Désireux de passer à la vitesse supérieure, le Maroc et le Brésil ouvrent une nouvelle page dans leurs relations en passant à un partenariat stratégique. Décryptage. Nonobstant les alternances et les gouvernements au pouvoir, que ce soit la gauche de Lula Da Silva ou la droite dure de Jair Bolsonaro, les relations maroco-brésiliennes ne cessent de se raffermir en transcendant les clivages politiques. Le Maroc et le Brésil continuent d'édifier leur partenariat multidimensionnel. Ils y vont petit à petit.
Maintenant, on veut passer à la vitesse supérieure. Les deux pays franchissent un nouveau cap dans leur long parcours de rapprochement qui dure depuis 2004, l'année de la visite royale à Brasilia qui fête son vingtième anniversaire. La diplomatie brésilienne a choisi cette date symbolique pour organiser la visite du ministre des Affaires étrangères, Mauro Vieira, qui vient de clôturer une visite officielle au Royaume.
Les grandes annonces au rendez-vous
Une visite dédiée à se projeter sur le long terme. Les grandes annonces n'ont pas manqué. Rabat et Brasilia ont désormais l'ambition d'élever leur partenariat à l'échelon stratégique. C'est ce qui ressort des entretiens qu'ont eus le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, et son homologue brésilien à Rabat. Pour ce faire, les deux pays vont instaurer '"un dialogue stratégique". Evidemment, l'économie demeure le noyau dur de la coopération bilatérale. Selon les communiqués officiels publiés au cours de cette visite, Rabat et Brasilia veulent optimiser le grand potentiel de leur partenariat, "particulièrement dans les domaines de l'agro-alimentaire, de l'économie verte et de la logistique".
Tanger-Med : Nouveau carrefour de prédilection des exportateurs brésiliens
Loin d'être un simple effet d'annonce, les préparatifs ont d'ores et déjà commencé. Une série d'accords sont en cours de préparation pour promouvoir le commerce des côtés de l'Atlantique. Les deux pays vont bientôt signer un accord d'assistance administrative mutuelle en matière douanière. Ce à quoi s'ajoute un accord d'une portée stratégique, à savoir un mémorandum d'entente sur la promotion de Tanger Med comme plateforme logistique auprès des opérateurs brésiliens. Un texte qui sera signé entre Tanger Med Special Agency (TMSA) et la Chambre de Commerce Arabo-Brésilienne. Cela dit, le Maroc s'apprête à devenir une plateforme de transit pour le commerce maritime brésilien. Ceci renforce la place du Royaume en tant que pivot logistique en Méditerranée et un des pôles de transit international qui fait de notre pays un des "connecteurs de la mondialisation". D'autres accords sont en gestation, on cite le mémorandum d'entente portant sur la recherche scientifique et l'achat de pièces aéronautiques fabriquées par le parc industriel Midparc.
Bientôt un "Business Forum"
Cerise sur le gâteau, un Business Forum verra bientôt le jour pour consolider les liens entre les secteurs privés. Ceci fait l'objet d'un mémorandum d'entente signé par l'Agence Marocaine du Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE) et la Chambre de Commerce Arabo-Brésilienne. Ce forum très attendu est prévu dans les mois prochains, selon la diplomatie marocaine qui n'a pas encore annoncé une date fixe.
Un commerce en plein essor et bénéfique au Maroc
Rabat et Brasilia semblent intimement convaincus que leur partenariat ne peut leur être que mutuellement bénéfique. Il est encore tôt de tirer des conclusions. Or, force est de constater que leurs liens économiques et commerciaux sont en constante progression, en dépit des fluctuations périodiques. Jusqu'à 2022, le commerce bilatéral a atteint le record de 3 milliards de dollars avant de baisser légèrement l'année suivante pour se positionner à 2,63 milliards. Si on prend les chiffres de l'année qui vient de s'écouler, on s'aperçoit que le négoce bilatéral tourne à l'avantage du Royaume qui dégage un excédent de 147 millions de dollars avec des exportations estimées à 1,412 milliard de dollars et 1,238 milliard de dollars d'importations. Le Maroc exporte en majorité des engrais minéraux et phosphatés et importe les produits de première nécessité tels que le sucre, le maïs, l'huile de soja et la viande bovine que le Maroc a importé massivement l'an dernier pour satisfaire la demande à la veille de l'Aïd Al-Adha. En gros, le Royaume reste le premier exportateur arabe sur le marché brésilien. Le phosphate demeure l'un des leviers de la coopération maroco-brésilienne, en témoigne le rôle de premier plan que joue l'OCP qui a renforcé sa présence au Brésil avec ses deux filiales OCP Do Brasil et OCP Fertilizantes. L'Office s'apprêterait également à ouvrir une usine d'engrais, ce projet a été au cœur d'une rencontre entre le patron de l'OCP, Mostafa Terrab, et le ministre brésilien de l'Agriculture, Marcos Montes.
Sur le plan commercial, le Brésil a des ambitions plus grandes. Dans une interview accordée précédemment à "L'Opinion", l'ex-ambassadeur brésilien à Rabat, Julio Bitelli, n'a pas caché la volonté de son pays de conclure des accords commerciaux ciblés. Une volonté exprimée par d'autres hauts responsables brésiliens tels que le président de la Chambre de Commerce Arabo-Brésilienne (CCAB), qui, dans une déclaration à la MAP en 2022, a souhaité que le Royaume signe un accord de libre-échange avec le MERCOSUR.
Entente politique exemplaire
Par ailleurs, le Maroc et le Brésil ont su forger une relation basée sur une entente politique avec une convergence de vues sur une panoplie de dossiers internationaux. Les relations ayant été excellentes à l'époque de Jair Bolsonaro, elles le sont encore plus sous le mandat de Luiz Inácio Lula da Silva, connu pour son penchant pour la coopération Sud-Sud et l'un des porte-voix de ce qu'on appelle le Sud global. Le Maroc est convaincu que la première puissance latino-américaine est vouée à un avenir prometteur et deviendra un acteur incontournable sur la scène internationale. Le Chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a rappelé que le Maroc a toujours considéré le Brésil comme un acteur international majeur, qui défend les droits des pays du Sud. Le Maroc investit donc dans l'avenir en se rapprochant d'un pays qui a tous les attributs pour devenir un jour une superpuissance qui aura son mot à dire. Aussi, le Brésil est-il l'un des piliers des BRICS dont la voix est entendue. Pour sa part, le Maroc est aux yeux des Brésiliens un pays crédible et une porte d'entrée en Afrique. C'est pour cette raison que 37 sénateurs fédéraux et 14 députés ont plaidé pour un partenariat multiforme dans une motion adressée au ministre des Affaires étrangères.