48 heures après l'annonce de la date de sa comparution devant un tribunal suisse pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, le Vendredi 29 octobre, dans l'après-midi s'est éteint le général Khaled Nezzar, l'ex-ministre de la Défense nationale et homme fort du régime algérien, après une longue agonie qui a duré plusieurs semaines. Dès l'annonce du décès du général Nezzar, un déferlement des internautes sur les réseaux sociaux exprimant une réjouissance qui reflète parfaitement l'impopularité de celui qui a plongé l'Algérie dans une sanglante guerre civile dès le début des années 90'. Il était l'homme le plus honni sur terre pour des millions d'Algériens. Le nom du général Khaled Nezzar reste intimement lié aux 250.000 victimes innocentes tuées dans une guerre dont l'Algérie s'en serait bien passé, 20.000 disparus, 10.000 hommes déportés dans des camps dans l'extrême sud algérien dans des conditions infrahumaines. Des crimes contre l'humanité pour lesquelles, Khaled Nezzar devait comparaître devant une juridiction suisse à Bellinzone du 17 juin au 19 juillet 2024. L'homme a fait beaucoup de mal aux Algériens. Et même à ses propres enfants. Il a tué de deux balles leur maman, Fatima Barakat, sous leurs yeux. Son fils Sofiane, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, le lui a rappelé il y a 4 ans, sur sa page Facebook en publiant la photo de sa mère. « Tout son parcours, de sa naissance à sa mort est parsemé de crimes et de trahisons » confie un observateur qui connaît bien le sujet. Né en 1937 à Seriana dans les Aurès, le berceau de la révolution algérienne d'où est parti le premier coup de feu annonçant le déclenchement de la lutte armée pour la reconquête de l'indépendance, Khaled Nezzar n'a pas jugé bon de suivre les centaines de jeunes Chaouias de sa région qui avaient pris les armes pour combattre l'occupant. À l'époque, il était sous-officier engagé dans l'armée coloniale depuis son enfance. A l'âge de 12 ans, son père retraité de l'armée française l'engage dans « les enfants de troupe » après lui avoir fait passer sa scolarité primaire dans une école des enfants de colons pour lui éviter « l'école indigène » réservée aux autochtones. Son père Rahal Nezzar, décoré de la croix de guerre de l'armée française n'a pas hésité à prendre les armes, avec douze de ses compères, quinze jours après le déclenchement de la guerre de d'Algérie, contre les maquisards de l'armée de libération nationale. Le lendemain, la presse coloniale qualifia ces collaborateurs de « braves ». Au mois d'avril 1958, Khaled Nezzar bénéficie de la promotion Lacoste qui l'éleva au grade de sous-lieutenant. Et de là, il part infiltrer l'Armée de Libération Nationale comme beaucoup de ses pairs qui se présentaient comme officiers déserteurs de l'armée française. Un grand nombre d'entre eux se trouvaient aux commandes de l'Algérie à la fin des années 80 sous le régime de feu Chadli Benjedid. Parmi eux, les généraux Larbi Belkheir, Mohamed Lamari, Mohamed Touati, Hocine Aït-Abdessalem etc. D'ailleurs, ce sont ces officiers qui s'étaient réunis en conclave à l'Ecole Nationale des Ingénieurs et Techniciens d'Algérie - ENITA (une école militaire située à Bordj El-Bahri dans la banlieue Est d'Alger) pour proposer le colonel Chadli Benjedid, alors chef de la 2ème région militaire, à la succession de Houari Boumediène à la tête de l'Etat algérien. Une succession taillée sur mesure puisque Chadli Benjedid guère rompu aux affaires politiques va déléguer tous ses pouvoir au commandant Larbi Belkheir. Ce dernier avait exercé sous les ordres de Chadli à la 2ème région militaire avant qu'il ne se voie confié la direction de l'ENITA. Il sera le véritable décideur du pays en associant les Nezzar, Lamari et leurs compagnons « déserteurs » appelés communément DAF (Déserteurs de l'Armée Française). Khaled Nezzar sera nommé, le 16 novembre 1988, chef d'état-major de l'armée algérienne. Soit un peu plus d'un mois après les émeutes du 5 octobre de la même année. Au cours de ces événements, il se distingua par une sauvage répression contre les manifestants en donnant ordre de tirer sur la foule. On dénombre 500 morts. Dans un discours prononcé le 10 octobre, le président Chadli Benjedid assuma la responsabilité de ce massacre en déclarant « c'est moi qui ai donné l'ordre de tirer ». Une façon de sauver la tête du général Nezzar devant les officiers généraux issus de l'Armée de Libération Nationale qui lui vouaient une haine viscérale. Deux années plus tard, il est nommé ministre de la défense nationale. Une décision qui provoqua un grand malaise au sein de l'armée algérienne. Invité par le général Betchine, alors patron des services secrets, de surseoir à cette décision qui provoqua l'ire des généraux de l'ALN, à leur tête, le général Kamel Abderrahim, Chadli Benjedid maintient sa décision et envoie à la retraite une dizaine de généraux de l'ALN dont le général Mohamed Betchine. Pour le récompenser, Nezzar le déposa le 11 janvier 1992 en le contraignant à la démission. Un Haut Comité d'Etat, anticonstitutionnel est créé en comptant en son sein 5 membres dont Khaled Nezzar et Mohamed Boudiaf rappelé de son exil marocain. Un rappel qui sera suivi six mois plus tard par l'assassinat en public de celui qui fut l'un des artisans de la création du FLN et de la reconquête de l'indépendance de l'Algérie. Khaled Nezzar qui faisait de l'affaire du Sahara occidental un instrument de survie pour le régime militaire pour pouvoir plonger le pays dans une longue guerre civile, n'hésita pas à commettre l'irréparable. Trahir un homme historique et le tuer. Il sera, également, derrière l'assassinat de Kasdi Merbah, l'ancien patron des services secrets sous Boumediene, en août 1992. Durant dix années de guerre civile, Khaled Nezzar, sans scrupule et sans foi ni loi, écrasait tout ce qui se dressait sur son chemin. Il mit l'Algérie à feu et à sang sans éprouver le moindre remord. Il avait comme alibi « le sauvetage de la république de l'islamisme ». On connaît le résultat de ce sauvetage. Sa disparition a été accueillie par des millions d'Algériens avec satisfaction mais, aussi, avec le regret de ne l'avoir pas vu comparaître devant la juridiction suisse pour ses crimes contre l'humanité. En tous les cas, l'histoire retiendra qu'il est le premier officier algérien haut gradé à avoir été arrêté à Genève, menotté et conduit dans un commissariat de police où il était placé en garde à vue pour plusieurs heures. Il sera humilié une autre fois lorsqu'il a été auditionné durant trois jours par le procureur fédéral de Berne qui n'avait pas manqué de le rabaisser au cours d'une confrontation avec les plaignants. D'autres généraux auront à méditer sur la fin de Khaled Nezzar.