À Bordeaux, une délégation franco-marocaine a récemment ravivé les liens séculaires entre « l'Université des Rois » et le Royaume du Maroc. Ce surnom prend tout son sens lorsqu'on se rappelle que Feu Sa Majesté le Roi Hassan II y a poursuivi ses études de droit, obtenant en 1952 un diplôme des hautes études de droit civil à la faculté de Bordeaux . Echo d'un passé toujours vivant. C'est une visite empreinte de symboles et de mémoire qui s'est récemment déroulée à l'Université de droit de Bordeaux. Une délégation composée de juristes français et marocains, d'hommes d'affaires et d'anciens de cette prestigieuse institution, a foulé les pavés de l'Université qui, selon les mots du juriste Jean du Bois de Gaudusson, est celle des rois et des intellectuels de haute voltige, mais aussi le fief des causes nobles.
Ce lien historique fut solennellement célébré en 1963, lorsque Hassan II, en visite officielle à Bordeaux, reçut le brevet de docteur honoris causa de l'université, où il a en effet obtenu le diplôme des hautes études de droit civil. Lors de cette cérémonie, il évoqua avec émotion ses souvenirs d'étudiant, soulignant son attachement profond à la culture juridique française.
Au-delà du geste diplomatique, cette visite s'inscrit dans une tradition ancienne et vivace : celle des visites de juristes, d'intellectuels et d'anciens étudiants, nostalgiques et fervents défenseurs du rôle central qu'a toujours joué l'Université de Bordeaux dans le rapprochement diplomatique entre les deux contrées : le Royaume et l'Hexagone.
Parmi les membres de la délégation, Me Hubert Seillan, président de la Fondation France-Maroc pour la Paix et le Développement durable, a rappelé que cette institution a toujours incarné un rôle charnière dans les droits humains et le droit international, accueillant dans ses amphithéâtres avocats, juges, magistrats et hommes d'Etat qui connaissent très bien cette cause noble qu'est la marocanité du Sahara.
Ce moment de retrouvailles académiques fut aussi une occasion de rendre hommage à Jean de Gaudusson, professeur émérite, ancien président de l'Université Bordeaux-IV de 1996 à 2001 et ancien président de l'Agence universitaire de la Francophonie de 2001 à 2005. Ami indéfectible du Maroc, il a œuvré toute sa carrière à promouvoir les valeurs humanistes de la francophonie, le dialogue Nord-Sud, et l'amitié franco-marocaine. Il n'a d'ailleurs pas hésité à qualifier le Royaume de «rare exemple de pays traditionnaliste ayant su embrasser avec lucidité et courage les valeurs de rapprochement portées par la francophonie». Humble et ne parlant de sa personne que lorsque l'on insiste pour qu'il le fasse, il nous avoue qu'il a tout de même été fier d'avoir croisé le chemin de personnalités emblématiques telles que Boutros Boutros-Ghali, Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf ou encore Amin Maalouf. Des rencontres, dit-il, qui ont nourri sa conviction profonde : celle que «le dialogue entre les cultures n'est pas une posture, mais une mission». Aujourd'hui conseiller à la mairie de Sorges, après en avoir été le maire, Jean du Bois de Gaudusson poursuit, avec la même passion, son engagement au service des valeurs de transmission et de dialogue. C'est, d'ailleurs, avec émotion qu'il a confié à «L'Opinion» que Feu Hassan II avait pleinement épousé l'esprit et les idéaux portés par l'Université de Bordeaux, mettant ce savoir au service de Son pays et de Son peuple. «C'était un Roi emblématique, pour qui la diplomatie était une seconde nature», dit-il, rappelant combien «cette grande figure Royale avait su conjuguer tradition et modernité, érudition et vision stratégique».
La visite de la délégation, dont M. Hassan Idrissi Sentissi a fait partie, fut également l'occasion d'évoquer une page méconnue mais fondatrice de l'Histoire commune : la scolarité de Feu Hassan II à Bordeaux. Le futur Souverain, alors Prince héritier, y poursuit ses études supérieures dans les années 1950. Il fréquente la Faculté de droit de Bordeaux où Il se distingue par Son sérieux, Sa prestance et Son intérêt prononcé pour les disciplines juridiques et politiques. La légende veut que les Bordelais, frappés par la courtoisie et la vivacité du jeune Prince, l'appelaient déjà «Sa Majesté». Ce séjour d'études, bien que discret, a profondément marqué Sa vision de l'Etat et du droit, renforçant Son attachement aux valeurs d'équilibre, de diplomatie et de souveraineté. C'est dans cette même Université que Feu Mohammed V, aurait également entretenu des liens privilégiés, consolidant ainsi une tradition dynastique de fréquentation intellectuelle de la France savante.
Selon Me Seillan, la délégation marocaine qui a récemment rendu visite à cette Université et a été reçue avec les honneurs par le doyen n'a fait que perpétuer une tradition : celle des visites diplomatiques amicales franco-marocaines qui ravive le souvenir de l'Université des Rois marocains. Une Université qui n'est pas seulement un établissement d'enseignement supérieur, mais un haut lieu de mémoire partagée entre deux nations liées par la langue, le droit, l'Histoire et une certaine idée de la dignité humaine.
Dans une époque parfois marquée par l'amnésie des liens profonds, l'Université de Bordeaux se dresse comme un témoin vivant d'un compagnonnage d'exception, entre deux rives unies par le droit, la culture et une vision partagée de l'humanité.
Trois questions à Jean du Bois de Gaudusson, fervent défenseur de l'amitié franco-marocaine : «Ce que Hassan II avait compris, c'est que le savoir est une puissance tranquille» * Monsieur de Gaudusson, on vous cite souvent comme l'un des témoins privilégiés du compagnonnage universitaire entre la France et le Maroc. Qu'est-ce qui, selon vous, distingue ce lien de ceux que la France entretient avec d'autres pays francophones ?
- Le lien avec le Maroc est d'une nature particulière. Il s'agit d'une résonance profonde entre deux systèmes juridiques, deux traditions intellectuelles qui se comprennent. Le Maroc n'a jamais été un élève passif de la francophonie. Il en a, bien au contraire, été un acteur souverain. C'est un échange de fond, nourri par des siècles d'Histoire partagée, d'ambiguïtés parfois, mais aussi d'une belle estime mutuelle.
* Vous avez évoqué dans un autre contexte le caractère "emblématique" de Feu Hassan II. Au-delà des études bordelaises de Moulay Hassan, alors Prince héritier, que retenez-vous de Sa manière d'incarner, en tant que Souverain, le pouvoir à travers le prisme du savoir ?
- Ce que le défunt Hassan II avait compris, c'est que le savoir est une puissance tranquille. Il savait manier le langage juridique avec une finesse qui impressionnait les plus pointilleux des juristes français. Il n'était pas simplement cultivé mais structuré intellectuellement et avait une capacité à penser l'Etat avec rigueur, tout en gardant une sensibilité aux traditions culturelles marocaines. Cette tension féconde entre tradition et modernité, Il l'a incarnée sans jamais verser dans l'imitation. Sa vision de l'élégance diplomatique était souveraine et Son amour pour la francophonie, qu'Il a vécue et fait vivre, était immense.
* «L'élégance diplomatique»... Qu'entendez-vous par là ? - Le Maroc pratique une diplomatie qui n'est jamais bruyante, mais toujours constante, car elle repose sur la fidélité à certaines lignes de force, relayée par la francophonie et nos valeurs humanistes communes. L'Université de Bordeaux a été l'un des laboratoires discrets de cette école de pensée... Droit et savoir : Les origines d'un règne éclairé Dès Son plus jeune âge, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a bénéficié d'une éducation rigoureuse et prestigieuse, en parfaite adéquation avec la tradition Royale marocaine. À l'âge de quatre ans, Il entame Sa scolarité au sein du Collège Royal de Rabat, un établissement d'élite destiné à préparer les princes aux plus hautes responsabilités. Le 28 juin 1973, alors âgé de neuf ans, le Prince Héritier obtient Son certificat d'études primaires. Il poursuit ensuite Ses études secondaires au même collège, y décrochant en 1981 Son baccalauréat marocain.
En 1985, Il obtient une licence en droit à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat. Son mémoire, consacré à «L'Union arabo-africaine et la stratégie du Royaume du Maroc en matière de relations internationales», révèle déjà un engagement profond envers l'Afrique et le monde arabe, ainsi qu'une vision lucide des enjeux géopolitiques.
Sa Majesté continue d'enrichir Son savoir par l'obtention, en 1987, d'un premier Certificat d'études supérieures en sciences politiques, avec mention. L'année suivante, en juillet 1988, Il réussit, également avec mention, les examens du Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit public.
Animé par le souci constant de renforcer le dialogue et la coopération internationale, Son Auguste Père, Feu Hassan II, décide de Lui confier un stage à Bruxelles, en novembre 1988, auprès de M. Jacques Delors, alors président de la Commission Européenne. Cette expérience, au cœur des institutions européennes, renforce la vocation de Sa Majesté à œuvrer pour un dialogue équilibré entre le Nord et le Sud.
La dimension internationale de Son engagement est illustrée dès l'enfance : le 6 avril 1974, à l'âge de dix ans, Il représente Son Auguste Père aux obsèques du président Georges Pompidou, marquant ainsi le début d'une longue et fructueuse relation d'amitié avec la République française.
En octobre 1993, Sa Majesté soutient à l'Université de Nice Sophia-Antipolis une thèse de doctorat en droit, couronnée de la mention «très honorable». Celle-ci porte sur «La Coopération entre la Communauté économique européenne et l'Union du Maghreb arabe», thème révélateur de Sa vision progressiste d'un espace euro-méditerranéen solidaire et harmonieux.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI n'a eu de cesse, au fil des années, de démontrer Son attachement aux idéaux de la francophonie, de la paix, et du respect mutuel entre les peuples. L'ensemble de ce parcours témoigne de la profonde culture de Sa Majesté, de Son attachement indéfectible aux valeurs universelles, et de Sa volonté de bâtir des ponts entre les civilisations, en particulier entre l'Europe et l'Afrique, entre la France et le Maroc, unis par une amitié séculaire que le Souverain n'a cessé de promouvoir avec constance, noblesse et vision. Rétrospective : Aux sources du savoir du Prince héritier Moulay Hassan Son Altesse Royale le Prince Héritier Moulay Hassan reçut, dans l'enceinte prestigieuse et empreinte de solennité du Palais Royal de Fès, les premiers enseignements de la noble science coranique. Ces précieuses leçons lui furent dispensées par des érudits de renom, à l'image du respecté professeur Moulay Tayeb Alaoui, dans un cadre propice à l'élévation spirituelle et à l'ancrage des valeurs de piété et de rigueur morale propres à la dynastie alaouite.
C'est ensuite au Collège Royal de Rabat, institution d'élite réservée à la formation des membres de la Famille Royale et des plus hauts cadres du Royaume, que Son Altesse poursuivit Sa scolarité avec assiduité et sens du devoir. Il y obtint brillamment Son baccalauréat en 1948, preuve de Son sérieux et de Son engagement dans la voie de la connaissance, sous le regard attentif de Son Auguste Père, Feu Mohammed V.
Porté par cette exigence d'excellence et animé d'une volonté ferme de servir Son pays avec compétence et lucidité, le Prince Moulay Hassan poursuivit ses études universitaires à Rabat, au sein du Centre des Hautes Etudes marocaines, institution rattachée à la Faculté de Bordeaux. Il y obtint Sa licence en droit en 1951, avant d'approfondir Ses connaissances et de décrocher, dès l'année suivante, le diplôme des hautes études de droit civil de la Faculté de Bordeaux en 1952. Il était alors engagé dans un cursus de doctorat à la Faculté de droit de Bordeaux lorsque, en août 1953, survint l'épreuve de l'exil, imposée à la Famille Royale, et qui se prolongea jusqu'en novembre 1955.
Plus tard, après Son accession au Trône en tant que Souverain du Royaume du Maroc, Feu Hassan II reçut, en date du 25 juin 1963, les insignes de docteur honoris causa de l'Université de Bordeaux. Ce titre honorifique lui fut remis par le doyen Lajugie en hommage à Son parcours académique, à Sa stature intellectuelle, et à la profondeur de Son engagement au service du savoir et du rayonnement du Royaume. Fiche signalétique : Une institution pas comme les autres... La Faculté de droit de Bordeaux est l'une des plus anciennes institutions juridiques de France. Elle fait partie de l'Université de Bordeaux, dont les origines remontent au XVème siècle. L'Université a été fondée en 1441 par une bulle du pape Eugène IV, à l'initiative de l'archevêque Pey Berland et avec l'appui du roi Charles VII. À l'époque, elle comprenait quatre Facultés : arts, médecine, théologie et droit canonique.
La Faculté de droit en tant que telle connaît un véritable essor à partir du XIXème siècle. Après les bouleversements de la Révolution française, l'Université avait été supprimée, puis progressivement réorganisée sous Napoléon. La Faculté de droit de Bordeaux renaît dans ce contexte en 1806. Elle devient rapidement un pôle reconnu pour la formation des juristes, des administrateurs et des magistrats.
Tout au long du XIXème et du XXème siècle, elle acquiert une solide réputation à l'échelle nationale et internationale. Elle attire de nombreux étudiants, y compris étrangers, et voit passer dans ses rangs plusieurs personnalités marquantes. L'un de ses doyens les plus célèbres fut le professeur Fernand Lajugie, qui a eu l'honneur de remettre le titre de docteur honoris causa à Feu Hassan II, alors Roi du Maroc, en 1963.
Aujourd'hui, la Faculté de droit de Bordeaux est intégrée à l'Université de Bordeaux, rénovée dans le cadre de la réforme universitaire française. Elle propose une large gamme de formations en droit public, droit privé, sciences politiques, relations internationales, et s'appuie sur plusieurs laboratoires de recherche réputés. Elle reste une référence dans le paysage universitaire français, tant par la qualité de son enseignement que par son héritage intellectuel.