Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais les rues et certaines avenues de la capitale sont jonchées de semelles de chaussures. Ce phénomène n'a rien d'extraterrestre, il ne s'agit nullement d'une miraculeuse pluie de semelles due à un phénomène ou une anomalie climatique. Mais tout simplement, les souliers des r'batis et d'ailleurs en prennent un sacré coup à cause de ces innombrables et interminables chantiers qui ont eu l'heur d'affreusement défigurer la ville, alors que les pluies déluviennes sont venues s'en mêler. On a beau fixer le sol histoire de savoir où on met les pieds, au risque de heurter un mur ou un poteau électrique, on n'est plus jamais à l'abri d'une chute, voire d'être fauché par un véhicule, tant que l'on ne saurait avoir les yeux rivés dans tous les sens. Les initiateurs de ces projets qui ont révélé énormément de tracas, dont le citoyen est la première victime, avaient-ils mesuré l'ampleur du mécontentement général qu'expriment piétons et conducteurs? Se rendent-ils compte qu'il leur faudra des années-lumières pour que Rabat et d'autres villes retrouvent leur beauté et leur sérénité? Les grandes cités apprécient le changement, même dans le chaos et le désordre indescriptible. Par contre, les grandes cités historiques ne peuvent qu'être écoeurées d'assister impuissantes à l'assassinat de froide main de ses monuments classés patrimoine, sous prétexte de chantier ou d'ouvrir un passage au futur tramway. On achève bien les monuments, les murailles historiques et les anciens édifices, comme on l'a vu à Rabat et à Casablanca, notamment. D'ailleurs, si les casablancais ont dit haut et publiquement leur colère (ce qui est fort légitime), les r'batis se sont contentés d'assister sans moyens de réagir à l'abattement d'une part de leur histoire et de l'âme de leur ville. Que penseront les visiteurs étrangers qui viennent de loin pour découvrir que l'objet de leur administration peut être considéré ici comme un amas de pierres comme un banal immeuble? Ils penseront peut-être que, quelque part, on se moque d'eux et de leur investissement touristique dans notre pays. Si j'évoquais cette histoire de semelles, c'est qu'elle est symbolique d'une situation qui commence à ressembler à un bourbier. Sans doute les citoyens rêvaient d'un réseau de tramway sensé désengorger des villes devenues irrespirables. Aujourd'hui, ils souhaitent que ce grand fatras prenne fin le plus tôt possible !