Arbre forestier, fruitier, multi-centenaire, emblématique et surtout endémique, l'Arganier célèbre pour la quatrième fois sa Journée internationale, dans un contexte de changement climatique inédit. Un point débattu lors de la septième édition du Congrès International de l'Arganier, qui s'est tenu du 10 au 12 mai à Essaouira. Alors que le secteur agricole souffre que la forte sécheresse que subit le Royaume en cette année, certaines cultures font montre de résilience à l'instar de l'Arganier, qui vient de célébrer, vendredi, pour la quatrième année, sa journée internationale. Le choix de la date du 10 mai n'est pas fortuit puisqu'elle est inspirée du cycle de maturation du fruit de l'Arganier, le fameux « Affiach ». La Résolution onusienne adoptée en 2021, en faveur de cet arbre ancestral, reconnaît la contribution colossale du secteur de l'Arganier dans la mise en œuvre des 17 objectifs de l'agenda 2030 et la réalisation du développement durable dans ses trois dimensions : économique, sociale et environnementale. Elle met également en valeur les nombreux usages de l'huile d'Argane, en particulier dans la médecine traditionnelle, complémentaire et dans les industries culinaires et cosmétiques. Parmi les valeurs et retombées positives de l'Arganier, le texte de proclamation de la Journée mondiale cite également l'autonomisation financière et l'émancipation de la femme dans le milieu rural. Grâce au rôle que joue l'Arganier en faveur des populations locales, le Maroc livre ainsi un véritable cas d'école en matière d'économie solidaire, d'éradication de la pauvreté et de développement humain à travers le soutien et la promotion du rôle des coopératives et autres formes d'organisations agricoles actives dans le secteur.
Générateur de richesse
Aujourd'hui, la filière de l'Arganier c'est un chiffre d'affaires annuel de 1,2 milliard de dirhams, c'est plus de 45.000 emplois féminins directs, et c'est aussi 25.000 points de vente partout dans le Maroc, d'Oujda à Boujdour, en passant par Berkane, Fès, Marrakech, sans oublier les capitales économique et administrative du pays. C'est dire que cette espèce rare et endémique, qui n'existe à l'état naturel nulle part ailleurs qu'au Maroc, est un vrai vecteur de développement social, économique et touristique. Des atouts qui viennent s'ajouter à la préservation de la biodiversité, à la conservation de l'équilibre de la nature et à la lutte contre les changements climatiques. En effet, l'Arganier se distingue par ses modes et pratiques agro-forestières durables et résilientes qui assurent la viabilité des systèmes de production alimentaire, la préservation de la diversité biologique et l'adaptation et la mitigation des effets des changements climatiques. Ainsi, Lahcen Kenny, Enseignant-Chercheur à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan-II (IAV), nous explique que «l'Arganier est un excellent vecteur d'atténuation du changement climatique, surtout qu'il est complètement résilient face à la sécheresse». Raison pour laquelle, les travaux de la septième édition du Congrès International de l'Arganier se sont tenus sous le signe de la durabilité. Une manifestation qui serait un moment de mobilisation nationale et internationale autour de cet arbre endémique et de son écosystème ancestral. A ce titre, le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, qui s'est arrêté sur les différentes stratégies et divers programmes mis en place par le ministère afin de promouvoir la chaîne de valeur de l'Arganier, a noté que dans le cadre du « Plan Maroc Vert », plus de 164.000 hectares de superficie forestière ont été réhabilités dans le cadre d'une approche participative avec les ayants droit et 10.000 hectares d'arganiers agricoles ont été plantés dans les zones vulnérables. « Les efforts seront poursuivis pour appuyer le développement de cette filière dans le cadre de la mise en œuvre des stratégies "Génération Green" et "Forêts du Maroc", conformément aux objectifs du Nouveau Modèle de Développement, pour un Maroc durable et soucieux de préserver ses ressources », a assuré le ministre.
Un patrimoine menacé !
Un engagement nécessaire pour pallier les baisses de productivité que connaît la filière, alors que la demande est en constante hausse. «Au cours des années, le volume des récoltes a énormément baissé», se désole Fatna, qui fait de l'arganier son métier depuis plus de trois décennies. Des baisses dues aux effets du changement climatique, aux cultures intensives et aux pressions croissantes sur la ressource. «Aujourd'hui, la demande à l'international est élevée, mais il faut absolument veiller à ce que cette dynamique d'ouverture sur le monde n'impacte pas les acquis locaux, notamment sur le côté culturel, social et économique», alerte Lahcen Kenny. Sur le plan national, ces arbres s'étalent sur une superficie dépassant 800.000 hectares (ha) répartis sur les trois régions de Souss-Massa, Marrakech-Safi et Guelmim-Oued Noun. Dans ce même sens, il est prévu que la plantation de l'arganier agricole soit portée à 50.000 ha à l'horizon 2030 dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de développement du secteur de l'arganier, encadré depuis 2011. Offrant ses feuilles pour les chèvres montagnardes, ses fleurs aux abeilles, ses fruits pour les plaisirs gastronomiques et cosmétiques de l'Homme, l'arganier ne peut être qualifié que de généreux, qui, depuis des siècles, a été «l'arbre de vie» pour les populations du Sud. 3 questions à Lahcen Kenny « L'arganier est un excellent vecteur d'atténuation du changement climatique » * Quel rôle peut jouer l'Arganier dans un contexte de changement climatique ?
- Le changement climatique est, aujourd'hui, une réalité. Le Maroc, à l'instar de plusieurs autres pays, dispose d'une stratégie nationale pour lutter contre le changement climatique. Celle-ci est déclinée en deux composantes : la composante atténuation et la composante adaptation. Cela dit, il est à noter que la forêt de l'arganier pourrait aider considérablement à la réussite et à la consolidation de cette stratégie.
Premièrement, du fait que cette espèce occupe une superficie de 830.000 hectares qui contribuent à la fixation du CO2 et à la séquestration du carbone dans le sol. Il s'agit donc d'un excellent vecteur d'atténuation du changement climatique, surtout que l'arganier est complètement résilient face à la sécheresse, en témoignent des arbres qui ont déjà subi cinq ans de sécheresse, mais qui, aujourd'hui, arrivent toujours à porter des fruits.
* L'Arganier a-t-il d'autres usages utiles à part les utilisations alimentaires, médicinales et cosmétiques ?
- En plus des points que vous avez mentionnés, l'arganier a un usage fourrager pour les animaux. Il a également un usage énergétique du fait que la coque, après le concassage, est utilisée pour le chauffage.
L'arganier a également un usage agricole. Les terres sous les forêts de l'arganier sont prometteuses pour la production céréalière et des fruits, car elles sont pleines de matières organiques. A cela s'ajoute la dimension culturelle autour de l'arganier, sans oublier la dimension sociale. Par exemple, durant la phase de concassage, les femmes parlent de leurs problèmes de famille. Une sorte de thérapie de groupe.
* Ces dernières années, l'Arganier est très demandé à l'international. Cette forte demande ne menace-t-elle pas sa culture au Maroc ?
- Il faut absolument veiller à ce que cette dynamique d'ouverture à l'international n'impacte pas les acquis locaux, notamment concernant le côté culturel, social et économique. L'arganier a été valorisé sous d'autres cieux, le Maroc a pu acquérir une bonne clientèle, désormais, l'heure est à la régulation. Il faut donc se mettre à table et réfléchir sur un développement durable. Il y a des modèles à suivre, des pays qui ont pris des mesures courageuses pour préserver les écosystèmes et nous devons faire pareil, car si on ne fait rien, on risque le dérapage. Flashback : Déclaration de l'UNESCO Le 8 décembre 1998, l'arganeraie a été déclarée par l'UNESCO première Réserve de Biosphère du Maroc sur une superficie de 2,5 millions d'hectares environ. Elle concerne les provinces et préfectures d'Agadir-Ida Outanane, Inzeguane-Aït Melloul, Chtouka-Aït Baha, Taroudant, Tiznit et Essaouira. Les principaux objectifs de la création de cette réserve sont : la préservation des ressources biologiques de valeurs paysagères et culturelles, le maintien de l'équilibre des écosystèmes et la contribution au développement local et régional. Suite à un projet de Résolution présenté par le Maroc, lors de la 195ème Session du Conseil exécutif de l'UNESCO en octobre 2014, l'élément «l'Argan, pratiques et savoir-faire liés à l'arganier» a été inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Cette inscription a eu lieu dans le cadre de la 9ème session du comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui s'est déroulée au siège de l'UNESCO à Paris, du 24 au 28 novembre 2014. Préservation de l'Arganier : Azoulay se félicite des efforts déployés par le Maroc Dans son allocution d'ouverture de la septième édition du Congrès International de l'Arganier, le Conseiller de SM le Roi et président de la Fondation Mohammed VI pour la Recherche et la Sauvegarde de l'Arganier (FMVI.RSA), André Azoulay, s'est réjoui des efforts déployés par toutes les parties prenantes afin d'inciter les décideurs à prendre la juste mesure des potentialités de la filière d'argan, insistant sur l'importance de protéger son usage et de veiller à ce que cette dynamique se déroule dans un cadre régulier.
Rappelant que grâce au leadership et au soft power du Maroc, l'arganier jouit désormais d'une renommée mondiale et figure parmi les listes les plus prestigieuses du patrimoine immatériel et matériel de l'humanité, Azoulay a appelé à intensifier les efforts de collaboration pour relever les défis qui persistent, en particulier celui d'approfondir la chaîne de valeur, tout en exploitant pleinement le potentiel économique et culturel de cette filière emblématique.
Il est à noter que ce Congrès a été l'occasion de tenir plusieurs panels, tables rondes, ateliers de réflexion, ainsi que des visites de terrain à des coopératives locales, permettant aux participants d'approfondir leur compréhension de divers aspects de la filière de l'arganier, d'échanger des connaissances et des expériences, tout en explorant les pratiques et les défis rencontrés sur le terrain.