«La Renaicendre, mémoires d'une juive marocaine patriote» est le livre-témoignage d'une marocaine de confession juive, Nicole Elgrissy Banon, qui a décidé de toucher un sujet qui semblait tabou jusqu'à présent: le mouvement d'exode et d'expatriation en masse des juifs marocains qui avaient quitté le Maroc depuis les années 60 pour aller s'exiler dans d'autres pays sous les poussées de la rumeur et de l'instrumentalisation de la psychose. Les juifs marocains constituaient une communauté de près de 300 mille habitants vers le milieu du siècle dernier pour ne représenter plus aujourd'hui que quelques milliers de personnes. L'auteur écrit à ce propos dans son ouvrage: Les “partants”, les “restants” et les “revenants” «20 ans après la Shoah, il y a eu ce que j'appellerais la chouha (honte). Honte sur ceux qui ont semé la panique générale et raconté des sornettes sans que personne n'ait pu tirer la sonnette d'alarme». “Honte” dit l'auteur parce que cette communauté juive marocaine, qui a toujours vécu en parfaite intégration et symbiose avec la communauté des Marocains musulmans, s'était fait peur elle-même. Cette communauté qui constituait l'une des facettes de la mosaïque, riche par sa diversité, du peuple marocain, est classifiée par l'auteur en trois classes: les «partants», soit ceux qui ont quitté le Maroc à un moment donné pour l'exil, les «restants» c'est-à-dire ceux qui ont refusé de partir bien qu'ils en aient eu les moyens comme Robert Joseph Elgrissy le père de l'auteur et, enfin, les «revenants» ceux qui, après des décennies, sont revenus poussés par la nostalgie du pays d'origine et dont quelques exemples s'expriment chaque jour à travers la toile, notamment sur le site web Dafina. Il faut savoir que des Marocains juifs sont partis vers les quatre coins du globe et certains sont revenus trente ans ou quarante ans plus tard. C'est ce mouvement de retour par la nostalgie du pays natal qui a fait penser à l'auteur que rien n'était fini vraiment et qu'on peut tout faire renaître des cendres d'où le titre du livre «La Renaicendre». L'ouvrage est constitué de 51 chapitres écrits dans un style propre à l'auteur, plein d'émotion et d'humour particulier «humour juifs marocain» qui trouve à rire dans le drame. Pour l'auteur, des choses comptent par-dessus tout, comme rendre hommage aux Rois du Maroc qui ont toujours protégé cette communauté avec à leur tête le Roi Mohammed V qui avait dit «non» à la prise des juifs marocains par les Nazis, ou dire que la coexistence confessionnelle au Maroc est un «cas d'école dans le monde», ou encore dénoncer l'erreur qu'a constitué le départ des juifs marocains vers Israël ou ailleurs et expliquer comment le retour au pays est primordial et possible en donnant des exemples et des témoignages de première main. «Il est évident qu'à travers les chapitres où je parle de la communauté juive marocaine, je me base sur les milliers de gens que j'ai connus et avec lesquels je me suis souvent entretenue quant à leur choix de vie. Des amis de mes parents, des membres de ma famille, mes propres relations». Si le témoignage est important, il l'est par sa dimension d'abord humaniste en donnant de l'importance à ce qui est essentiel dans la culture marocaine comme le langage judéo-marocain, comme les coutumes, les traditions. Nicole Elgrissy Banon avait travaillé dans plusieurs domaines, notamment celui des agences de communication. A l'âge de 51 ans, à l'occasion d'un moment de repos de convalescence suite à une grave maladie, elle se décide à réaliser un vœu ancien: relater l'erreur d'un exode jugé non justifié. ------------------------------
«La Renaicendre, mémoires d'une juive marocaine patriote» de Nicole Elgrissy Banon, éditions Afrique Orient, Casablanca.