Une croissance robuste, inclusive et verte en Afrique permettra non seulement à des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté, mais aussi d'accélérer le rebond de l'économie mondiale. Pour atteindre cet objectif, des investissements substantiels dans les infrastructures physiques et sociales défaillantes et inadaptées du continent sont nécessaires, lit-on dans un rapport. Grille de lecture. Il ne fait l'ombre d'aucun doute que l'Afrique constituera l'acteur majeur dans la croissance mondiale dans les prochaines décennies en raison de la vivacité de sa jeunesse, de ses ressources naturelles mais aussi son potentiel en matière du mixe énergétique. C'est ce qui ressort du dernier rapport d'Atlantic Council, un think-tank américain, spécialisé dans les relations internationales. Ce document souligne que des investissements substantiels dans les infrastructures et un engagement plus fort des institutions financières multilatérales en Afrique sont susceptibles de libérer le potentiel du continent et d'en faire une locomotive de la reprise économique mondiale. En effet, rapportent les experts de d'Atlantic Council, l'Afrique peut jouer un rôle majeur dans la revitalisation de l'économie mondiale, grâce à sa population jeune et en plein boom, ses ressources naturelles abondantes et sa position géographique stratégique. Intitulé « Africa's Economic Renaissance – Reimagining the Continent's Role in Revitalizing the Global Economy » (La renaissance économique de l'Afrique – Réimaginer le rôle du continent dans la revitalisation de l'économie mondiale), le rapport précise que l'économie mondiale est entrée dans une longue période de ralentissement au cours des deux dernières décennies. La moyenne de la croissance mondiale sur la période 2017-2021 s'est établie à 2,4%, contre une moyenne de 3,7% durant la période 1996-2000. Pour les rédacteurs, la situation s'est corsée avec les chocs consécutifs liés à la pandémie du coronavirus, à la guerre en Ukraine, et aux hausses de taux rapides visant à combattre l'inflation. Combinés à des facteurs structurels préexistants, ces chocs ont créé de forts vents contraires pour l'économie mondiale et ses perspectives de croissance au cours des prochaines années. Dans leur analyse, ils relèvent que si rien n'est fait pour revitaliser l'économie, le monde ferait face à une « décennie perdue ». D'ailleurs, selon les prévisions de la Banque Mondiale, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial devrait tomber à son niveau le plus bas depuis trois décennies, à 2,2% par an d'ici à 2030.
Dividende démographique Dans ce cadre, soutient le rapport, l'Afrique a un rôle crucial à jouer, grâce à ses nombreux atouts et avantages comparatifs. Alors que toutes les régions du monde sont touchées par le vieillissement démographique, la part de la population âgée de 65 ans ou plus sur le continent est restée à peine à 3% au cours des quatre dernières décennies. Avec près des deux tiers de sa population âgée de moins de 30 ans et 40% de moins de 14 ans, l'Afrique est le continent le plus jeune du monde, lit-on dans le document. Cela représente un énorme réservoir de main d'œuvre. La population du continent devrait également doubler d'ici 2050, passant de 1,4 milliard à 2,8 milliards d'habitants, offrant ainsi un énorme marché de consommation qui sera le principal moteur de la demande mondiale de biens et de services. D'autre part, l'Afrique dispose de ressources naturelles abondantes et très diversifiées. Dans ce contexte, le continent abrite notamment près de 30% des réserves mondiales de minerais, 12% des réserves de pétrole et 8% des réserves de gaz naturel. En outre, le continent possède les plus grandes réserves de cobalt, de diamant, d'uranium, de platine et de terres rares. L'importance de la plupart de ces éléments pour l'économie mondiale augmente rapidement, en particulier dans les industries stratégiques de haute technologie telles que les semi-conducteurs, les batteries électriques et les énergies propres. En outre, l'Afrique abrite aussi 65% des terres arables non cultivées, ce qui le rend essentiel à la sécurité alimentaire mondiale à long terme, ainsi que de gigantesques ressources dans le domaine des énergies renouvelables. A titre d'exemple, l'installation de panneaux solaires sur 1% seulement de la superficie du Sahara serait plus que suffisant pour répondre à la demande d'électricité de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Afrique réunis. Et last but not least, la position géographique stratégique de l'Afrique facilite les échanges commerciaux avec toutes les autres régions du monde. Le continent est, en effet, entouré de mers et d'océans de tous les côtés. Sur les 54 pays du continent, 38 sont des Etats côtiers. Le rapport estime dans ce cadre que l'énorme potentiel de l'Afrique pourrait lui permettre de réaliser des taux de croissance très élevés sous quelques conditions.
Enorme potentiel
Pour le think-tank américain, la marge de progression de l'Afrique est considérable. A cet effet, malgré ses ressources naturelles et énergétiques limitées, le Vietnam a par exemple réussi à multiplier son PIB par sept au cours des 30 dernières années (de 45 milliards de dollars en 1990 à 332 milliards de dollars en 2021). Si l'Afrique peut atteindre des taux de croissance similaires au cours des trois prochaines décennies, elle aura le potentiel de contribuer à l'économie mondiale à hauteur de 20.000 milliards de dollars en 2050. Selon les rédacteurs du rapport, ces modélisations ne sont pas irréalistes. L'Afrique a déjà réussi à tripler son PIB, qui est passé de 900 milliards de dollars à 2700 milliards de dollars entre 1990 et 2021. Au cours de la même période, le PIB de l'Ethiopie a été multiplié par 7,6, soit plus que le taux enregistré au Vietnam. Le Ghana et la Tanzanie ont, quant à eux, multiplié leur PIB respectivement par 5 et 4,6. Or, à en croire aux experts, une croissance robuste, inclusive et verte en Afrique permettra non seulement à des centaines de millions de personnes vivant sur le continent de sortir de la pauvreté, mais aussi d'accélérer le rebond de l'économie mondiale. Pour atteindre cet objectif, des investissements substantiels dans les infrastructures physiques et sociales défaillantes et inadaptées du continent sont nécessaires. Cela requiert notamment un engagement plus fort et plus cohérent de la part des institutions financières multilatérales sur le continent, des accords de coopération plus équilibrés et plus transparents entre les pays africains et les autres pays du monde et des partenariats à long terme avec le secteur privé.