Il est sept heures du matin, un concert de klaxons et de moteurs commence à réveiller Le Caire, capitale et poumon économique de l'Egypte. A quelques kilomètres de la ville, particulièrement dans la zone industrielle du 6 Octobre, les premières lumières de la journée dévoilent des rangées d'usines rappelant l'ère soviétique, des entrepôts d'envergure et des rues soigneusement tracées pour les camions porte-conteneurs. Certains ouvriers affluent des bus, d'autres arrivent à pied, en petits groupes ou en tuk-tuks, prêts à débuter leurs longs shifts. L'énergie humaine qui insuffle la vie à cette zone industrielle est l'épine dorsale d'une économie qui peine à regagner ses lettres de noblesse. Il n'empêche que si durant les deux dernières décennies, et particulièrement depuis 2011, l'économie égyptienne trébuche sans cesse, aujourd'hui, elle semble tirer parti des pressions inflationnistes mondiales grâce à l'exportation massive de matériaux de construction vers l'Afrique, soutenue par des politiques de dumping agressives, offrant au pays un avantage concurrentiel indéniable. Des pratiques vivement critiquées par ses principaux clients, dont le Maroc, du fait qu'elles étouffent le marché local, comme en témoignent les plaintes des opérateurs nationaux dans l'agroalimentaire, l'acier et très récemment les PVC. Mais bien qu'il soit agressif et controversé, ce modus operandi permet au troisième pays le plus peuplé en Afrique de limiter l'impact d'une crise mondiale ravageuse. D'où les 9,2 milliards de dollars réalisés en 2023 par Le Caire via les échanges commerciaux, témoignant du légendaire pragmatisme égyptien. Des performances qui, pour le moment, ne se répercutent pas de manière tangible et égale sur le quotidien de toute la population, qui fait face à la cherté du coût de la vie, tandis que les salaires demeurent en quasi-stagnation. Mais malgré les fossés abyssaux, l'optimisme des Egyptiens prend toujours le dessus. On rit, on négocie, on continue de rêver d'un avenir meilleur ! Ce caractère typiquement égyptien, conjugué à la résilience inouïe de l'économie du pays du Nil, qui démontre sa capacité de se relever des pires crises, nous ferait presque rêver de frontières communes avec cet Etat-Nation qui nous ressemble à plusieurs égards et avec lequel le voisinage aurait été certainement moins anxiogène et surtout beaucoup plus avantageux d'un point de vue humain, économique et politique que celui que nous subissons depuis 1963.