Le drame qui vient de frapper la paisible localité de Sidi Allal Tazi où huit personnes sont décédées, tandis qu'une centaine d'autres ont été hospitalisées, après avoir consommé de l'alcool frelaté, remet sous le feu des projecteurs le problème de la fabrication artisanale de boissons alcoolisées dans notre pays, avec tout ce qu'elle comporte comme risques pour la salubrité publique. Loin d'être un épiphénomène et loin d'être récente, la prolifération des ateliers clandestins de distillation de la fameuse Mahia - ou eau de vie - à base de fruits et de légumes macérés jusqu'au pourrissement, avec des alambics bricolés et dans des conditions douteuses d'hygiène, concerne depuis longtemps toutes les régions du Maroc. Notamment celles rurales et dépourvues de débits réglementés de vente d'alcool, ainsi que les zones populaires de nos villes où la Mahia fait office d'alcool du pauvre. Pour les seules trois dernières années, le décompte des morts causées par l'intoxication au méthanol contenu dans la Mahia, frôle la soixantaine : en 2021, vingt personnes sont en effet mortes à Oujda, et en 2022, vingt-six autres sont décédées dans des conditions similaires entre Ksar Kbir et Meknès, sans parler de la multitude de cas isolés dont la presse ne parle pas. Face à cette hécatombe qui est loin d'être terminée, l'Etat semble désarmé. Certes, la DGSN communique de temps à autre sur le démantèlement de distilleries clandestines de Mahia et l'arrestation des «Guerraba» qui les gèrent, mais la question qui se pose est celle de savoir si la réponse à ce problème devrait se résumer à la dimension sécuritaire ? La réponse est évidemment non. Au même titre que toutes les autres addictions considérées comme potentiellement létales, notamment aux drogues dites dures et de synthèse, la réaction des autorités doit être globale et transverse. Elle devrait impérativement inclure la dimension éducative, au niveau des établissements scolaires et des lieux de rassemblement des jeunes, à travers l'implication non seulement du personnel éducatif, mais surtout de la société civile. Cette réaction doit également intégrer l'aspect sanitaire à travers la prise en charge médicale et psychologique des populations en proie à l'addiction alcoolique. Mais la plus importante des dimensions sur laquelle les instances élues comme exécutives doivent se pencher rapidement, c'est celle culturelle et sociétale qui impose de remettre au centre des préoccupations l'aspect récréatif dans la gestion communautaire, sans lequel la qualité de vie des populations jeunes et moins jeunes, en milieu rural comme dans les zones urbaines populaires, continuera à être celle de sinistres ghettos déshumanisés où l'oisiveté règne en maître absolu, ouvrant la voie à toutes sortes d'addictions et de vices. C'est cela aussi le fameux Etat Social dont on parle tellement ces derniers temps.