Très en vogue pendant la pandémie, le mot souveraineté, utilisé à tout-va, semble s'être banalisé au point de devenir galvaudé. Or, la souveraineté requiert plus d'actes que de paroles. Un chiffre ne passe pas inaperçu en lisant le dernier Livre blanc de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) sur l'industrie nationale. Le capital marocain ne représente que 6% dans l'automobile et 4% dans l'aéronautique, deux fleurons de notre économie et notre capacité de frappe à l'export. Ces deux secteurs demeurent en bas de l'échelle des secteurs "les plus marocanisés", loin derrière l'agroalimentaire, la big-pharma et le textile... Au-delà de la confusion des chiffres et des conclusions précoces, un constat s'impose : le capital marocain brille par son absence dans deux secteurs sur lesquels le Maroc a tout misé pour son décollage industriel. N'oublions pas qu'à elle seule l'automobile génère près de 40% d'exportations et 157 MMDH en 2024. Une telle performance en a fait le fer de lance du commerce extérieur aux côtés des phosphates et de l'aéronautique. Certes, le Maroc demeure dépendant des géants mondiaux (Renault, Stellantis, Airbus...) pour développer son écosystème national, mais cela n'empêche nullement d'envisager dès maintenant de "marocaniser" davantage ces deux secteurs, au moment où le secteur privé est de plus en plus prié d'investir plus dans l'économie nationale à l'horizon 2035. Dans le cas de l'automobile, l'émergence des nouveaux acteurs marocains (tels que Neomotors et NamX), qui mûrissent de jour en jour, ne peut que favoriser cette ambition. Cependant, le rapport de la CGEM livre le constat sans proposer de solutions. En parlant de souveraineté industrielle, les stratèges du patronat usent de termes assez vagues comme "l'incitation à l'innovation et la création de synergies entre les acteurs publics et privés". Faute de champions nationaux, on peut commencer par augmenter l'empreinte marocaine dans l'écosystème de sous-traitance, à fort potentiel de croissance. Encore faut-il que le secteur privé se débarrasse de son appétence pour les investissements à faible risque et les placements confortables. D'autant plus que les incitations sont désormais là, notamment la Charte de l'Investissement qui peut accorder des subventions allant jusqu'à 30% pour les projets stratégiques.