A l'instar de l'année dernière, on risque d'assister à une nouvelle flambée des prix de la traversée maritime durant la prochaine opération « Marhaba », qui devrait débuter dans quelques semaines. Les tarifs proposés par les compagnies demeurent élevés. C'est déjà le branle-bas de combat à quelques semaines de l'entrée de la saison estivale et le début de l'Opération « Marhaba 2023 ». Du côté des autorités et des professionnels concernés, les réunions s'enchaînent entre les parties marocaine et espagnole pour assurer une réussite de l'opération. Toutefois, et comme chaque année, les craintes ne manquent pas concernant un élément central du dispositif de l'opération « Marhaba », à savoir les prix de la traversée maritime. On se rappelle tous de la flambée qu'ont connue les prix l'année dernière, amenant même le Parlement marocain à intervenir. Cette fois encore, tout indique que le même scénario risque fort de se répéter. Au niveau des 9 opérateurs maritimes impliqués dans l'opération de cette année, les campagnes de marketing ont déjà commencé. Mais, au regard des prix affichés actuellement et pour la haute saison qui commence le 15 juin prochain, force est de constater que les familles marocaines qui prendront le bateau avec leur voiture devront se préparer à payer le prix fort.
Tarifs avant le rush Une simulation des prix sur les sites des certains transporteurs en donne un aperçu éloquent. Si pour un simple passager, le prix de la traversée durant la haute saison est actuellement proposé à environ 40 euros (soit environ 400 DH) sur la ligne Algesiras-Tanger Med, pour une famille de deux adultes et d'un enfant de moins de 11 ans, traversant en voiture, la facture avoisine les 300 euros (environ 3.000 DH). Le coût sera doublé en y incluant le retour. Et pour l'heure, ce n'est pas encore le grand rush pour les réservations. D'ici quelques semaines, et surtout à l'approche de l'Aïd Al-Adha, il faudrait se préparer à une nouvelle envolée des tarifs, à l'image du scénario de l'année dernière, qui avait été fortement décrié. On se rappelle encore qu'à l'entame de la saison de la traversée en 2022, les tarifs avaient atteint 4.000 DH pour les traversées en voiture en famille.
Nouvelles priorités « Le meilleur conseil que nous puissions donner aux membres de la communauté marocaine qui souhaitent revenir par voie maritime, c'est de s'y prendre très tôt, afin d'éviter de se retrouver dans des situations inconfortables avec la hausse probable des prix dès le début de la haute saison », déclare l'expert maritime, le Professeur Najib Cherfaoui. Au niveau des opérateurs touristiques de la région du Nord, on semble détecter un phénomène assez alarmant : « Les prix des billets de la traversée maritime ont augmenté de façon importante sur les lignes reliant les ports du Sud de l'Espagne (Tarifa, Algesiras) aux ports marocains, alors que sur les lignes reliant ces mêmes ports espagnols aux ports des enclaves de Sebta et Melillia, les offres sont nettement moins chères », déclare Ali Kadiri, Président de l'Association régionale de l'industrie hôtelière (Tanger-Tétouan-Al Hoceima). En d'autres termes, les compagnies de transport maritime, essentiellement espagnoles, semblent faire la promotion des connexions avec les enclaves occupées au détriment des ports marocains. Toutefois, force est de constater, après simulations sur certains sites, que les prix proposés ne connaissent pas une différence si importante par rapport aux ports marocains. 10 MMDH Tout ceci doit alerter les autorités marocaines en premier lieu, sur la nécessité de trouver une solution à long terme sur la problématique de la traversée maritime par le Détroit de Gibraltar. Il est certes difficile d'exiger des tarifs plafonnés aux compagnies maritimes, mais dans le moyen terme, il s'avère nécessaire d'impliquer suffisamment de navires marocains dans cette opération « Marhaba ». Car, malheureusement, c'est là où le bât blesse. Voilà plus d'une décennie que le Maroc ne dispose plus de flotte maritime, depuis la disparition du pavillon national. Ce qui fait largement l'affaire des transporteurs maritimes des pays voisins nord-méditerranéens, qui se sucrent à volonté sur cet axe. Selon les calculs de certains professionnels du secteur maritime, l'opération « Marhaba 2022 » aurait rapporté au moins 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires pour les compagnies maritimes, soit près de 10 MMDH, alors que la partie marocaine se contente à peine du 1/10 de ce pactole.
Abdellah MOUTAWAKIL
3 questions au Professeur Najib Cherfaoui « On risque d'assister à une entente sur les prix de la traversée » Pour l'Expert maritime, Professeur Najib Cherfaoui, les prix vont augmenter au cours des semaines à venir pour la traversée maritime du Détroit de Gibraltar. Selon lui, il n'est pas exclu que certaines compagnies s'entendent sur les prix afin de profiter de la haute saison pour se rattraper financièrement.
Risque-t-on d'assister à une nouvelle flambée des prix de la traversée maritime cette année encore ? Bien évidemment. Non seulement cela devrait être le cas sur des lignes où de nombreuses compagnies sont présentes, à l'instar de l'Espagne, mais également avec d'autres pays sur lesquels il y a un monopole. Par exemple, dans le cas des liaisons avec la France, peu de compagnies y opèrent, notamment depuis le port de Sète. On risque donc d'assister à une entente sur les prix entre certaines compagnies maritimes. Pour ces dernières, c'est le moment de se rattraper sur le reste de l'année et donc forcément elles le répercutent au niveau des prix de l'été avec l'opération Marhaba. On estime à environ un milliard d'euros, soit environ 10 MMDH, le gain réalisé par la partie espagnole grâce à l'opération Marhaba. Ce chiffre est-il réaliste ? Il est très réaliste, car rien que les ports espagnols déclarent officiellement réaliser l'équivalent de la moitié de ce montant avec l'opération Marhaba. L'autre moitié est réalisée avec l'écosystème qui tourne autour de cette opération. Quant au Maroc, il peut encore beaucoup gagner avec cette traversée, car le potentiel n'est pas encore suffisamment exploité.
Comment le Maroc peut-il lui aussi tirer son épingle du jeu ? L'opération Marhaba 2023 révèle le devoir impératif de préparer celle de 2024 en complétant l'actuelle flotte (six ferries taxis) par au moins deux navires à passagers armés pour les grandes traversées de 48 heures (long cours). Cela nous renvoie à la fameuse et lancinante question sur la flotte stratégique. Inutile donc de rappeler l'urgence de disposer d'une flotte stratégique pour au moins assurer notre commerce avec le reste du monde ou pour le transport de voyageurs sur un axe aussi important, stratégique et lucratif que la traversée de la Méditerranée. Transport de voyageurs : Six navires marocains en lice Le Maroc ne dispose que de 6 navires opérationnels. Quant à la capacité globale, elle se décline en seulement 5.397 passagers et 1.448 voitures. La moyenne d'âge de ces ferries est de 29 ans, Morocco Sun (Le Rif) 40 ans, Tanger express - 24 ans, Morocco Star - 40 ans, Med Star - 34 ans, Bissat - 20 ans, Boraq - 20 ans. La conduite des navires sous pavillon Maroc est assurée à 94% par des nationaux. Ainsi, le personnel navigant se compose de 335 marins, dont 147 officiers. Quant aux compagnies marocaines, on retrouve Africa Morocco Link (AML), créée en 2016 par BMCE Bank Of Africa (51%) et par le grec Attica Holdings (49%) pour exploiter des services de ferry réguliers du Maroc vers l'Europe. On peut aussi compter, parmi les opérateurs marocains, Detroit World Logistic Maritime, propriété de l'homme d'affaires Hakim Rahmouni, et créée en 2016, dans le cadre du rachat aux enchères du ferry Le Rif, rebaptisé Morocco Sun en 2019. L'info...Graphie Dispositif : 32 navires et 12 lignes maritimes avec l'Espagne La commission mixte maroco-espagnole de Transit s'est réunie le mercredi 17 mai à Madrid, sous la co-présidence de Khalid Zerouali, wali, directeur de la Migration et de la surveillance des frontières, et d'Isabel Goicoechea Aranguren, sous-secrétaire d'Etat espagnole à l'Intérieur. Les échanges ont porté sur le dispositif de l'Opération Marhaba 2023. Ce dispositif comprend un plan de flotte, intégrant 32 navires et 9 opérateurs maritimes, desservant 12 lignes maritimes offrant une capacité journalière de plus de 45.529 passagers et 12.357 véhicules sur la ligne Tanger Med-Algésiras, soit une évolution de 8%. Un investissement de plus de 300 MDH est prévu pour la mise à niveau des infrastructures portuaires à Tanger Med, Nador, Al-Hoceima et Tanger ville, ainsi que pour les mesures de confort et de facilitation pour les passagers (îlots de détente, surfaces ombragées, passerelles, système d'affichage et signalisation, dragage des postes car-ferries). L'opération englobe aussi un encadrement médical et sanitaire le long des axes routiers (3.578 kilomètres) et des aires de repos, mobilisant des médecins, des infirmiers, des ambulances, des centres de secours provisoires et des unités médicales. Pour rappel, l'année dernière, près de 1.118.000 passagers ont traversé les frontières maritimes du Royaume du 5 juin au 29 août 2022, soit une régression de 16% par rapport à 2019. Pendant la même période, 270.754 véhicules ont rejoint le Maroc par les ports de Tanger Med, Tanger ville et Nador, avec une régression de 15% par rapport à 2019.