La première journée de vote en Irak a été marquée par une série d'attentats qui ont ensanglanté jeudi la capitale Bagdad. Pas moins de14 morts et des dizaines de blessés ont fais les frais de ce premier de scrutin législatif, malgré des mesures de sécurité exceptionnelles. Autre fait marquant de ce scrutin irakien, l'achat des voix qui, en l'absence de loi sur le financement des partis, bat son plein en Irak où tous les moyens sont bons pour glaner les votes des électeurs. Trois attentats se sont produits en l'espace de quelques heures près de bureaux de vote à Bagdad, alors qu'Al-Qaïda et l'autre groupe extrémiste sunnite Ansar al-Sunna ont menacé de "tout faire" pour torpiller ces élections, cruciales pour l'avenir de l'Irak. Quelque 947.000 électeurs (850.000 militaires et membres des forces de sécurité et 97.000 prisonniers et personnes hospitalisées) ont été appelés aux urnes pour un scrutin anticipé jeudi. Les bureaux de vote ouverts vers 08H00 (0H500 GMT) ont fermé à 17H00 (14H00 GMT), selon Hamdia Husseini, une responsable de la commission électorale. En fin de matinée, un obus est tombé sur un bâtiment à 500 mètres d'une école qui doit servir dimanche de bureau de vote dans le quartier Hourriya à Bagdad. Sept personnes, dont quatre enfants, ont été tuées et 23 blessées, selon un responsable des urgences Mohammad Mehdi. Un peu plus tard, sept soldats ont été tués et 25 blessés dans deux attaques perpetrées presque simultanément par des kamikazes contre des militaires attendant de voter à Bab al-Mouazam et al-Mansour, deux quartiers de Bagdad, selon le ministère de l'Intérieur. La veille déjà, un triple attentat portant la marque d'Al-Qaïda a fait 33 morts et 55 blessés à Baqouba au nord de Bagdad. Ces attentats ont eu lieu malgré une forte mobilisation de l'armée et de la police. A Bagdad, environ 200.000 membres des forces de sécurité seront mobilisés. La circulation sera interdite aux véhicules dans les villes. "(Nous) avons décidé d'empêcher ces élections par tous les moyens possibles, principalement par des moyens militaires", a menacé le chef d'Al-Qaïda en Irak, Abou Omar al-Baghdadi, dans un message audio le 12 février, qualifiant le scrutin de "crime politique manigancé par les chiites". "Les Irakiens sont responsables de la sécurité pour ces élections et ce n'est qu'à leur demande que les forces américaines fourniront de l'aide", a déclaré une porte-parole américaine, Elizabeth Feste. En 2005, les forces américaines, qui doivent quitter le pays d'ici la fin 2011 après le départ des forces combattantes dans six mois, protégeaient les urnes aux côtés des forces irakiennes. Pour ces deuxièmes législatives depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, 6.218 candidats dont 1.801 femmes briguent 325 sièges. Quatre-vingt-six listes sont en lice. Lors du scrutin "spécial" de jeudi, les malades ont voté dans les hôpitaux et les prisonniers condamnés à des peines inférieures à cinq ans dans leurs centres de détention. Dans les trois provinces du Kurdistan (nord), 58.000 personnes, dont 45.000 pechmergas (combattants kurdes), votaient au milieu de strictes mesures de sécurité. Vendredi, ce sont les 1,4 million d'Irakiens résidant à l'étranger qui doivent voter. L'achat des voix bat son plein Terrain, argent, armes, poulet congelé ou vêtements: l'achat des voix bat son plein en Irak et tous les moyens sont bons pour glaner les votes des électeurs aux législatives irakiennes du 7 mars. Comme la majorité des transactions financières s'effectuent en liquide et qu'il n'existe aucune loi sur le financement des partis, de telles pratiques sont courantes et font partie du jeu électoral. "Un des candidats de la liste du Premier ministre Nouri al-Maliki a offert des pistolets et de l'argent à des chefs de tribus", affirme Mohammed Ali, un athlète de Nassiriyah, une ville chiite située à 350 km au sud de Bagdad. "D'autres candidats nous ont proposé des survêtements pour notre équipe, mais nous leur avons répondu que cela ne signifie pas que nous voterons pour eux", poursuit-il. M. Maliki, qui dirige l'Alliance de l'Etat de droit, a pris la défense de cette pratique et proclamé qu'il allait offrir des armes à tous ceux dont l'acte héroïque a préservé la sécurité du pays. L'intervention du Grand Ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite, qui a interdit de telles pratiques et demandé l'observation de la stricte neutralité entre les partis chiites en compétition n'a eu aucun effet dissuasif. Dans la province de Diyala, où la branche irakienne d'Al-Qaïda est active, il ne s'agissait pas de pistolets mais de petits cadeaux. Ahmed Adnane, un étudiant de 23 ans, a raconté que des habitants de son quartier avaient reçu des poulets congelés de candidats du Parti islamique, un groupe sunnite qui a fait jurer les bénéficiaires sur le Coran de ne donner leur voix qu'à cette liste. La liste du Bloc irakien de l'ancien Premier ministre Iyad Allawi, a de solides soutiens sunnites à Diyala. "Un de leurs candidats avait offert 100.000 dinars irakiens (85 dollars) pour obtenir nos voix mais nous avons refusé", indique Fatima Zuhair, 27 ans. "J'ai reçu de la nourriture du Bloc irakien mais je ne voterai pas pour eux. Ils viennent seulement quand il ont besoin de nous", assure Karim Saad, un chauffeur de taxi de 37 ans. La quête d'un siège au Parlement, où le salaire de base d'un député s'élève à 100.000 dollars par an, a poussé certains des 6.200 candidats à avoir recours aux grands moyens.