Jazzablanca revient cette année pour sa 17e édition du 6 au 8 juin, s'éloignant de tout télescopage avec les autres festivals programmés en ce mois. Son line-up promet de parler à différents publics, avec un budget qui ne cesse de prendre des galons. Récit et rencontre en modes in et off avec le taulier de cet évènement. Jovial et démesurément malicieux, le producteur et directeur de ce festival qui s'intègre désormais dans le paysage culturel casablancais et plus largement marocain se dit confiant et heureux de rendre l'Autre heureux. Une folle histoire qui le pousse à s'engager dans un chalenge gros comme ses ambitions. Il ne sait pas trop quoi faire avec ce qui bouillonne dans sa tête mais fonce tête baissée, sachant que l'appui n'est pas loin, plutôt tout proche. Mais chut, lisons la légende qui accompagne la photo. Moulay Ahmed Alami y va pourtant doucement, appréhendant le lendemain. Il s'applique en rachetant l'oisillon qui devient progressivement une belle bête à surveiller comme le lait sur le feu. Et puis, il choisit de s'élancer, évoluant à pas contrôlés. Les premières éditions qu'il signe étonnent, classent le renouveau du festival parmi des rendez-vous musicaux courus du Maroc. Moulay Ahmed s'entête et emprunte un chemin décisif, après moult réflexions. Il se jette corps et âme dans le développement de Jazzablanca, devenu son enfant qu'il compte faire grandir dans le faste. Ainsi, le choix tombe sur le vaste espace de l'Anfa Park. L'image du festival change subitement de visage. Il n'est plus dans la plateforme relativement étriquée mais conviviale de l'Hippodrome, il s'élargit pour mieux contenir village, artistes, public et ambiance amplement plus festive. Parce qu'à l'Anfa Park, pendant le festival, on déambule à souhait avant le début des véritables hostilités musicales, quoiqu'une autre scène est gracieusement proposée aux festivaliers.
Plusieurs fronts
Moulay Ahmed Alami ne compte pas s'arrêter en ce si merveilleux chemin. « Cette année, le budget artistique a dépassé de 54% celui de la dernière édition. L'année prochaine, il sera plus conséquent », dit-il avec grosse conviction. Et pour cause... La programmation 2024 est attrayante pour différents publics : Candy Dulfer, UB40, James Blunt, Zucchero, Paolo Nutini, Kaleo, Yussef Dayes, Kokoroko, Makaya McCraven, Sarah & Ismael, Hind Ennaira, Mehdi Nassouli... Seulement, l'approche de Jazzablanca intègre également des shows gratuits sur la place des Nations-Unies où se relayeront Folk Spirit, The Leila, Saad Tiouly, Snitra... Avec, pour marque de fabrique, l'éclectisme. En 2022, Alami nous expliquait : « Il y a beaucoup de styles musicaux que j'ai introduit à Jazzablanca depuis ma reprise en 2013 : la soul qui a bercé mon enfance, la pop rock, l'électro, la folk, le rock, le blues, la world music, les chikhates, la musique gnaoua, le chaabi... Ca choque par moment, mais ma ligne directrice est la qualité de l'expérience live qu'on propose aux festivaliers. Nos envies et nos goûts sont tellement différents, mais notre critère principal est ce que l'artiste peut apporter comme expérience live. Les gens savent qu'à Jazzablanca, il n'y a pas que la musique, il y a aussi une atmosphère, une ambiance, des saveurs, des rencontres et surtout des découvertes. » Les festivaliers et pas uniquement, puisque le festival engage beaucoup de personnes qui sont, sous d'autres cieux, des bénévoles : « Les centaines de jeunes qui évoluent sur le site ne sont pas des bénévoles mais des staffeurs. Ils sont rémunérés avec une flexibilité en fonction des souhaits de chacun à assister à l'un des concerts. » Voilà qui ajoute du budget au budget et ce n'est pas tout. Le patron du festival évoque une autre réalité qui se greffe à l'organisation d'un évènement prenant de l'ampleur : « La sécurité est partie prenante dans le bon déroulement. Et cela a aussi un coût. Car, sans une nombreuse équipe de sécurité, on risque d'imprévisibles dérapages. » Pourtant, le maître de céans est atteint d'une belle gourmandise. En dehors de « Tanjazz » qu'il rachète il y a quelques années, il est sur d'autres fronts. Le « Casa Anfa Latina » lancé l'an dernier, « Alif » dédié à la chanson arabe moderne avec cette année la Libanaise Myriam Farès entre autres, et un futur projet à Taghazout. Finalement, Moulay Ahmed ne s'éparpille pas, il cumule les expériences. Cela commence il y a 11 ans avec la reprise de Jazzablanca. Et dire que ce festival à lui seul le fatigue assez suffisamment, physiquement : « J'y laisse quelques kilos. C'est mon régime annuel. » Et le public y prend du plaisir. Trois jours où différents sons se mêlent, où la joie se lit sur les visages, où l'histoire musicale casablancaise s'écrit autrement.