Auditionné en fin de semaine par l'Instance chargée de la réforme du Code de la famille, le Centre Marocain de la professeure universitaire pour la recherche en genre et développement, appelle à mettre en place un cadre légal clair en mesure de mettre fin au mariage des mineures, d'un côté, et d'organiser la polygamie d'un autre côté. Détails. La société civile fait bouger les lignes au moment où les consultations relatives à la réforme du Code de la famille se poursuivent. Contexte oblige, les discussions portent sur plusieurs questions essentielles mais sensibles, notamment la polygamie et le mariage des mineurs. Tantôt fermes et tantôt équilibristes, les appels à la révision de certaines dispositions de la présente Moudawana, qui en sont liés, ont surgi dans les discussions.
A la troisième semaine des consultations, l'Instance chargée de la réforme du Code de la famille a auditionné le Centre Marocain de la professeure universitaire pour la recherche en genre et développement. Au cours de l'audition, l'ONG a plaidé pour une réforme globale du Code de la famille, et ce, sur la base d'une vision qui prend en compte l'intérêt suprême de toute la famille. Les acteurs associatifs appellent, à cet égard, à l'adoption des principes de conventions internationales ratifiées par le Maroc comme une référence, notamment dans la mise en œuvre de la nouvelle Moudawana.
Criminaliser le mariage de l'enfant
Le mariage des mineures, devenu un phénomène social, ne cesse de susciter l'inquiétude de la société civile, laquelle déplore une faille majeure dans la législation marocaine. A cet égard, l'association joint les multiples appels du Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) et garde une position ferme : la nécessité de mettre fin, purement et simplement, au mariage des mineurs, considéré comme une violation du Droit de l'enfant.
« Il est urgent, aujourd'hui, d'abolir le mariage des mineurs âgés de moins de 18 ans conformément aux conventions internationales, ratifiées par notre pays », a indiqué Souad Bennour, présidente du Centre dans une déclaration à « L'Opinion », soulignant la nécessité d'adopter un texte clair qui criminalise le mariage des mineures quelles que soient les conditions socio-économiques des concernées.
Cela ne passera, selon la militante, que par la limitation du pouvoir discrétionnaire du juge qui lui attribue, grâce à l'Article 20 de la présente Moudawana, le pouvoir d'autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l'âge de la capacité matrimoniale. « Cette exception est devenue la norme, vu le nombre croissant des mariages des mineurs et les violations des droits économiques et sociaux et du droit à la santé, liées à ce phénomène », déplore notre interlocutrice sur un ton ferme. La présidente du Centre refuse, ainsi, les théories de certaines associations, lesquelles appellent à fixer l'âge de mariage à 16 ans pour préserver le soi-disant droit au mariage précoce.
Dans le même sillage, les militants appellent à l'abolition de la procédure de régularisation du mariage coutumier (reconnaissance du mariage établi sans acte), dans la mesure où elle constitue une faille majeure qui profite indirectement au mariage de mineures.
Selon Souad Bennour, la pratique a démontré que, dans certains cas, l'homme abuse de la situation en contractant illégalement un mariage avec une mineure. Il profite, ensuite, de cette procédure pour légitimer cette union en cas de grossesse, ce qui constitue une atteinte à la dignité de la femme et une violation des droits de l'enfant.
Quid de la polygamie
Au moment où certains acteurs associatifs, interrogés par « L'Opinion », perçoivent la polygamie comme un droit, certains d'autres déplorent son caractère « discriminatoire » pour la femme. Sur ce sujet, le Centre Marocain de la professeure universitaire garde une position équilibriste. En effet, il appelle à limiter le nombre d'épouses à deux seulement au lieu de quatre, et ce, dans des cas extrêmes. L'idée étant de faire de la polygamie une exception et non une règle.
« Il faut que les conditions soient plus strictes et que les motivations soient plus sérieuses, soit dans des cas où la femme ne peut plus jouer son rôle ou en cas de son absence pour une durée allant de plus d'un an », explique Souad Bennour.
Le Centre appelle également à instaurer l'égalité homme-femme en matière de droit d'appel : « Si le magistrat donne son accord de mariage, la femme ne peut pas le contester ni à la Cour d'appel ni à la Cour de cassation alors que l'homme bénéficie pleinement de ce droit », ajoute-t-elle, soulignant le caractère « discriminatoire » de cette disposition.