Midi passé, à Alger, et toujours pas de résultats du scrutin de la veille. Certes, le nom du vainqueur est connu depuis la date de l'organisation de l'élection avancée de trois mois. Mais ce qu'attendent les observateurs et l'opinion publique de manière général c'est le taux de participation. Le véritable enjeu de cette élection. Ayant mis le paquet pour s'assurer un confortable taux de participation à une élection taillée sur mesure pour un régime déficient en mal de légitimité, les décideurs de l'ombre s'attendaient au moins à un taux supérieur à celui de décembre 2019. Mixant répression et matraquage médiatique sur une toile de fond faite de désertification de la scène politique de toute opposition sous quelque forme qu'elle soit, tout indiquait que la présidentielle de 2024 sonnerait le renouveau d'un système qui n'arrive pas à se requinquer ni à l'intérieur du pays ni à l'étranger. « Un système moribond qui a longuement usé d'une propagande mensongère jusqu'à onduler le ridicule pour faire de l'Algérie la risée du monde » commente un connaisseur des arcanes du pouvoir algérien. Confiants en leur bonne étoile, les organisateurs du scrutin annonçaient les résultats partiels à 13 heures et 17 heures sans recourir à la fraude. Bien que dans certaines wilayas (gouvernorats), l'on n'a pas manqué d'user de quelque stratagème dans le but de provoquer un effet d'entraînement psychologique en vue d'impressionner la population et l'amener en masse aux bureaux de vote.
Des militaires en civil investissent les bureaux de vote Tandis qu'à Alger, la capitale du pays, on dormait encore quand est donné le clap d'ouverture des bureaux de vote (des images prises à 9h 45 mn de la rue Didouche Mourad, Place Audin, Boulevard Mohamed V, la Grande Poste et la rue Abdelkrim El-Khettabi montrent les principales artères de la ville désertes), à quelques encablures plus loin, il y a foule dans les bureaux de vote. À Médéa, dans le Titteri, à Teleghma, à Jijel dans l'Est et à Laghouat à 400 km au sud d'Alger, il y a foule devant les bureaux de vote. A Teleghma, les images des chaînes de télévision algérienne montrent de véritables bousculades devant un centre de vote. Renseignement pris auprès des populations locales et en voyant bien les images de la télévision on remarque que cette foule est composée uniquement de jeunes parmi lesquels on ne dénombre pas une seule femme ni un seul homme dépassant la trentaine. Ils ont tous le crâne rasé à la militaire et aucun ne porte à la main un téléphone portable. Ce sont les élèves de l'école des blindés et le corps encadrant qui se sont bousculés à l'entrée du centre de vote, comme on le voit sur la vidéo 1. A Médéa, ce sont les militaires de la caserne qui regroupe le commandement du secteur et la garnison de la ville, habillés en civil qui vont remplir le centre de vote. (Voir la vidéo 2) A Jijel, ce sont les marins de la base navale qui jouent le rôle d'électeurs. Tout comme à Laghouat où il a été fait appel aux pensionnaires de la base aérienne de la ville. Ces militaires n'étant pas inscrits sur les listes électorales des villes où ils étaient appelés à voter, et ne disposant pas de cartes d'électeurs, seront autorisés à voter sur simple présentation d'une pièce d'identité. C'est une violation massive de la loi électorale. Mais, l'Autorité indépendante des élection (ANIE) règlera le problème en un quart de tour en diffusant à 10h30 un communiqué indiquant « Les électeurs qui n'ont pas de carte de vote peuvent voter sur simple présentation d'une pièce d'identité (carte d'identité nationale, permis de conduire ou passeport) ». Il faut, vaille que vaille, obtenir un taux de participation supérieur à celui enregistré en 2019 et qui était de l'ordre de 39,88%. L'objectif semble difficile à atteindre. « Les Algériens ont déserté massivement les urnes. L'ANIE (agence étatique de gestion des élections) annonce 13,11 % de participation au niveau national à 13h. Les Algériens votants majoritairement la matinée, il est difficile, voire impossible, que cette agence annonce un taux de participation avoisinant 20% à 20 heures. », déclare Athmane Maazouz, le président du RCD, l'un des principaux partis de l'opposition qui a su préserver sa crédibilité. « C'est à croire qu'un mot d'ordre silencieux s'est propagé à travers le pays » renchérit Me Nabila Smaïl, avocate des militants du « Hirak ». Cela se confirme à 17 heures lorsqu'on annonce que le taux de participation était de 26,46%. A deux heures de la fermeture des bureaux de vote il est quasiment impossible de gagner 15 %, le minimum requis pour battre le chiffre de 2019. On commence, alors, par proroger l'heure de clôture des bureaux de vote. « Conformément aux dispositions de l'article 132, dernier alinéa, de l'ordonnance 21-01 du 10 mars 2021 portant régime électoral, modifiée et complétée, l'Autorité nationale indépendante des élections informe les électrices et les électeurs que l'ensemble des coordinateurs de wilaya de l'Autorité indépendante ont été autorisés à proroger l'horaire de clôture des bureaux de vote jusqu'à vingt (20) heures dans toutes les wilayas du territoire national, et ce, après consultation de leurs demandes »
Tebboune comme prévu et sans le moindre doute Cette prorogation sert à justifier une véritable remontada au taux de participation. Et quelle remontada ! l'augmentation du taux de participation sera de ... 120%. Pas moins que ça. De quoi avoir froid aux yeux. On a attendu 00h48, le moment où tout le monde est couché pour que tombe une dépêche de l'agence de presse gouvernementale (APS) annonçant un taux de participation de 48,03% en précisant qu'il s'agit d'un taux réalisé à l'intérieur du pays et qui est appelé à baisser si on lui ajoute les 19,57% de la diaspora à l'étranger. Mais, il sera, tout de même supérieur à celui de 2019. Et on pourrait, dès lors, pousser un grand ouf ! pour se débarrasser de la honte du premier mandat de Tebboune. Un mandat marqué par un large boycott inscrivant au Guinness, les deux wilayas (gouvernorats) De Bejaïa et Tizi-Ouzou, soit les plus importantes de la Kabylie, avec un historique 0% de participation. Même si à l'heure où nous mettons sous presse, Mohamed Charfi, le président de l'Autorité Indépendante des Elections n'a pas encore tenu sa conférence de presse pour annoncer les résultats officiels, sans risque aucun de nous tromper, nous pouvons affirmer que le président sortant Abdelmadjid Tebboune est maintenu à son poste et le taux de participation est en-dessous des 50%.
Le bras d'honneur du peuple au régime militaire Un taux de participation de moins de 50% malgré une fraude manifeste, une augmentation du taux de l'ordre de 120% en moins de trois heures, est la meilleure réponse du peuple au pouvoir en place. C'est un bras d'honneur qu'adresse le peuple algérien à un régime militaire qui ne cesse de l'humilier et de spolier sa volonté de décider de son sort. Un peuple privé de son droit à l'autodétermination en élisant, en toute démocratie et en toute liberté, son président de la république, son parlement et ses assemblées locales. Un peuple qui a subi les affres de la répression en 62 ans d'indépendance plus qu'en 132 années de colonialisme. Une répression marquée par la mort de 250.000 algériens et la disparition de 20.000 autres. Des milliers d'Algériens déportés dans les camps du Sud dans des conditions infrahumaines. Le tout est couronné par un mandat de cinq and du duo Tebboune-Chengriha dont l'histoire retiendra plus de 2.000 détenus politiques, des centaines d'exilés politiques et milliers d'émigrés clandestins ayant fui le pays à bord d'embarcations d'infortune. Nombre de ecs jeunes sont allés nourrir de leurs corps les sardines de la méditerranée qu'ils ne pouvaient pas se payer sur les marchés algériens pour cause de prix élevé. Il convient, aujourd'hui, aux survivants de l'opposition politique qu'il soit à l'intérieur du pays ou à l'étranger de savoir tirer profit de cette victoire du peuple. Le pouvoir étant assommé par ce cinglant échec, c'est l'occasion propice pour redonner espoir au peuple et le mobiliser pour en finir avec un régime vacillant incapable de survivre à la moindre vague de contestation populaire comme le Hirak de février 2019.