqu'à la chute d'Hosni Moubarak. "La police est en train d'intervenir, elle nous lance du gaz lacrymogène", a déclaré un manifestant joint au téléphone dans la nuit par Reuters. Un autre a déclaré: "Je suis blessé, je saigne. Ils sont en train de nous tuer." Un manifestant a dit avoir évacué en voiture deux personnes blessées par des balles en caoutchouc. "J'étais présent (...) Les hommes s'enfuyaient mais les femmes et les enfants ne pouvaient pas courir aussi vite", a déclaré Ibrahim Mattar, un député du Wefaq, le principal parti chiite d'opposition. "Deux personnes sont mortes, c'est confirmé", a-t-il ajouté. "D'autres sont dans un état grave." Un autre député du Wefaq, Sayed Hadi, a déclaré à Reuters qu'un troisième manifestant avait été tué. En tout, le bilan cette semaine de contestation se chiffre à six morts. Environ 200 personnes se sont rassemblées dans l'un des principaux hôpitaux de la ville. Le Wefaq, qui a suspendu ses activités parlementaires, a réclamé mercredi l'adoption d'une nouvelle Constitution plus démocratique. "Nous ne voulons pas instaurer un Etat religieux. Nous souhaitons une démocratie civile (...) dans laquelle le peuple est à la source du pouvoir, et pour cela, nous avons besoin d'une nouvelle Constitution", a déclaré le secrétaire général du parti, le cheikh Ali Salman, lors d'une conférence de presse. La principale revendication des manifestants est la démission du Premier ministre, le cheikh Khalifa ben Salman al Khalifa, qui gouverne le pays depuis son indépendance en 1971. Oncle du roi Hamad Ben Issa al Khalifa, il est perçu comme le symbole de la richesse de la famille régnante. Les manifestants dénoncent aussi la pauvreté et le chômage. Ils s'inquiètent en outre des avantages accordés à des sunnites étrangers venant s'installer dans le petit royaume (citoyenneté, emplois dans les forces de sécurité, logements) qui tendent à en modifier l'équilibre démographique. Dans les années 1990, le Bahreïn avait déjà été le théâtre de troubles. L'adoption en 2002 d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections législatives avaient contribué à ramener le calme mais l'opposition juge désormais ces réformes insuffisantes.