Alors que l'on s'attendait à un réchauffement des relations algéro-espagnoles et leur retour à la normale à la faveur de la visite que devait effecteur, aujourd'hui, 12 février, le ministre espagnol des affaires étrangères à l'invitation de son homologue algérien, Ahmed Attaf, subitement, on apprend l'annulation du rendez-vous. A moins de douze heures du décollage de l'avion du chef de la diplomatie hispanique. Fait sans précédent dans les relations internationales. A quelques heures de son voyage en Algérie, José Manuel Albares prié par le pays hôte d'annuler son déplacement. La raison invoquée ? « Agenda chargé de son homologue algérien », selon une source diplomatique espagnole. Stupide comme raison. Du côté algérien, jusqu'à l'heure où nous rédigeons ces lignes, il n'y a aucune annonce. D'ailleurs, les autorités algériennes n'ont nullement communiqué sur la visite de José Manuel Albares. Donc, il n'y a pas de raison de parler d'annulation. L'absence de communication sur les visites de personnalités étrangères en Algérie est une constante, comme celle sur les déplacements des responsables algériens à l'étranger qui ne sont jamais annoncés publiquement par les autorités algériennes. Cela a commencé depuis l'annulation de la visite du président Tebboune à Paris prévue initialement le 2 mai 2013. Une visite annulée une quinzaine de jours avant son déroulement à l'issue d'une conversation téléphonique entre Ahmed Attaf et la ministre française, Catherine Colonna. Pourtant, cette visite, quasiment actée lors de l'appel téléphonique du 24 mars entre Emmanuel Macron et le chef d'Etat algérien. La veille de l'annonce du « report à une date ultérieure », pour ne pas dire annulation, une délégation d'experts de l'Elysée et du Quai d'Orsay avaient séjourné à Alger pour mettre au point le programme protocolaire de la visite du chef de l'Etat algérien à Paris. Depuis, aucune date n'est fixée pour une visite de Tebboune en France même si du côté algérien l'on ne cesse de relancer, vainement, la partie française pour évoquer ce sujet. Aujourd'hui, l'histoire se répète avec l'Espagne mais de manière plus brutale. L'on a attendu jusqu'à près de huit heures avant le décollage de l'avion du ministre espagnol pour « reporter » une visite programmée depuis plusieurs jours. En réalité, il ne s'agit pas d'un report, mais tout bonnement d'une annulation. Aucune date de substitution n'a été proposée ou arrêtée pour pouvoir parler d'un report. Les Algériens ont, tout simplement, fait entorse aux règles diplomatiques.
Les militaires opposés à la visite de José Manuel Albares ? La cause, selon des sources proches du ministère algérien des Affaires étrangères, concernerait le communiqué commun que devraient signer les deux parties à l'issue de la rencontre des deux ministres pour sceller la normalisation des relations entre les deux pays. Les échanges entre les collaborateurs des deux ministres, algérien et espagnol, n'ont pas pu aboutir sur une position commune sur la question de l'ancienne colonie espagnole, « le Sahara occidental ». Un dossier qui continue d'empoisonner les relations de l'Algérie avec l'Espagne et qui est à l'origine de la brouille diplomatique entre les deux pays. D'autres sources indiquent qu'à son retour du royaume d'Arabie Saoudite où il avait assisté au Salon Mondial de la Défense à Ryad, « le général Chengriha se serait opposé à la visite du ministre espagnol ». Ce dernier « serait proche des thèses marocaines au sujet de l'ex-colonie espagnole », selon les militaires algériens. Et du coup, la brouille entre les deux pays refait surface. Une brouille qu'on croyait finie, après un froid qui aura duré plus de vingt mois et trois mois après l'enclenchement de la normalisation entre les deux capitales avec la nomination d'un nouvel ambassadeur algérien en Espagne au mois de novembre dernier. La visite du ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, arrêtée pour le lundi 12 février à l'invitation de son homologue algérien Ahmed Attaf, allait ouvrir une nouvelle page entre les deux pays. En vérité, c'est Alger qui fait et défait, à sa guise, les relations entre les deux pays, avec beaucoup de maladresses. Jugez-en. Il y a de cela près de deux ans, le gouvernement algérien rappelle son ambassadeur, Saïd Moussi, pour ce qu'il considère « un revirement de la position espagnole sur la question du Sahara Occidental ». Un rappel suivi par le gel du traité d'amitié et de bon voisinage avec l'Espagne entraînant dans son sillage le blocage de nombreux contrats commerciaux entre les opérateurs économiques des deux pays. Cela n'a pas manqué d'engendrer des effets néfastes tant sur certaines sociétés espagnoles que sur le marché algérien qui a connu d'importantes pénuries sur nombres de produits de première nécessité. Madrid, de son côté, n'a pas esquissé la moindre réaction aux mesures hostiles prises par Alger. Le gouvernement espagnol, dont les Algériens attendaient la chute à l'approche des législatives, est resté imperturbable. Son président Pedro Sanchez, responsable aux yeux d'Alger de la brouille entre les deux pays, est reconduit, contrairement aux vœux d'Alger. En novembre 2023, faisant comme si de rien n'était, Alger demande l'accréditation de Abdelfettah Deghmoune, qui connaît bien l'Espagne pour y avoir été le numéro 2 de l'ambassade d'Algérie, comme nouveau représentant de l'Etat algérien dans la péninsule ibérique. L'accord est vite donné et le processus de la normalisation des relations est enclenché. Il sera suivi, par le dégel des relations économiques et commerciales quelques semaines plus tard. Le marché algérien étant très demandeur faute de production locale, à un mois du début du mois de ramadan, les autorités algériennes ont autorisé l'importation de la viande rouge fraîche, quelques semaines à peine après l'autorisation d'importation des intrants avicoles, en l'occurrence, les poussins repro-chair, les poussins repro-ponte ainsi que les œufs à couver, en provenance du Royaume d'Espagne. Qu'est-ce qui a changé pour qu'Alger révise sa position et revienne sur une décision qui n'a fait que nuire à ses intérêts économiques tant elle demeure dépendante de l'Espagne comme elle l'est de nombreux Etats européens ? Selon son ministre Ahmed Attaf, nommé à la tête de la diplomatie algérienne une année après le début de la brouille, le 18 mars 2023, dans une interview accordée, le 28 décembre dernier, à la chaîne qatarie Al Jazeera, « L'Espagne a changé sa position à 180 degrés ». Et d'ajouter, en se référant «au discours de Pedro Sanchez prononcé, en septembre 2023, devant l'Assemblée générale de l'ONU », que « l'Espagne est revenue à une position conforme à celle de l'Union européenne sur le Sahara occidental ». Or, c'est faux. L'Espagne n'a pas changé d'un iota sa position. Bien au contraire, sa position a, nettement, évolué en faveur du Maroc. Le vote récent, le 14 février 2023, au congrès espagnol, d'une loi portant octroi de la nationalité espagnole aux Sahraouis nés au Sahara avant sa décolonisation en 1976, fait perdre à l'Algérie la fameuse carte du statut de réfugiés aux Sahraouis des camps de Tindouf sous le contrôle du Polisario. A la faveur de cette loi, tous ces « réfugiés » deviennent des citoyens espagnols qui n'ont plus besoin de vivre sous les tentes dans des conditions inhumaines. Jusqu'ici, les autorités algériennes n'ont pas réagi au vote de cette loi qui suit son parcours législatif par sa transmission à la commission compétente pour la présentation des amendements et son examen en commission avant la saisine du sénat. Outre cette proposition de loi visant à octroyer aux Sahraouis la nationalité espagnole « par lettre de naturalisation même s'ils ne sont pas résidents en Espagne », le 29 août dernier, le journal officiel du royaume espagnol avait publié un décret officiel dans lequel il considère implicitement la ville de Layoune, au Sahara Occidental, comme ville marocaine. Alger en a-t-elle tenu compte. Apparemment, non. La brouille avec l'Espagne n'était qu'un camouflet de plus à la diplomatie algérienne. Une diplomatie qui se redéploye ces derniers jours par les pérégrinations de son chef, Ahmed Attaf, qui l'ont mené de Tunis à Nouakchott en passant par Tripoli. C'est en quelque sorte, le tour des pays du voisinage à l'exception, bien entendu, du Maroc. Ce tour d'horizon, le ministre algérien des Affaires étrangères devait le terminer avec son homologue espagnol, José Manuel Albares, non seulement dans le but de réchauffer les relations entre les deux pays, mais aussi, dans la perspective d'un redéploiement de la politique algérienne avec ses voisins. Est-ce un prélude à un repositionnement sur l'affaire sahraouie tant les pressions américaines se font sentir de plus en plus lourdes ? Difficile de répondre tant le régime algérien se montre versatile et ses positions inconstantes. Pour preuve, l'annulation en dernière minute.