La vengeance est un plat qui se mange froid. Et le journal parisien « L'Equipe » aura attendu 12 ans avant de régler ses comptes avec Aimé Jacquet et le staff de l'équipe de France. On se souvient que, quelques mois avant la Coupe du Monde 1998, le directeur de la rédaction du quotidien, Jérome Bureau, avait décrété que la sélection d'Aimé Jacquet n'allait pas réussir grand chose et que même, il mangerait son chapeau si cette équipe, il parlait des Bleus, gagnait quoi ce soit lors du Mondial. On le sait, Aimé Jacquet et ses joueurs furent champions du monde, et Jérome Bureau s'il ne mangea pas son chapeau, dut « avaler » sa carrière puisqu'il quitta son poste à « L'Equipe » après qu'Aimé Jacquet ait refusé de pardonner et que toute la France célébrait la victoire des « Black, blanc, bleurs ». 98 marqua la déconfiture d'un J.M Le Pen qui avait parlé d'une équipe non française, mais aussi d'un certain type de journalisme ancré dans son parisianisme et qui avait fait du « provincial » Jacquet son souffre douleur. Et nous voici en 2010, et le journal « L'Equipe » a lancé dans la vitrine du football français le plus gros paquet de m… dans l'Histoire des relations fédération-presse. La « Une » du journal samedi matin où est inscrite en gros titres sans les pointillés d'usage une phrase où l'on parle de sodomie et de prostitution, et qu'on livre telle quelle à l'avidité des lecteurs et des télévisions qui montent en épingle le moindre écho sur le foot en cette période d'audimat, oui cette une, on le dit en toute confraternité, est un scandale, un énorme scandale qui se retournera contre « L'Equipe », tôt ou tard, et beaucoup plus gravement que la prise de position contre Aimé Jacquet d'il y a 12 années. En rapportant des propos tenus dans un vestiaire, le quotidien « L'Equipe » savait qu'il allait non seulement réussir un coup médiatique mais aussi créer la plus grosse pagaille de l'année au sein de la délégation française, car à « L'Equipe » l'un des plus vieux quotidiens sportifs au monde, on sait très bien ce qu'on peut écrire, dire, ne pas dire et surtout comment et quand le dire. Parce que si « L'Equipe » et avec lui, tous les organes de presse s'amusaient à répéter et à publier tout ce qui se dit et se fait, il n'y aurait plus de vie sociale possible. Songez un seul instant, par exemple, que votre meilleur ami ou supposé tel aille rapporter à vos autres connaissances, à votre famille, à vos voisins tout ce que vous faites ou tout ce que vous dites. Si cela se passait comme ça, personne ne garderait longtemps intacte sa vie quotidienne. Alors imaginez dans un groupe comme les équipes de football où les égos, les rivalités, les rapports de force sont exacerbés. Et pour bien vous prouver que l'Equipe en s'attaquant à Anelka et à travers lui à l'équipe de France et à Domenech, n'a pas cherché à faire de l'info mais plutôt à créer un scandale, on se demandera si la déclaration d'Anelka aurait été publiée si l'équipe de France avait gagné contre le Mexique. Non, mille fois non, car d'abord en foot, le résultat efface tout (rappelez-vous de la main de Thierry Henri, que tout le monde a trouvé… normale) et qu'ensuite, et surtout une telle phrase si violente à froid et en impression sur papier-journal est en réalité chose anodine. Dans les vestiaires et même partout où l'on vit en groupe. On la dit et la répète au bureau, lorsqu'on conduit ou quand quelqu'un vous fait ch… mais « l'équipe » a senti que son ennemi de toujours, l'Equipe de France et sa fédé, était blessée, presque à terre et qu'il fallait l'achever. Ce qui fut fait en cette fin de semaine. Et si, aujourd'hui, la réaction des hommes du foot, les vrais, dénonce cet égarement de l'Equipe, c'est bien parce qu'avec ce titre et le reportage, le journal parisien a franchi une limite qui va à jamais changer son rapport avec le foot. Aimé Jacquet, bien sûr, mais aussi Patrice Evra, capitaine de l'équipe nationale française, se sont déclarés scandalisés et ont parlé de trahison. Erik Gerets, notre futur sélectionneur, a étendu le camp des traîtres : « Ils ne sont pas nécessairement dans les vestiaires des Bleus, ça peut être un agent, une petite amie, une épouse, un intime quelconque ». Guy Roux était bien d'accord. On n'est jamais trahi que par les siens, dit-on et là la trahison est de taille. D'abord, elle a choisi une victime idéale, Nicolas Anelka connu pour son caractère entier et ensuite elle, la trahison, a été assénée au moment où elle est susceptible de faire le plus de mal. Car, avec tous ces envoyés spéciaux présents en Afrique du Sud et qui n'ont parfois rien à se mettre sous la dent, on prend les miettes de rien et on veut en faire une bombe. Domenech sur « Télé-foot » hier, a dit : « Si tout cela n'était pas dramatique, on en rirait. On est loin du foot, malheureusement, quand on explique les défaites par les ragots ». On dira bravo à Domenech, bravo de rester debout dans la tempête, et de dire les choses comme elles doivent être dites. Entre temps, Nicolas Anelka va payer les pots cassés, lâché même par un autre Nicolas, qui lui fait de la politique et a répondu au plus pressé pour faire bonne figure. Pourtant, Sarkozy, chef de l'Etat, sait bien que l'on peut sortir des phrases qui dépassent votre pensée quand on est en mission et sous stress. N'est-ce pas ? L'Equipe a réussi son coup. Même le président est tombé dans le panneau. Mais, répétons-le, « L'Equipe » ne perd sûrement rien pour attendre.