A l'heure où les équipes de secours poursuivent leur lutte acharnée pour sauver des vies humaines, le directeur général du FMI réclame un vaste plan d'aide multilatérale pour reconstruire Haïti sur les décombres du séisme qui a terrassé le pays. «Frappé par une incroyable succession de fléaux - d'abord la crise des prix des produits alimentaires et énergétiques, puis un cyclone et maintenant un tremblement de terre- Haïti a besoin d'un soutien de vaste envergure. Non pas des actions éparses, mais un élan beaucoup plus vaste, capable de promouvoir la reconstruction du pays. C'est d'une sorte de Plan Marshall dont Haïti a besoin aujourd'hui». C'est en ces termes que Dominique Strauss-Kahn s'est exprimé lors d'un entretien avec la presse à Hong Kong, rapporte le FMI dans son bulletin en ligne daté du 20 janvier 2010. D'après les autorités haïtiennes, poursuit le FMI, le séisme aurait fait 200.000 victimes, les blessés seraient au nombre de 250.000, et les sans-abri de 1,5 million. Le FMI a promis un prêt sans intérêt de 100 millions de dollars à titre d'aide d'urgence initiale pour répondre rapidement aux besoins des autorités, qui doivent fournir des services essentiels et financer des importations urgentes. En déplacement en Asie, Strauss-Kahn a déclaré à la chaîne d'information CNN qu'à présent la priorité est de sauver des vies humaines. Le FMI peut rapidement décaisser des fonds pour que le pays dispose des ressources dont il a besoin. «Les sauvetages sont aujourd'hui la priorité absolue; dans quelques semaines ce sera la reconstruction». Allégement de la dette «Rappelons que le FMI est en train de travailler avec tous les bailleurs de fonds pour tenter d'effacer la totalité de la dette haïtienne, y compris notre nouveau prêt. Si nous réussissons - ce dont je ne doute pas- même ce prêt deviendra un don car toute la dette aura été annulée. Aujourd'hui, pour Haïti, c'est ce qui importe» a déclaré le Directeur général. 2 En juin 2009 le FMI et d'autres organisations financières ont accordé à Haïti un allégement de dette d'environ 1,2 milliard de dollars EU. C'était là une initiative cruciale. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement ont, durant les six derniers mois, consenti un allégement supplémentaire de près de 900 millions de dollars dans le cadre de l'Initiative d'allégement de la dette multilatérale. D'autres institutions envisagent de leur emboîter le pas. Expliquant pourquoi le FMI accordait un prêt, et non pas un don pur et simple, à Haïti, M. Strauss-Kahn a déclaré que le FMI souhaitait agir rapidement; or, il lui est impossible de consentir un don de façon immédiate. «L'alternative était ne rien faire ou accorder un prêt. Nous avons donc opté pour la formule du prêt, mais avec un taux d'intérêt nul et un long délai de grâce». Aux questions sur les priorités dans l'affectation des ressources pour reconstruire le pays, M. Strauss-Kahn a répondu : «En la matière nous ne pouvons pas nous contenter d'approximations. Nous devons nous rendre sur place et travailler avec les autorités pour voir comment - de leur point de vue et du nôtre - nous pouvons aller de l'avant. Nous devrons y consacrer le temps voulu». Nicolas Eyzaguirre, Directeur du Département Hémisphère occidental du FMI, a rappelé, pour sa part, que le gros de l'appareil productif du pays se situait dans la région de Port-au-Prince et qu'il avait été détruit par le séisme. «Nous devons de toute urgence aider Haïti à remettre son économie sur pied. Toutes les institutions de l'État ont été endommagées. Les banques ont été détruites et le système de paiement est tout simplement paralysé. En étroite coordination avec d'autres bailleurs de fonds, le FMI a entrepris d'aider les autorités à amorcer la circulation monétaire de sorte que la population puisse de nouveau acheter de la nourriture et que les fonctionnaires puissent être payés. Les banques rouvriront bientôt leurs portes mais le système de paiement n'est pas encore pleinement opérationnel». Dans un entretien accordé au Bulletin en ligne, M. Eyzaguirre a évoqué un indice positif : certains des établissements qui reçoivent les fonds envoyés par la diaspora haïtienne recommencent à fonctionner. Ces fonds aideront de nombreuses familles désespérées à survivre à la catastrophe. Il a précisé que durant les semaines et les mois à venir, le FMI participera, dans ses sphères de compétences, au plan de reconstruction que l'ensemble de la communauté internationale est appelée à coordonner. Une première conférence de donateurs devrait se tenir cette semaine à Montréal dans la perspective d'une conférence plus vaste au printemps prochain. Tentant de dresser un premier bilan de la catastrophe, M. Eyzaguirre a signalé que le FMI ne disposait que de chiffres préliminaires. «Nous pouvons comparer le séisme aux cyclones qui ont frappé en 2008, et qui auraient coûté près de 15 % du PIB (soit l'équivalent de 900 millions de dollars EU). Les ravages de ce tremblement de terre pourraient être d'une toute autre envergure, mais il subsiste de nombreuses incertitudes».