III- Le miracle linguistique du Noble Coran Le Coran est la parole de Dieu Exalté soit-Il et en tant que tel, il est nécessairement inimitable car il émane de Dieu, rien n'est à Sa ressemblance. L'éloquence du Coran impressionna réellement les Arabes lors de sa révélation alors qu'ils étaient les maîtres de cet art à cette époque. Ils restèrent bouche-bée devant son inimitabilité et son éloquence. A cette époque, certains Arabes dirent que les maîtres de l'éloquence seraient capables de produire un style semblable mais que Dieu les en détourna. Cette parole constitue en elle-même une affirmation que le Coran est la Parole de Dieu le Très Haut. En effet, s'il ne s'agissait pas de la parole de Dieu, Il n'aurait pas empêché les Arabes de produire une parole semblable. Les auteurs de ce propos affirmèrent ainsi que le Coran est réellement miraculeux mais ils lièrent son inimitabilité à la Puissance de Dieu - Exalté soit-Il - qui les détourna de fournir une production semblable. Leur but était de nier l'inimitabilité du Coran en soi et le fait qu'aucun humain n'était en mesure de fournir une production semblable. Mais par la négation escomptée, ils donnèrent au Coran un autre miracle, celui de la Puissance. Il convient de noter que l'inimitabilité du Coran doit être vue à partir du cercle premier, celui qui le reçut à savoir le Messager de Dieu - que les salutations et les bénédictions d'Allâh soient sur lui. En effet, il semble logique et naturel que le Coran en tant que parole de Dieu le Très Haut soit la parole la plus éloquente qui soit et qu'il soit inimitable. Or, l'éloquence du Coran procède d'éléments qui doivent nécessairement se trouver en lui. L'éloquence (al-balâghah) est la concordence de la parole avec la situation et en particulier l'état du destinataire. Ce qui est étonnant c'est que le Coran dans ce domaine à savoir la concordance entre la parole et la situation est un grand miracle car les états des gens sont multiples et variables. Quand tu t'adresses à un individu, si tu ignores ce qu'il peut penser ou ressentir, tu ne peux pas le toucher au plus profond de lui-même. Ta façon de t'adresser à un chef d'état ou un prince diffère dans son style et sa façon de la parole que tu adresses à ton épouse et tes enfants qui diffère encore de celle adressée à ton supérieur hiérarchique au travail ou à tes subordonnés etc. D'ailleurs, ce genre de considérations s'étend encore pour tenir compte de l'état mental de l'individu à qui l'on s'adresse. On ne peut pas s'adresser à un homme furieux au sommum de la colère de la même manière que l'on s'adresserais à lui, lui-même, quand il est de bonne humeur. La parole doit s'adapter à chacun de ces états. On s'adresse à l'homme en colère d'une certaine façon et à l'homme de bonne humeur d'une autre façon. Mais l'inimitabilité du Coran réside dans le fait qu'il englobe les états mentaux de tous les gens à qui il s'adresse, le riche et le pauvre, le malheureux et l'heureux, le serviteur et le maître. Il s'adresse à eux tous dans tous leurs états mentaux. Quand un homme en colère écoute le Coran, il se calme. Quand un homme heureux écoute le Coran, il vibre en son for intérieur et son bonheur s'accroît. Le prince, le serviteur, le cultivé et l'analphabète, tous ces gens qui n'ont rien en commun et qui ont des niveaux d'entendement différents si bien qu'il est impossible pour un même individu de s'adresser à eux en même temps au même sujet en étant compris de tous, ces gens tu les vois pendant la prière, réunis dans la mosquée, assis ensembles. Alors, le Coran est récité et leurs coeurs vibrent ensembles malgré les différences de culture, de milieu, d'état mental, de situation sociale, bref tout est très différent entre eux. Ainsi la première facette de l'inimitabilité du Coran est sa connaissance parfaite des états des individus dans leur multiplicité et ce malgré les différences de races, de peuples, de langues et de milieux. Il s'est adressé à eux de manière à faire vibrer leurs âmes et leurs sentiments et toucher leur sensibilité. Si tu demandes à l'un d'eux en quoi le Coran lui plaît, la plupart du temps il ne te donnera pas une réponse complète. Chacun d'eux te donnera une réponse différente. Ceci prouve tout simplement que le Coran atteint son coeur et touche au plus profond de lui si bien qu'il ne peut pas le décrire totalement. Autrement dit, le Coran s'adresse dans l'âme humaine à des sentiments et des facultés qui ne sont connus que de son Créateur. Si nous avions connaissance de ces facultés, nous saurions pourquoi nous sommes touchés par le style du Coran. Mais nous cherchons toujours et nous tournons autour des versets qui donnent au Coran cette éloquence. Puis, nous ne trouvons pas de réponse satisfaisante car, en réalité, Dieu s'adresse en l'âme humaine à des facultés dont Il est le Créateur. Ces facultés sont sensibles à la parole de Dieu - Exalté soit-Il - et vibrent pour elle sans considération aucune des différences de ce bas monde ni des différences que la vie à mise entre les gens. C'est pourquoi les mécréants craignaient plus que tout que les gens écoutent le Coran bien qu'ils soient mécréants. En effet, le Coran par sa façon d'interpeler les facultés de chaque âme la secouait violemment et la touchait si bien qu'Al-Walîd Ibn Al-Mughîrah quand il eut écouté le Coran dit : "inna lahou lahalawah wa inna âalayhi latalawah wa inna aâlahou lamuthmir wa inna asfalahou lamughdiq wa innahu yaâlou wa la yuâla âalayh" (Il a certes une douceur et il est pourvu d'une magnificence. Sa cime est fructueuse et sa base est généreuse. Il prévaut et rien ne prévaut sur lui) Ainsi en avait-il été touché alors qu'il n'avait pas la foi. De même, Omar Ibn Al-Khattab - qu'Allâh l'agrée - entra un jour chez son beau-frère après avoir appris la conversion de sa soeur et de son époux à l'Islam et il avait des intentions noires à leur égard. Mais dès qu'il eut écouté les versets du Coran, son âme retrouva la paix et son coeur s'ouvrit pour l'Islam. Pourquoi ? Parce que la parole de Dieu - Exalté soit-Il - s'est adressée à une faculté de son âme alors qu'il était extrêmement irrité et en colère et avait des intentions mauvaises. La parole de Dieu s'est adressée à cette âme, l'âme de Omar, dans cet état de colère extrême avec les mêmes mots adressés aux croyants dans leur état d'harmonie et de bonheur extrême pour leur proximité de Dieu - Exalté soit-Il. C'est alors que les versets, ceux-là même qui apportèrent le bonheur à une âme proche de Dieu, apportèrent le calme et l'harmonie à une âme qui n'avait pas encore eu la foi. Ils touchèrent au même moment des âmes heureuses à savoir les âmes des croyants dont ils accrurent le bonheur et la disposition en faveur de l'islam et une âme furieuse mal intentionnée n'ayant pas encore atteint la foi, qu'ils calmèrent et rendirent heureuse et disposèrent son coeur en faveur de la foi, alors qu'il s'agit là d'une seule et même parole et que les états des individus adressés dans les deux cas sont très différents. Néanmoins, puisque l'auteur de cette parole est Dieu le Très Haut Qui connaît parfaitement l'âme humaine qu'Il a créée, alors Sa parole convient à tous les états du destinataire quels que soient ces états et ce, avec exactement les mêmes mots. L'âme humaine possède donc des facultés que l'homme ne connaît pas et dont le secret n'est connu que de Dieu - Exalté soit-Il. Quand Dieu s'adresse aux hommes malgré la diversité de leurs états, ces facultés vibrent et sont touchées et l'homme se retrouve en harmonie avec elles sans savoir pourquoi. Ils dirent : il est un sorcier, et ils dirent : il est un imposteur. A ce stade, nous avons traité de la première caractéristique à savoir l'éloquence qui n'est autre que la concordance entre le propos et la situation. Nous trouvons que de ce point de vue le Coran a dépassé tous les prérequis de l'éloquence du fait qu'il convient à tous les états des hommes malgré la diversité de leurs situations. C'est la raison de la déroute des mécréants face à ce miracle qu'est la convenance du discours à toute l'humanité, ce miracle qui secoue les coeurs de tous ceux qui l'écoutent et le comprennent. Par conséquent, ils dirent que le Prophète était un sorcier qui envoûtait les gens de ses paroles car aucun homme ordinaire quel qu'il soit ne peut produire un discours qui convient à toutes les circonstances. Si l'on demandait à l'homme le plus éloquent de notre temps de rédiger un poème ou de préparer un discours qu'il donnerait en public, il serait incapable de préparer un discours qu'il donnerait à la fois devant une assemblée d'érudits et devant une assemblée d'incultes en faisant en sorte que le propos convienne à leurs états respectifs. Il ne pourrait pas non plus écrire un poème destiné à flatter le prince puis qu'il destine le même poème au serviteur du prince de telle sorte que le même propos convienne aux deux. A l'opposé, le Coran s'adresse aussi bien aux cultivés et aux incultes, à l'esclave et au maître, à l'homme ordinaire et au gouverneur. La concordance est ici miraculeuse. Ils dirent donc : c'est un sorcier. Mais alors qu'ils produisent une sorcellerie identique. D'ailleurs, est-ce que les ensorcellés ont la moindre liberté ou le moindre choix vis-à-vis du sorcier ? Si Mohammad était un sorcier qui avait envoûté ceux qui avaient foi en lui, pourquoi ne vous a-t-il pas envoûtés, vous ? Le fait que vous persistez à mécroire et à combattre la religion prouve qu'il n'est pas un sorcier sinon il vous aurait envoûtés tous ; il n'aurait pas envoûté une partie des gens et laissé une partie libre de ses choix. Ensuite, ils passèrent à une deuxième accusation. Ils dirent : c'est un imposteur. Nous leur répondons : puisque vous avez saisi qu'il était un imposteur, alors faîtes autant si vous en êtes capables. Mais, en vérité, vous êtes plus aptes que lui d'imposture car le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - n'a aucune expérience dans l'art de la rhétorique, des discours, des poèmes et de la littérature. Plus encore, il ne sait ni lire ni écrire et ne dit pas de poèmes. Alors que vous êtes les grands maîtres de la parole et de la rhétorique. Si le Messager de Dieu - paix et bénédictions sur lui - ne sachant ni lire ni écrire et n'étant pas l'auteur de poésie ni de littérature a dit de telle parole et que vous l'accusez d'imposture, il s'avère que vous maîtrisez les techniques de l'imposture bien mieux que Mohammad - paix et bénédictions sur lui. Faîtes donc autant sachant que les techniques de l'imposture sont à votre disposition. Le Coran a voulu répondre à ces accusations ; le Très Haut dit : "Ce n'est pas la parole d'un poète, si peu croyez-vous. Ce n'est pas la parole d'un oracle, si peu vous souvenez-vous." Même la réponse est inimitable car la poésie, telle qu'on la connaît, est une parole rimée conforme à une métrique et que tout le monde connaît. Le fait que vous dîtes qu'il s'agit de poésie est une preuve de votre mécréance. Pourquoi ? Parce que vous connaissez la poésie parfaitement et que ceci ne ressemble pas à une poésie avec ses métriques et ses rimes. Ainsi quand vous dîtes, ô mécréants, que c'est une parole de poète, ce que vous dîtes n'est pas dû à votre ignorance (en matière de poésie) mais il est dû à votre mécréance en Dieu - Exalté soit-Il - car vous connaissez parfaitement la poésie. Puis, Dieu - Glorifié soit-Il - dit : en ce qui concerne votre accusation qu'il s'agit de la parole d'un oracle, étant entendu que les paroles d'un oracle sont rimées et pourraient être confondues. Néanmoins, la parole d'un oracle n'est pas capable de s'adresser aux facultés et ne peut être à ce point inimitable. De plus, l'oracle peut être dénoncé au fil du temps car en tant qu'humain il peut oublier et se contredire à la longue. C'est pourquoi Allâh -Exalté soit-Il - répondit à cette accusation en renvoyant à la mémoire, au souvenir. En effet, il est évident que cette parole n'est pas de la poésie et peut de ce fait être confondue avec les paroles (rimées) des oracles. Du fait que les oracles sont des humains susceptibles d'oublier et de se contredire, Dieu renvoit ici à la mémoire des hommes pour vérifier la cohérence des propos tenus alors qu'en ce qui concerne la poésie l'accusation est spécieuse du simple faite que les règles de la poésie sont connues, ce qui s'explique uniquement par la mécréance et l'entêtement des détracteurs. Nous passons maintenant à une autre facette de l'inimitabilité du Coran. En lisant de la prose, si l'auteur cite un vers de poésie, on ressent lors du passage de la prose à la poésie que les paroles ont changé de style. Puis quand le passage se fait en sens inverse de la poésie vers la prose, on ressent également un changement de style. [...] [1] Mais, en ce qui concerne le Coran, on ne peut pas déterminer s'il s'agit de prose ou de poésie ou de prose rimée. Il s'agit d'un genre unique qui convient à la parole du Très Haut. En définitive, l'éloquence du Coran tient au fait qu'il concorde avec l'état de tous le monde, au fait qu'il passe de la prose à la poésie sans que l'on ne s'en rende compte, au fait qu'il touche l'âme humaine, toute âme humaine, mais également au fait que Dieu mit au défi les grands pontes de la rhétorique ainsi que l'ensemble des humains et des djinns à produire une sourate du même genre sans succès de leur part. Devant cet échec, ils ne purent faire face comme il l'aurait voulu à la nouvelle religion. Le défi les dépassant tous, il se tournèrent vers celui qui avait reçu le miracle à savoir Mohammad - paix et bénédictions sur lui - disant : "Si seulement ce Coran avait été révélé à un homme puissant des deux cités". La rancoeur et la jalousie n'ayant pas pu faire face au Coran, ils demandèrent pourquoi Dieu avait-Il choisi Mohammad pour lui révéler le Coran. Comme pour dire que le défaut du Coran est qu'il fut révélé à Mohammad - paix sur lui. On ne reproche pas au Coran la lutte entre le vérité à laquelle il appelle et le mensonge sur lequel ils campent. Or, celui qui campe sur le mensonge souhaite qu'il perdure car le mensonge lui donne la force, le pouvoir et l'hégémonie. Il souhaite donc que le mensonge dure afin que son hégémonie dure. Mais la vérité apparaît et bat le mensonge. L'adepte du mensonge sent alors que son royaume va disparaître et dit : "Dieu, si telle est la vérité de Ta part alors fait qu'il pleuve sur nous des pierres du ciel". Il désire donc la dignité en même temps que le mensonge. En revanche, si la disparition de son royaume va de paire avec la vérité, il n'en veut pas et il réclame, il demande à Dieu qu'il pleuve des pierres du ciel sur lui. En fait, il déteste la vérité en soi car elle le privera de son pouvoir et de sa force. Il souhaite que le mensonge perdure afin de garder son rang même contre la vérité. Puis, le mécréant dit : "Si nous suivons la guidée avec toi on nous arrachera de notre terre". Donc, ce qui vous sépare de la foi n'est pas qu'elle n'est pas véridique mais plutôt le fait qu'elle va vous priver du rang que vous a conféré le mensonge. Vous ne serez plus craints et on vous arrachera de votre terre. Place est faite à l'ententêtement après leur incapacité à faire face au défi linguistique du Coran. Le sens des lettres dans le Coran Par leur opposition, les mécréants prouvèrent que qu'en leur for intérieur ils étaient convaincus que le Coran était véridique car ils étaient désarmés face à son inimitabilité. La première facette de l'inimitabilité réside dans le Prophète élu pour l'appel. La deuxième réside dans l'utilisation des mêmes lettres et des mêmes expressions que les humains utilisent. Détaillons quelque peu ces deux points. Premièrement, le Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - ne lut guère ni n'écrivit de son vivant. Il n'apprit ni la lecture ni l'écriture. Il n'étudia ni la littérature, ni la poésie, ni la prose, ni la rhétorique, ni toute autre science de la scolastique etc. Néanmoins, il apporta des paroles totalement inimitables que personne parmi ceux qui étudièrent la rhétorique et y excellèrent ne purent apporter, ni apporter une sourate semblable. L'inimitabilité se révèle davantage dans l'affirmation de Dieu - Exalté soit-Il - dans le Coran que ces paroles ne sont guère les paroles de Mohammad - paix et bénédictions sur lui ; ce sont, en fait, des paroles qu'aucun illettré ne peut apporter. En effet, l'illettré est susceptible de prononcer les mots, il peut éventuellement agencer de la poésie, de la prose et de la prose rimée. Mais il ne peut en aucun cas citer les lettres qui constituent les mots. Si l'on demande à un individu qui n'a jamais appris à lire ni à écrire de sa vie: qu'est-ce que c'est ? Il répond : ceci est un verre, par exemple. Si on lui demande d'épeler les lettres constituant le mot "verre", il ne saura pas répondre car il n'a jamais appris à lire ni à écrire. Puis, Dieu prend ces lettres inconnues d'un illettré et fait en sorte que le Prophète les prononce et les inclut dans le Coran disant : "alif...lâm...mîm...kâf...hâ...yâ...`ayn...sâd" pour mieux prononcer l'inimitabilité et le défi. Mohammad est un Prophète illettré et ne peut en aucun cas connaître le nom de ces lettres, ce qui confirme que ces paroles ne sont pas celles de Mohammad - paix et bénédictions sur lui - car si ces paroles étaient les siennes alors qu'il n'avait jamais su lire ni écrire de sa vie, il lui serait impossible de connaître le nom des lettres qui ne sont connus et ne peuvent être cités que par un homme sachant lire et écrire. L'habileté de l'Artisan Passons maintenant au deuxième point à savoir l'utilisation des mêmes lettres et des mêmes termes utilisés par les hommes dans un style et pour exprimer des sens dont les hommes sont incapables. Il s'agit là d'un miracle et d'un défi dans la mesure où quand on souhaite mettre en valeur l'habileté d'un artisan dans un domaine quelconque, on ne prend pas des matériaux différents pour comparer entre deux artisans. Si l'on veut déterminer le couturier le plus habile, on ne prend pas de la soie, du coton et du lin que l'on donne à trois artisans différents afin de comparer leur production. En effet, on ne pourra jamais comparer entre eux car le vêtement en soie sera nécessairement le meilleur car sa matière première surclasse les autres matériaux. L'habileté se révèle lors de l'utilisation d'une même matière première, quand on donne à tous les concurrents du coton ou de la soie ou de la laine si bien que les éléments de base de l'objet sont identiques, équivalents de telle sorte qu'elle n'influe pas sur la qualité qui ne provient alors que de l'artisan uniquement. Ainsi, Dieu - Exalté soit-Il - a-t-Il voulu nous démontrer en premier lieu que le Coran n'est éloquent que parce qu'il émane de Lui, sa métière première n'appartient pas à une catégorie supérieure à celle des hommes. Au contraire, elle est de la même nature que la parole des hommes. Les lettres sont les mêmes et les mots sont ceux que vous employez. Et Celui Qui les a surclassé au défi c'est Dieu - Exalté soit-Il - si bien qu'ils n'ont rien pu produire de comparable. Ceci est la preuve que c'est l'artisan qui est différent et c'est ce qui fait la grandeur du défi. En effet, la différence est celle qui existe entre la Puissance de Dieu - Exalté soit-Il - et la puissance des hommes. Dans le domaine de la rhétorique (balâghah), quand nous disons que telle chose est éloquente et que nous disons que les arabes étaient connus pour leur éloquence et la pureté de leur langue, cela signifie que l'éloquence est le fait d'énocer une parole qui convient parfaitement à la situation où elle est dite et remplissant tous les critères de la correction, sachant que les piliers de l'expression sont l'absence de tout antagonisme entre les lettres, que les mots soient harmonieux et qu'ils ne violent pas les principes linguistiques et qu'ils ne soient pas complexes. Ainsi donc, quand on voulut définir l'éloquence, on dit qu'elle est la concordance entre le propos et ce que requiert la situation exprimée dans un langage pur : des tournures harmonieuses et un propos qui s'adresse aux hommes, à la hauteur de leur entendement. Par conséquent, l'éloquence des hommes dépend de leur connaissance de la situation de leur interlocuteur. Mais notre connaissance de l'état de notre interlocuteur en tant qu'humains est limitée alors que la connaissance de Dieu - Exalté soit-Il - est sans limite. De ce fait, l'éloquence du Noble Coran provient du fait qu'il est inimitable dans sa façon de s'adresser à tous les hommes, inimitable dans son éloquence et dans sa concordance parfaite avec l'état de tous les hommes et le fait qu'il s'adresse à des facultés de l'âme que nous méconnaissons tout en étant composé des mêmes lettres et des mêmes mots que l'homme du commun utilise et que l'homme instruit utilise. Dieu en a défié les hommes leur demandant de produire une sourate similaire puis Il a défié les humains et les djinns, qui sont les créatures pourvues d'un libre arbitre. Puis, il y mit les noms des lettres comme un miracle car le réceptacle de la révélation, le Prophète - paix et bénédictions sur lui, était illettré et ne savait ni lire ni écrire. Sans oublier que l'inimitabilité du Coran ne s'arrête pas là, mais elle s'étend à l'extrême précision des termes et des expressions dont les hommes sont incapables et cela fera l'objet du prochain chapitre. Traduit et adapté de l'arabe, Moâjizat Al-Qur'ân (Le miracle du Coran) de Sheikh Mohammad Mitwalli Ash-Shaârawi, Kitâb Al-Yawm, 2ème édition, 1981, Le Caire - Egypte. P.-S. Nous avons sauté tout un passage où Sheikh Ash-Shaârawi illustre le passage harmonieux dans le Coran du style poétique vers la prose par plusieurs versets coraniques mettant en avant les métriques de la poésie arabe qui y figurent. Ce passage étant difficile à rendre en français et très peu compréhensible pour un public non initié à la poésie arabe et à fortiori francophone, nous en avons fait l'économie. IV- L'éloquence dans le Noble Coran Lorsqu'on parle de l'inimitabilité du Coran et de son éloquence, force est de traiter de la précision des mots ou la précision des expressions coraniques. La parole de Dieu - Exalté soit-Il - doit nécessairement être extrêmement précise de telle sorte qu'elle véhicule son message entièrement sans qu'il n'y ait une lettre dénuée de sens ni un mot redondant. Marchez dans la terre En vérité, l'inimitabilité du Coran tient parfois à une seule lettre (arabe : harf). [1] Allâh - Glorifié soit-Il - dit : "Dis, marchez dans la terre" (en arabe : qul sîrû fil-ard) [2]. Là, tu t'arrêtes devant ce verset et tu demandes : "Pourquoi Dieu n'a-t-il pas dit : 'Dis marchez sur la terre'. Est-ce que je marche dans la terre ou sur terre ? Conformément au sens commun, on marche sur terre mais on note que Dieu a utilisé la préposition "dans" (en arabe : fî) et non pas "sur" (en arabe : `alâ) : "Dis, marchez dans la terre". En effet, la préposition "dans" implique une relation circonstancielle. Le sens en est plus vaste car la terre devient la circonstance de l'action de marcher. De ce fait, la formulation est admissible. Mais, en matière de Coran, il n'y a pas de place pour ce qui est admissible. La formulation traduit précisément le sens voulu et le choix d'une préposition, plutôt qu'une autre, change le sens et est fait à dessein. Quelle est donc la sagesse qui réside dans l'usage de la préposition "dans" au lieu de "sur" ? Lorsque la science a progressé et que Dieu a révélé les secrets de la terre et de l'univers, nous avons appris que la terre ne se limitait pas à sa dimension matérielle uniquement mais que ce concept englobait aussi l'atmosphère. En effet, l'atmosphère est une partie intégrante de la terre qui se meut avec elle et ne s'en sépare pas et est nécessaire pour la vie en son sein. Sans l'atmosphère, la vie devient impossible. Par ailleurs, les habitants de la terre se servent des propriétés que Dieu a données à l'atmosphère dans leurs découvertes scientifiques. Ainsi, quand tu prends l'avion, et qu'il t'emmène à dix mille mètres de la surface de la terre, tu ne dis pas que tu as quitté la terre. Tu dis plutôt que tu y voles. Quand quittes-tu la terre réellement et scientifiquement parlant ? C'est quand tu sors de l'atmosphère terrestre. Tant que tu y es encore, tu es dans la terre et non en dehors d'elle. L'atmosphère prolonge donc la terre ; elle en est une partie intégrante et tourne avec elle. Revenons au noble verset et demandons-nous pourquoi Dieu - Glorifié soit-Il - a utilisé la préposition "dans" au lieu de "sur". La réponse est qu'en réalité tu marches dans la terre et non sur la terre. Il s'agit d'une réalité scientifique dont on n'était pas conscient à l'époque de la révélation du Coran. Mais, étant donné que c'est Dieu Qui parle et c'est Lui le Créateur, Il connait les secrets de Sa création. Il sait que l'homme marche dans la terre et à sa surface mais qu'il ne marche pas sur elle. Il y marche entre l'atmosphère terrestre et la surface de la terre. Il marche donc dans la terre, c'est-à-dire en son sein, entre l'atmosphère qui en est une partie intégrante et la lithosphère qui en est une autre partie. Nous notons ainsi la précision de l'expression coranique à l'échelle d'une seule préposition. Nous notons également que l'inimitabilité du Coran tient à une seule préposition. Deux sortes de patience Passons maintenant à un autre exemple susceptible de nous faire apprécier l'éloquence du Coran caractérisée par le choix des termes les plus justes pour exprimer le sens voulu, sans excès ni redondance. Dieu - Exalté soit-Il - dit par l'intermédiaire de Luqmân conseillant son fils : wasbir `alâ mâ asâbaka inna dhâlika min `azm il-umûr ("[...]et endure ce qui t'arrive. Cela fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires.") [3] Puis, dans un autre verset, on lit : wa laman sabara wa ghafara inna dhâlika min `azm il-umûr ("Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires.") [4] Dans ce dernier verset, il y a la lettre lâm en plus (dans laman). Tout un chacun dirait que l'adjonction de ce lâm sert à insister sur le sens (restitué dans la traduction par l'expression "en vérité") et c'est là tout son apport. Peu de gens s'y arrêteraient, mais lorsque le musulman scrute les sens véhiculés par le Noble Coran, il constate que chaque lettre y a été placée avec une extrême sagesse et que rien ne s'y trouve gratuitement. Chaque terme exprime un sens précis qu'aucun autre terme ne peut restituer, malgré les similitudes. Si nous examinons de plus près l'exemple ci-dessus, il s'avère que dans le premier verset, Allâh - Exalté soit-Il - dit : "et endure ce qui t'arrive". Ce qui arrive à l'un de nous tombe dans l'une de deux catégories : les choses où l'individu a un antagoniste et les choses où il n'y a aucun antagoniste ni adversaire. Typiquement, lorsque je tombe malade, je n'ai pas d'adversaire. Lorsqu'il m'arrive un mal prédestiné comme, par exemple, un objet qui tombe sur moi pendant que je marche dans la rue, je n'ai pas d'adversaire. Mais lorsqu'une personne m'agresse dans la rue, j'ai un antagoniste. De même, il y a deux sortes de patience. D'abord, il y a la patience face aux événements fâcheux où aucun antagoniste n'est partie prenante, et ceci est relativement facile dans la mesure où il n'y a personne sur qui je peux déverser ma colère. Je ne peux alors revenir sur ce qui m'est arrivé et je ne peux que patienter face à mon destin. Ce genre de patience ne mobilise pas beaucoup d'énergie du fait de l'absence d'un antagoniste à qui je pourrais rendre la pareille. La deuxième sorte de patience nécessite un effort plus grand et une volonté forte. J'y suis opposé, en effet, à un adversaire dont je peux me venger, tout comme je peux lui pardonner. Aussi lorsque Dieu - Exalté soit-Il - parle des deux sortes de patience, Il exprime dans chaque cas ce que cela implique précisément comme sentiments humains. Quand Il parle d'une chose ne mettant pas en jeu un antagoniste, Il dit : "[...]et endure ce qui t'arrive. Cela fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires." Puis, lorsqu'il s'agit de la patience face à un antagoniste dont je pourrais me venger et, si je ne me vengeais pas, cela m'irriterait, le Très-Haut dit : ""[...] cela, en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires." On insiste donc dans ce dernier cas sur l'effort assidû et la maîtrise de soi dont on doit faire preuve. Et comme ce cas fait intervenir un antagoniste dont on pourrait se venger, le Très-Haut dit : "Et celui qui endure et pardonne", renvoyant au pardon envers l'adversaire. La lettre lâm vient donc faire la différence entre "la résolution dans les affaires" dans le premier cas et dans le second. Ainsi donc une seule lettre dans le Coran produit-elle des miracles. L'interpellation des facultés humaines Cependant, l'inimitabilité ne se résume pas en une lettre seulement. Elle se caractérise également dans l'interpellation coranique des facultés humaines enfouies, ce qui traduit une connaissance parfaite des plus fins détails de la psychologie de l'homme et de ses facultés cachées. Par exemple, lorsque Dieu - Exalté soit-Il - décida d'interdire aux polythéistes d'effectuer des circumambulations autour de la Maison Sacrée, quelle faculté du musulman est sollicitée à l'écoute de ce commandement ? Il s'agit de son sens de l'économie, dans la mesure où ces polythéistes venaient de toutes les contrées, de toutes les villes, et de tous les villages avoisinant la Mecque. Or, l'Islam n'était pas encore parvenu à ces régions. Leur interdire le séjour à la Mecque signifiait que l'on se priverait des richesses qu'ils dépensaient et des marchandises qu'ils apportaient en faveur de l'économie. Le sens de l'économie est donc interpellé par ce commandement. Dieu - Exalté soit-Il - en tant que Créateur de l'âme humaine le sait parfaitement. La révélation de ce verset ne se limite pas à l'injonction en tant que telle, ni au tracé de la voie et l'indication d'une méthode de vie, mais elle fait place à la miséricorde de Dieu Qui s'adresse donc à la fibre économique de l'homme : "Ô vous qui croyez ! Les associateurs ne sont qu'impureté : qu'ils n'approchent plus de la Mosquée sacrée, après cette année-ci.[...]" [5] Puis, Il continue de s'adresser à la faculté économique de l'homme avant même que la question soit soulevée en ce qui concerne la baisse de revenus que cela engendrerait : "Et si vous redoutez une pénurie, Allah vous enrichira, s'Il veut, de par Sa grâce.", toujours dans le même verset. Cela est une mise en garde contre l'hésitation que susciteraient la fibre économique et la crainte de la pénurie. Dieu Se suffit, en effet, à Lui-Même et est Le Digne de louange, Il vous enrichira de par Sa grâce. L'impact de la faculté économique sur l'âme humaine se répète souvent dans l'ici-bas. Lorsque Dieu - Exalté soit-Il - t'ordonne une chose ou te défend telle transaction, la question est immédiatement soulevée dans ton esprit : et le gain que j'en tire, comment le remplacer ? Là, Allâh - Exalté soit-Il - affirme : "Je pourvoierai pour toi à Ma façon. Vu que la subsistance vient de Moi, Je te faciliterai une autre voie de subsistance. Ne crains guère la pauvreté et ne pense point que ta subsistance ira à quelqu'un d'autre." C'est Lui Qui me nourrit et me donne à boire Dans le Noble Coran, Dieu - Exalté et Glorifié soit-Il - S'adresse en permanence aux facultés humaines et leur répond avec une éloquence et une précision infinies, si bien que le changement d'un mot indique que Dieu - Exalté soit-Il - veut communiquer un sens nouveau ou faire comprendre une chose nouvelle. Cette précision phénoménale se trouve à maints endroits dans le Noble Coran. Par exemple, Ibrâhîm - que la paix soit sur lui - dit (à propos des idoles et des dieux des païens) : fa'innahum `adwwun lî illâ rabba al-`âlamîn § alladhî khalaqanî fahuwa yahdîn "Ils sont tous pour moi des ennemis sauf le Seigneur de l'univers, § Qui m'a créé, et c'est Lui Qui me guide ;" [6] Nous nous demandons alors pourquoi Ibrâhîm - paix sur lui - n'a-t-il pas dit : "c'est Lui Qui m'a créé et c'est Lui Qui me guide" au lieu de "Qui m'a créé, et c'est Lui qui me guide". La raison est simplement qu'il n'y a nul besoin de le souligner concernant la création. L'être humain a beau grandir, gagner en puissance et gouverner le monde, nul ne prétendra être en mesure de créer un homme, au risque de devoir prouver ses dires et échouer. Personne donc ne prétend être le créateur de l'homme et cela se passe de confirmation. Mais il y a des centaines de milliers d'individus qui affirment guider autrui. Certains d'entre eux ont apporté des méthodes allant dans le sens de la religion, et d'autres des méthodes aux antipodes de la religion. Toujours est-il qu'ils prétendent tous guider l'humanité. Chacun met en avant un système soumis à son bon vouloir et à ses passions et prétend guider l'humanité. D'où la nécessité de souligner que la guidée ne vient que de Dieu, que la vérité et la voie droite viennent de Lui uniquement. Ainsi le pronom personnel (huwa) était-il nécessaire dans la deuxième moitié du verset alors que dans la première moitié il n'était pas utile de le rappeler. La création est en effet un attribut divin que personne ne dispute et ne demande pas de confirmation, alors que la guidée compte de nombreux prétendants et nécessite l'insistance par le mot huwa (traduit par "c'est Lui Qui"). On poursuit ensuite avec "et c'est Lui Qui me nourrit et me donne à boire" [7]. L'homme gagne en effet le prix de sa nourriture et de sa boisson. D'où de nombreux prétendants en termes de subsistance et la nécessité de souligner, de nouveau, que c'est Dieu - Exalté soit-Il - Qui l'octroie. De même, il dit : "et quand je suis malade, c'est Lui Qui me guérit" [8] Entre le médecin et les médicaments, on pourrait en effet oublier la Volonté de Dieu - Exalté soit-Il. Nous passons ensuite à : "et Qui me fera mourir, puis me redonnera la vie" [9] Il n'a pas dit : "et c'est Lui Qui me fera mourir, puis c'est Lui Qui me redonnera la vie" car ces questions appartiennent à Dieu de manière indisputable. Il n'était donc pas indispensable de le souligner. Dans ces versets, nous voyons ainsi que tantôt Dieu fait figurer le pronom huwa et tantôt Il l'omet selon le contexte et parce que la précision de l'expression coranique fait que les mots figurent à l'emplacement approprié pour exprimer un sens très précis. Ceci vaut pour l'emploi et l'omission des termes autant que pour le choix des mots en eux-mêmes. Si Dieu - Exalté soit-Il - avait employé ou s'Il avait omis le pronom de manière indifférenciée dans ces versets, la plupart des gens ne s'y seraient pas arrêtés et on en traiterait comme d'une parole humaine. Mais, il s'agit là de la Parole de Dieu - Exalté et Glorifié soit-Il. Traduit et adapté de l'arabe, Moâjizat Al-Qur'ân (Le miracle du Coran) de Sheikh Mohammad Mitwalli Ash-Shaârawi, Kitâb Al-Yawm, 2ème édition, 1981, Le Caire - Egypte. Notes [1] harf désigne en arabe une lettre mais aussi une préposition. Souvent en arabe les prépositions se réduisent à une lettre. [2] Sourate 27, An-Naml, Les fourmis, verset 69. [3] Sourate 31, Luqmân, verset 17. [4] Sourate 42, Ash-Shûrâ, La consultation, verset43. [5] Sourate 9, At-Tawbah, Le repentir, verset 28. [6] Sourate 26, Ash-Shu`arâ', Les poètes, versets 77 et 78. [7] Sourate 26, Ash-Shu`arâ', Les poètes, verset 79. [8] Sourate 26, Ash-Shu`arâ', Les poètes, verset 80. [9] Sourate 26, Ash-Shu`arâ', Les poètes, verset 81. (Demain: Suite de la 4ème partie: «L'éloquence dans le Noble Coran») IV- L'éloquence dans le Noble Coran (Suite)