Avant la guerre en Ukraine, la plupart des Marocains avaient des notions très sommaires de ce vaste pays d'Europe de l'Est, loin du Maroc de quelque 5000 km. On suivait avec admiration les parcours de certains de ses athlètes, tels que l'ancienne star de l'AC Milan, Andreï Chevtchenko, ou encore les frères Vitali et Wladimir Klitschko, connus pour leur style de boxe atypique. On entendait çà et là que le pays était un grand producteur de blé. Et les Universités ukrainiennes s'imposaient souvent dans les débats des bacheliers qui rêvaient de poursuivre leurs études en médecine, ingénierie et architecture, mais qui n'ont pas pu décrocher ce précieux sésame sous nos cieux. Mais on n'aurait jamais pensé que la situation en Ukraine pourrait déstabiliser de manière aussi tragique l'économie mondiale, au point d'impacter un pays aussi lointain que le Maroc. D'aucuns diraient que la crise économique issue de la guerre russo-ukrainienne est une illustration probante du degré d'interdépendance entre les pays, dans un monde plus que jamais mondialisé. Rien n'est moins sûr, du moment que le conflit israélo-palestinien, qui se déroule au milieu d'un passage géostratégique majeur, génère depuis plus d'un demi-siècle des drames semblables à ceux en Ukraine, mais sans pareille incidence sur les cours internationaux. C'est dire que la centralité géopolitique et économique de la guerre en Ukraine est due surtout à l'implication de la Russie, bête noire de l'Occident depuis la Révolution d'Octobre (1917). Dans cette configuration géopolitique complexe, le Maroc tente de se positionner dans l'échiquier international, en tissant de nouvelles relations avec certains Etats, autrefois peu envisagés. L'Ukraine fait partie de ces pays avec qui le Maroc maintenait des relations économiques - plus ou moins - timides, mais qui sont en phase de passer à la vitesse supérieure. En témoignent l'annonce de Zelensky sur la création d'un pôle céréalier au Maroc ou encore les « business meetings » que veulent lancer les deux pays (voir interview avec l'ambassadeur de la République d'Ukraine au Maroc, Serhii Saienko). Deux initiatives qui pourraient avoir un impact direct sur le pouvoir d'achat des ménages, fortement entamé par l'inflation. A cela s'ajoutent les signaux positifs d'un nouveau positionnement de Kiev sur la question du Sahara marocain. Un rapprochement louable, mais qui impose autant de contraintes et de défis à la diplomatie marocaine dans ses efforts pour le maintien de notre judicieuse posture « d'équilibriste ».