Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a affirmé mardi qu'il n'y avait "pas d'autre choix" que de "rechercher de nouvelles sanctions" contre Téhéran qui continue de développer un programme nucléaire "sans finalités civiles crédibles". "L'attitude de défi choisie aujourd'hui par le gouvernement iranien ne nous laisse aujourd'hui aucun autre choix: nous devons rechercher de nouvelles sanctions", a lancé le chef de la diplomatie française au Sénat. "Nous continuerons à rechercher le dialogue mais quelles réponses ont suscité jusqu'alors toutes nos offres de dialogue? Rien de tangible", a-t-il fait valoir. Selon lui, l'Iran "développe des capacités nucléaires sensibles sans finalités civiles crédibles". Ce pays, a-t-il souligné, "accroît la portée de ses missiles, l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) déplore à longueur de rapports que l'Iran ne coopère pas suffisamment avec elle et Téhéran a rejeté toutes nos offres de dialogue et de coopération". "Il y a eu déjà trois résolutions des Nations unies (assorties de) sanctions", a rappelé M. Kouchner, relevant qu'elles étaient "destinées à convaincre ou à contraindre le gouvernement iranien à négocier". M. Kouchner s'exprimait lors d'un débat sur "le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France" organisé à quelques semaines de la prochaine conférence quinquennale de suivi du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), prévue en mai 2010 au siège des Nations unies à New York. L'Occident, Etats-Unis et France en tête, soupçonne l'Iran de vouloir se doter de l'arme atomique. L'Iran dément, affirmant que son programme nucléaire est destiné à un usage purement civil. Evoquant la deuxième "crise majeure" de la prolifération, le programme nucléaire nord-coréen, M. Kouchner a souligné qu'il "ne met pas seulement en cause la paix et la stabilité de la région" mais "exporte au loin (ses) ferments d'insécurité (...) en particulier au Proche et au Moyen-Orient". "Il faut y faire barrage", a-t-il martelé. Pour le ministre des Affaires étrangères, "il n'y aura pas de désarmement si nous ne mettons pas un coup d'arrêt à la prolifération nucléaire et il n'y aura pas de développement du nucléaire civil si nous ne mettons pas un coup d'arrêt à la prolifération". "Le président (américain Barack) Obama a dit rêver d'un monde où il n'y aurait plus d'armes nucléaires, la France répond par les faits et l'exemple", a-t-il poursuivi, rappelant que Paris avait ratifié le traité d'interdiction des essais, démantelé son site d'essais et cessé la production de plutonium ou d'uranium à usage militaire. Pae ailleurs, Pékin et Moscou ont discrètement fait pression sur l'Iran pour l'amener à revoir sa politique nucléaire et à accepter le compromis de l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a-t-on appris mardi de sources diplomatiques occidentales aux Nations unies. Des discussions ont eu lieu début mars à Téhéran, précise-t-on de même source, tout en saluant l'initiative de la Russie et de la Chine, deux membres permanents du Conseil de sécurité jugés hostiles à la fermeté prônée à l'Ouest. "La Russie et la Chine ont effectué une démarche auprès de Téhéran pour essayer de faire changer la position des Iraniens sur le dossier nucléaire, en particulier au sujet du réacteur de Téhéran", a déclaré à Reuters un diplomate du Conseil de sécurité ayant requis l'anonymat. "Russes et Chinois disaient que leur position dépendrait de la réponse iranienne à cette démarche", a-t-il ajouté, évoquant le quatrième train de sanctions internationales que les puissances occidentales s'efforcent de faire adopter. "Les Russes ont dit n'avoir rien obtenu de la part des Iraniens", a expliqué un autre diplomate. "Les Chinois disent que les Iraniens leur ont demandé un peu de temps pour leur répondre. Mais ils n'ont finalement rien obtenu", a-t-il précisé. La Russie cache de moins en moins son irritation depuis le rejet du compromis de l'AIEA qui proposait à la République islamique de transférer la majeure partie de son uranium faiblement enrichi à l'étranger pour en faire du combustible utilisable dans le réacteur de recherches de Téhéran, une formule à même de dissiper les soupçons occidentaux. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a déclaré vendredi à la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton que Moscou pourrait se prononcer pour une résolution infligeant de nouvelles sanctions à l'Iran. Bien qu'elle ait, elle aussi, invité Téhéran à accepter le compromis de l'AIEA, la Chine reste en revanche opposée à cette perspective. Elle n'a toutefois pas réagi au projet de résolution que les Etats-Unis lui ont communiqué. Le document a également été remis à la Russie et aux pays européens représentés au Conseil de sécurité. L'attitude de Pékin, qui refusait jusqu'ici d'entamer ce que les occidentaux nomment des "négociations substantielles" sur un nouveau train de sanctions, pourrait bien changer, dit-on à New York. "Les Chinois ont finalement accepté de participer à une conférence cette semaine pour évoquer les sanctions", a ainsi déclaré un diplomate occidental. Cette conférence, à laquelle doivent assister les membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne, serait programmée ce mercredi. "Les Iraniens n'ont pas donné suite aux démarches de la Chine et de la Russie, alors les Chinois ont peut-être admis que le moment était venu de parler sanctions", a expliqué un autre diplomate. Et d'ajouter: "Avec les Chinois, on ne sait jamais". Quelle que soit leur décision, la résolution ne pourra vraisemblablement être adoptée avant juin, estime-t-on à l'Onu.