Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) parie sur 3% de croissance en 2024 dans un contexte de redressement de l'économie nationale. Un niveau en deçà des aspirations du Royaume. Détails. Dans un contexte international de plus en plus imprévisible, le navire de l'économie marocaine continue de naviguer prudemment au milieu d'un océan houleux. Après une période fort agitée marquée par l'euphorie post-Covid et les conséquences désastreuses de la guerre russo-ukrainienne sur les économies en développement, le Maroc semble s'en sortir avec les moindres dégâts. L'heure est à la stabilité. L'économie nationale devrait poursuivre son rythme de croissance avec un taux de 3% prévu à la fin de l'année courante, selon les dernières estimations du Haut-Commissariat au Plan (HCP), qui vient de livrer son budget économique exploratoire. Cette année, le Royaume devrait perdre 4 points de croissance par rapport à 2023 dans un contexte de maîtrise de l'inflation. Ce niveau, quoique rassurant à court terme, est loin de satisfaire les ambitions du Royaume qui aspire au décollage économique pour rejoindre le club des économies émergentes. Bien que notre pays consacre près de 30% de son PIB à l'investissement, les retombées en termes de croissance restent en deçà de l'effort consenti. Le retour sur investissement est décevant si on voit les performances des pays ayant fait un effort similaire.
L'investissement public salvateur ! Dans un pays à forte tradition étatique où l'Etat tire la charrette de la croissance, celle-ci reste fort dépendante de l'investissement public qui a atteint un niveau inédit en 2024 (335 milliards de dirhams) pour convertir le Royaume à l'Etat social prôné par le Nouveau Modèle de Développement. Aides sociales directes, aide au logement, généralisation de l'AMO, investissements en infrastructures...autant de chantiers qui ont poussé le gouvernement a dépensé abondamment. En gros, le HCP s'attend à l'évolution de l'investissement brut de 3,6% au cours de l'année courante. Idem pour la demande intérieure qui devrait croître d'une proportion similaire (3%). Cependant, la consommation des ménages devrait ralentir en baissant de 3,7% en 2023 à 2,2% en 2024. Les raisons sont multiples et sont dues à la baisse prévue des revenus agricoles et au maintien du niveau élevé des prix.
Les ménages en quête de pouvoir d'achat ! Bien que les dépenses des ménages ralentissent, les aides sociales directes et les transferts des MRE devraient atténuer l'impact de ce ralentissement sur la croissance, selon le HCP qui prévoit une forte augmentation des dépenses des administrations publiques. La demande de l'Etat devrait évoluer de 4,5%, un niveau supérieur à celui enregistré durant l'année écoulée (4,1%). Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la consommation finale nationale devrait afficher un accroissement de 2,8%, contribuant de 2,2 points à la croissance du PIB, tranche le département d'Ahmed Lahlimi. Pour ce qui est des leviers sectoriels de la croissance, le HCP estime qu'il y aurait un fort redémarrage du secteur du BTP à la suite de l'opérationnalisation des programmes de reconstruction des zones sinistrées et d'aides au logement. "Le secteur du BTP devrait marquer un rebondissement de 3,9% en 2024 après un repli de 0,4% en 2023, boosté par l'accroissement de 56% des investissements publics du secteur et par la mise en œuvre d'importants programmes d'infrastructure", explique le rapport qui insiste sur le fait que la croissance reste soutenue par le secteur secondaire dans un contexte de sécheresse aiguë qui a porté un coup de massue à l'agriculture. L'économie nationale reste malheureusement très susceptible aux aléas climatiques.
Quand l'industrie compense les pertes agricoles ! Après une maigre campagne céréalière et le rétrécissement de la superficie cultivée en céréales, il n'est pas surprenant que la valeur ajoutée du secteur primaire se replie de 4,6% en 2024, après une croissance positive de 1,6% enregistrée en 2023. Par contre, le secteur secondaire se porte bien avec une croissance prévue à 4,1% en 2024, après 1,3% en 2023. Selon la même source, la valeur ajoutée des industries de transformation devrait afficher une évolution de 3,1% au lieu 2,7% en 2023. Cela est attribuable aux bonnes performances de l'industrie automobile et de l'industrie aéronautique, notamment dans les segments de l'assemblage et du câblage électrique. Toutefois, l'industrie agroalimentaire et celle du textile devraient pâtir d'une conjoncture défavorable. Les usines agro-alimentaires se voient condamnées par la chute de la production agricole, tandis que le textile reste vulnérable à l'impitoyable concurrence internationale et au recul de la demande interne. Quant au secteur tertiaire, les prévisions sont optimistes. Le HCP y prévoit une croissance de 3,4% en 2024. Cela s'explique par la progression des services marchands et l'essor du tourisme, sachant que le Maroc continue d'attirer de plus en plus de touristes, après en avoir accueilli 14,5 millions en 2023. "Les efforts déployés pour la promotion de la destination « Maroc » et pour l'amélioration de l'accessibilité des différentes destinations touristiques du Royaume devraient contribuer à une augmentation considérable des arrivées en 2024", souligne la même source, précisant que le secteur du Tourisme devrait afficher un accroissement de 7,2%, après 23,5% l'année précédente.
Un contexte international plus clément Par ailleurs, comme l'économie marocaine est très connectée à son environnement international, ses performances demeurent tributaires de la santé de l'économie mondiale. Le HCP en dresse un diagnostic positif. Le monde semble sortir progressivement de l'euphorie post-Covid malgré les défis actuels liés à la guerre russo-ukrainienne, à laquelle les chaînes d'approvisionnement semblent s'habituer. Selon le HCP, on se dirige vers la maîtrise de l'inflation à l'échelon international, conjuguée à une relative stabilité des prix de l'énergie. "Le prix du baril du pétrole devrait tourner autour de 84 dollars en 2024 avant de baisser à 79 dollars en 2025. Idem pour les prix du gaz naturel qui devraient chuter de 27%. En parallèle, le commerce mondial devrait se redresser. Par conséquent, la demande mondiale adressée au Maroc devrait accuser une reprise de 1,5% en 2024 et de 3% en 2025, après un recul de 1,4% en 2023. Vers une réduction du déficit commercial Le déficit commercial devrait s'alléger à 18,4% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2024, contre 19,5% en 2023, selon le HCP. Ce résultat tient compte des exportations en valeur qui devraient afficher une croissance de 5,4% au lieu de 0,1% l'année précédente, précise le HCP. Et tenant compte de l'allégement des pressions sur les cours des matières premières sur le marché international qui devrait bénéficier de la réduction de la facture énergétique, l'évolution de la valeur des importations devrait atteindre 2,8%, au lieu de -2,7% en 2023.