En prévision de la co-organisation du Mondial 2030, le Maroc pourrait réactiver plusieurs lignes maritimes à destination de ses voisins ibériques. Pour le Royaume, ce sera non seulement une occasion de se repositionner sur le trafic dans le Détroit de Gibraltar, mais aussi de gérer les flux des MRE. Explications. A événement exceptionnel, préparation exceptionnelle. Le Maroc est déjà sur le pied de guerre pour jouer une partition parfaite dans la co-organisation du Mondial 2030, en compagnie de ses voisins ibériques que sont l'Espagne et le Portugal. C'est dans ce cadre que SM le Roi Mohammed VI a déjà désigné Fouzi Lekjaa pour diriger le Comité d'organisation de la Coupe du Monde pour la partie marocaine. Un Comité dont le travail ne se limitera certainement pas uniquement aux aspects organisationnels de l'événement sur le plan sportif, mais bien au-delà, notamment en tout ce qui touche à la mobilité pour fluidifier les déplacements. Et au regard de la particularité de cette co-organisation, la question du transport maritime s'impose naturellement. Et pour cause, des milliers de supporters pourraient être appelés à traverser la Méditerranée pour suivre les matchs de leurs équipes nationales. Autre élément important, et qui démontre toute l'importance de bien gérer ce volet transport, est que le Mondial 2030 se tiendra en été, période de retour des MRE au Maroc. Pour éviter tout télescopage avec les flux des supporters, il demeure opportun d'anticiper cet événement majeur.
Nécessité
« L'Opinion » a d'ailleurs posé la question dans les milieux marocains du secteur maritime. Et la réponse est sans ambages. « C'est non seulement nécessaire de créer des lignes maritimes supplémentaires avec nos voisins espagnols et portugais, mais ce sera aussi l'occasion, d'ici là, de se doter d'un pavillon marocain digne de ce nom pour profiter de cet événement planétaire », nous fait-on savoir auprès des acteurs marocains du transport maritime. Pour sa part, l'expert maritime Najib Cherfaoui y va droit au bout : « Il s'agit d'une parfaite alternative à l'aérien. Ce mode de transport massif permet aux publics des différents matchs d'être éventuellement accompagnés de leurs voitures ». Ainsi, le Maroc pourra présenter une offre de transport complète et solidaire afin d'assurer un déplacement fluide à l'ensemble des passagers, qu'ils soient étrangers ou marocains, notamment ceux résidant en Europe. Cela dit, qu'en est-il du mode d'action pour y arriver du côté marocain, sachant que les compagnies espagnoles ne vont pas laisser cette opportunité leur filer entre les doigts ?
Liaisons à réactiver
Pour cela, selon les différents acteurs marocains du transport maritime, il suffit de réactiver le modèle détruit par l'Open Sea, c'est-à-dire 17 ferries (2011) au départ de Tanger, Al Hoceima, Nador et desservant Tarifa, Algésiras, Almeria, Barcelone, Sète, Gênes. Cela permettra de satisfaire la demande sur les dessertes à destination de l'Espagne. En ce qui concerne le Portugal, la ligne Portimão mérite d'être à nouveau étudiée. « De plus, le Maroc dispose d'un savoir-faire d'exception : les prestigieux lauréats EHTP pour la maîtrise du segment portuaire/travaux maritimes et des marins valeureux pour la conduite des navires, auxquels il convient d'associer l'expertise des armateurs du Maroc (ARMA) », poursuit le professeur Najib Cherfaoui. Ainsi, le Maroc pourra retrouver son prestige d'antan dans la traversée du Détroit de Gibraltar.
Epopée glorieuse
En effet, il faut rappeler que depuis le premier ferry (Ibn Batouta/1966), le Maroc s'était largement imposé dans le secteur du transport des passagers en Méditerranée Occidentale. Malheureusement, le fatidique Open Sea (Note circulaire du 30 mai 2006 ; n°51 / Scc / Min) a contribué à mettre fin à cette glorieuse épopée. Désormais, on ne compte que six unités aujourd'hui. Par contre, il y a une dizaine d'années, la flotte nationale disposait de sept « night ferries » et de dix navettes dont quatre « fast ferries » entièrement dédiées au Détroit de Gibraltar. Le moment est donc venu de renouer, à l'horizon 2030, avec cet âge d'or en se fixant pour objectif une flotte comparable en taille et en composition à celle de 2011, totalisant une capacité de 20.124 passagers et 6.069 voitures.
3 questions à Najib Cherfaoui : « L'Agence Nationale des Ports est déjà prête » Pensez-vous qu'il est opportun de procéder au renforcement des lignes maritimes entre le Maroc et la péninsule ibérique en prévision du Mondial 2030 ?
Le Mondial 2030 constitue un rendez-vous idéal pour doter le pays d'une flotte de navires à passagers en contribution à une logistique réussie de l'événement « Coupe du Monde ». Parfaite alternative à l'aérien, ce mode de transport massif permet aux publics des différents matchs d'être éventuellement accompagnés de leurs voitures. Plus précisément, la mise en place d'un réseau de dessertes maritimes transverses permettra à chaque supporter d'aller directement encourager son équipe en jonction maritime verticale avec les ports du Royaume. Pour mémoire, je cite l'exemple édifiant du navire Berkane (COMARIT) qui a acheminé 2.000 passagers de Nador à Tunis pour assister à la fameuse finale Maroc-Tunisie de la Coupe d'Afrique (février 2004). Eu égard à ces éléments, il devient clair que le moment est arrivé de mettre sur la table la question des lignes maritimes entre le Maroc et la péninsule ibérique en prévision du Mondial 2030.
Dans ce cas, faut-il prévoir de nouvelles plateformes uniquement destinées à ce Mondial ?
Passage prépondérant, l'actuel port à passagers de Tanger Med est conditionné par la requalification de la digue principale, avec en toile de fond la proximité des bacs de stockage : autrement dit, aucune extension n'est envisageable. C'est la raison pour laquelle, depuis 2010, je prescris avec insistance l'établissement d'un port à passagers au niveau de Ksar Seghir afin d'accroître la capacité d'accueil des passagers, tout en atténuant la gêne occasionnée par les camions TIR. La construction de ce nouveau port est d'autant plus indispensable que le Mondial aura lieu aux mois de juin-juillet, période qui coïncide exactement avec l'opération Marhaba. Par ailleurs, l'option du port de Tanger Ville est à maintenir en stand‐by.
Qu'en est-il de la contribution du secteur portuaire ?
L'ANP (Agence Nationale des Ports) est déjà prête : cette agence a compris très tôt l'importance de doter le pays d'un ensemble d'infrastructures dédiées aux bâtiments de croisières. À titre indicatif, je cite la possible mobilisation coordonnée des ports de Casablanca et d'Agadir. Enfin, à travers la signalisation maritime, la contribution du système portuaire au rayonnement du « Mondial 2030 » se situe à un autre niveau, à une autre échelle : les phares sont une frontière de lumière autour de laquelle se concentrent plusieurs enjeux, notamment le fameux « devoir de mémoire ». Témoins de plusieurs générations de navigateurs, les phares traversent le temps et prennent place dans l'imaginaire collectif comme repère, point de rassemblement et espace de recueillement. Leur lumière est devenue un appel à ne pas oublier, à imaginer et à recréer sans cesse les formes de l'avenir. Transport : L'importance stratégique du maritime Le secteur du transport maritime au Maroc constitue l'un des défis fondamentaux du développement économique, en raison de sa richesse maritime et portuaire très importante. Le Royaume dispose de 3.500 km de côtes, 75.000 km carrés de zones maritimes territoriales et 1,2 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive, ainsi que 14 ports ouverts au commerce extérieur, dont quatre sont équipés pour accueillir des navires de passagers. Pour relancer le pavillon national, le gouvernement estime qu'il faut d'abord mettre à jour la législation maritime et son alignement sur les accords internationaux auxquels le Maroc a adhéré dans le domaine du transport maritime. Pour rappel, le secteur du transport maritime revêt une importance particulière pour l'économie nationale en raison de l'activité et du volume des échanges commerciaux extérieurs marocains qui sont effectués par voie maritime, représentant plus de 95% du volume des échanges. Le transport maritime est l'un des moyens les plus utilisés par les membres de la communauté marocaine lors de leurs déplacements vers et depuis leur pays d'origine.
Maritime : 9 compagnies marocaines et 16 navires Selon le ministre du Transport et de La logistique, le marché international du transport maritime connaît une « concentration et un contrôle » par un petit nombre de compagnies maritimes. Mohamed Abdeljalil, qui intervenait au parlement, a rappelé qu'il y a 25 compagnies maritimes internationales spécialisées dans le transport de conteneurs, contrôlant 92% de la capacité mondiale disponible pour le transport de conteneurs, dont 10 compagnies détenant 83% de la part de marché de ce type de transport. Selon le ministre du Transport et de la Logistique, le Maroc dispose de neuf compagnies maritimes nationales exploitant 16 navires répartis en six navires pour le transport de conteneurs assurant des services de transport côtier entre les ports marocains et les ports méditerranéens, ainsi que quatre navires pour le transport de produits pétroliers, assurant la distribution de produits pétroliers à partir des ports de déchargement vers d'autres ports marocains, notamment les ports du Sud. Le Maroc dispose également de navires de passagers opérant dans le détroit de Gibraltar, couvrant de manière équilibrée la part marocaine du marché du transport par rapport à son homologue européen. Quatre d'entre eux assurent la ligne Tanger-Méditerranée – Algésiras, tandis que deux autres exploitent la ligne Tanger-Ville – Tarifa. Ces deux lignes représentent 80% du trafic maritime des passagers entre le Maroc et l'Europe.