88% des entreprises au Maroc sont conscientes de l'industrie du futur ou X.0, ressort-il d'une récente enquête de l'Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES). L'enquête s'est intéressée à un échantillon représentatif d'entreprises opérant au Maroc (768 entreprises ciblées). Les entreprises interrogées représentent divers secteurs de l'économie marocaine, dont 8% du secteur primaire, 74% du secteur secondaire et 18% du secteur tertiaire. Cependant, l'enquête révèle que 12% des entreprises restent inconscientes ou mal informées sur l'industrie du futur et les initiatives développées par d'autres nations dans ce domaine. Toutes les entreprises des secteurs primaire et tertiaire affirment être familières avec l'industrie du futur. Cela souligne que ces secteurs, qui couvrent des activités telles que l'agriculture, l'extraction de matières premières et des services comme la finance, le commerce de détail ou l'éducation, voient la pertinence de ces transformations numériques et sont conscients des futurs défis et opportunités qu'elles pourraient apporter. Les entreprises du secteur secondaire - englobant les industries qui transforment, fabriquent ou construisent des biens - affichent néanmoins un niveau de connaissance un peu plus bas, à 83%. L'enquête montre aussi que près de 17% parmi les très petites entreprises semblent avoir plus de difficultés à comprendre le concept de l'industrie du futur. D'après l'IRES, cela pourrait être dû à des ressources limitées ou un niveau de formation moins élevé ou simplement à un manque d'exposition aux dernières avancées dans l'industrie. À l'inverse, seules 10% des PME manquent de connaissances sur l'industrie 4.0. Les PME disposent généralement de plus de ressources que les TPE et sont souvent plus interconnectées avec le marché, ce qui accroît leur exposition aux tendances de l'industrie, explique l'IRES. Enfin, 13% des grandes entreprises, qui disposent généralement de ressources importantes et devraient être à la pointe des innovations industrielles, ne connaissent pas non plus l'industrie du futur.
Implémentation de l'industrie du futur par les entreprises
Néanmoins, l'enquête de l'IRES, publiée dans son rapport « L'industrie du futur ou X.0 », révèle une tendance positive au sein du secteur industriel marocain avec 45% des entreprises qui tentent actuellement de mettre en œuvre des initiatives de l'industrie du futur, ce qui indique une approche proactive de l'orientation future et de la modernisation de l'industrie. Simultanément, 25% des entreprises mènent des efforts de numérisation de manière indépendante. D'autre part, 15% des entreprises se sont engagées dans l'industrie du futur depuis plus d'un an, offrant des études de cas potentiellement bénéfiques en tant qu'exemples d'adoption précoce. Toutefois, les 9% d'entreprises qui n'ont pas encore entendu parler du conceptde l'Industrie du futur suscitent des inquiétudes, ce qui suggère la nécessité d'une sensibilisation accrue et des campagnes d'éducation et de formation. L'enquête montre également que 6% des entreprises seulement ont pleinement intégré les concepts de l'industrie du futur, ce qui indique une progression lente mais régulière vers une adoption complète et à large échelle. Elle montre, d'autre part, que 67% des entreprises disposent de processus ou d'équipements capables de réagir de manière autonome ou automatique en temps réel aux changements des conditions de production. Cependant, 33% des entreprises ont déclaré ne pas avoir d'équipements automatiques. « Le manque d'automatisation limite ces entreprises dans l'amélioration de l'efficacité, la réduction des coûts et l'amélioration de la qualité des produits qu'offre l'automatisation. En outre, cela met également en évidence un manque potentiel de compréhension ou une hésitation à investir dans les technologies d'automatisation », estime l'IRES.
Difficultés de recruter des talents Parallèlement aux difficultés d'adaptations technologiques, l'enquête montre que le recrutement de talents humains constitue un défi important pour l'intégration de l'Industrie du futur au Maroc. 81% des entreprises rencontrent en effet des difficultés à recruter des profils dotés de compétences numériques, une exigence de talent critique à l'ère de l'industrie du futur. Cela suggère une lacune potentielle dans la disponibilité des talents numériques sur le marché du travail marocain. Au sein du secteur tertiaire ou des services, 83% des entreprises déclarent avoir des difficultés à recruter des professionnels dotés de compétences numériques. Des problèmes de recrutement similaires se posent dans le secteur secondaire ou manufacturier, avec 79% des entreprises soulignant des difficultés à recruter des profils numériquement qualifiés. « Cela souligne l'évolution du paysage des talents dans le secteur manufacturier, qui intègre de plus en plus de flux de travail numériques et automatisés », selon l'IRES. D'après le think-tank, c'est le secteur primaire qui subit la pénurie de compétences la plus prononcée, avec 100% des entreprises rencontrant des difficultés dans l'acquisition de talents numériques. Autre résultat soulevé : 67% des entreprises mènent des initiatives de formation numérique en interne. « Bien que cela puisse présenter des avantages tels que la rentabilité et la personnalisation aux besoins spécifiques de l'entreprise, cela limite aussi potentiellement l'étendue et la profondeur de l'apprentissage », est-il indiqué. La diversification des sources de formation peut contribuer à exposer les employés à un éventail plus large de techniques, de technologies et de perspectives, améliorant ainsi leurs compétences de manière plus complète, ajoute la même source.
Développer le capital humain
L'IRES suggère ainsi le développement du capital humain. « Une main-d'œuvre qualifiée permet une adoption et une utilisation efficace des nouvelles technologies, favorisant une augmentation de la productivité. De plus, un capital humain bien formé stimule l'innovation - un élément clé de la compétitivité - conduisant au développement de nouveaux produits, services et processus qui distingueraient les entreprises marocaines sur le marché mondial. Aussi, une main-d'œuvre dotée de compétences diversifiées offre-t-elle à l'industrie une plus grande résilience face aux changements tels que l'introduction de nouvelles technologies ou réglementations », estime la même source. Cela implique des initiatives concrètes telles que l'investissement dans l'éducation de grande qualité, la mise en place de programmes de formation continue, le développement de l'apprentissage, et la formation sur le lieu de travail... « En mettant l'accent sur la qualité et non seulement sur la quantité du capital humain, le Maroc peut renforcer la compétitivité de son industrie et garantir la durabilité et la croissance économique à long terme », souligne l'IRES. Pour conclure, le think-tank indique que les entreprises marocaines ont du chemin à faire pour se transformer et atteindre la maturité de l'industrie X.0. « Dans la concurrence mondiale, elles se retrouvent face à des entreprises (à l'international) très performantes dont beaucoup sont nées avec le digital », affirme-t-il.
A. CHANNAJE Qu'est-ce que l'industrie du futur L'appellation « Industrie X.0 » a été initialement proposée par Eric Schaeffer, ancien directeur chez Accenture, avant d'être adoptée à l'échelle internationale. L'industrie X.0 ne se concentre pas uniquement sur les industries manufacturières. Elle est légèrement plus large. C'est ainsi qu'elle fusionne efficacement la transformation opérationnelle, propulsant la croissance et la création de valeur à travers les entreprises. Cette vision s'étend au-delà de l'amélioration de l'efficacité opérationnelle offerte par l'Industrie 4.0, visant à ouvrir de nouvelles sources de revenus grâce à des modèles économiques novateurs et à l'hyperpersonnalisation, qui mènent à une micro-segmentation du marché et à une expansion de la clientèle. L'Industrie X.0 se distingue par sa capacité à intégrer divers éléments technologiques, tels que les données massives et les travailleurs connectés, en un système cohérent qui révolutionne l'environnement de travail.