Le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, est connu pour être un homme mesuré qui pèse rigoureusement ses moindres actes et paroles. Et lorsque cet homme réputé pour sa sobriété linguistique commence à user d'une rhétorique franchement alarmiste concernant la situation des réserves hydriques nationales, il faut croire qu'il y a réellement péril en la demeure. En l'espace de quelques jours, d'abord jeudi dernier à l'issue du Conseil de gouvernement, puis lundi 25 décembre à l'occasion des questions orales au sein du Parlement, Baraka n'a eu de cesse de dépeindre un tableau tout en noirceur concernant le niveau actuel de nos principaux barrages et bassins hydrauliques. Et si dans le déluge de statistiques inquiétantes dévoilées on ne devait retenir qu'un ou deux chiffres, ça serait incontestablement ceux du bassin du Sebou et du barrage d'Al Massira. Plus grand bassin hydraulique du Royaume avec le barrage géant d'Al Wahda, le Sebou n'a en effet reçu durant les trois derniers mois que 519 millions de mètres cubes, contre 1 milliard 500 millions de mètres cubes durant la même période l'année précédente. Tandis que le barrage d'Al Massira, qui est doté d'une capacité de stockage de 2 milliards 700 millions de mètres cubes, n'a recueilli que 30 millions de mètres cubes d'eau, soit moins de 1% de sa capacité de rétention. Mis à part les professionnels du secteur, les agriculteurs et autres populations directement confrontées au problème de l'eau, ces chiffres alarmants restent souvent et malheureusement abstraits pour le grand public. Il suffirait pourtant pour changer cette perception biaisée de la situation de remplacer le mot eau par oxygène dans l'exposé de Baraka. Et on se rendra alors compte de la gravité d'une situation où notre pays risque tout bonnement de suffoquer sous le poids conjugué de la sécheresse et de la crise économique. En bon responsable qu'il est, Nizar Baraka ne s'est évidemment pas contenté de crier à la soif et à la sécheresse, il a aussi déroulé la batterie de mesures que son département est en train d'entreprendre pour limiter un tant soit peu les dégâts d'une année qui s'annonce aussi sèche que terrible. Mais ces mesures aussi pertinentes soient-elles ne sauraient suffire en l'absence d'une conscience collective concernant l'importance de l'eau. Car si en plus de la sécheresse doit perdurer notre gaspillage criminel de l'eau qui concerne toutes les strates de la société, du simple «Kessal» de Hammam, en passant par ces gens inconscients qui lavent leurs voitures à grandes eaux dans les sources publiques, jusqu'aux grands agriculteurs et aux propriétaires de villas dotées de piscines et de douillettes pelouses, toutes les stations de dessalement d'eau de mer qui sont en cours de construction, tout comme les autoroutes de déviation d'eaux fluviales, ne suffiront pas à étancher la vague de soif qui s'annonce.