Lors d'un panel dans le cadre des Assemblées FMI-BM, des experts internationaux ont mis en avant la résilience remarquable du Royaume. Et si le Maroc était un exemple de résilience pour le monde entier ? La question des chocs exogènes et la réponse appropriée à apporter a été discutée lors d'un panel, durant les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, qui se tiennent du 9 au 15 octobre à Marrakech.
Intitulé "Faire face aux grands chocs systémiques : comment favoriser la stabilité du mouvement ?", ce panel a réuni la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne, et TidjaneThiam, président exécutif de Freedom Acquisition, Administrateur du Groupe Kering.
Pas de pause aux réformes
La ministre des Finances a mis en avant la réponse rapide au tremblement de terre d'Al-Haouz comme symbole de la résilience du pays. "Moins d'une semaine après le tremblement de terre, les étudiants sont revenus à l'école. Les conditions ne sont peut-être pas les meilleures, mais ils sont à l'école. Six jours après la catastrophe, nous pouvions donner aux populations touchées des informations sur comment nous allions prendre en charge leurs logements : des transferts directs dès la première année, puis des aides pour la reconstruction et la réhabilitation de leurs maisons", a expliqué Nadia Fettah Alaoui, avant de poursuivre : "Vendredi dernier, soit moins d'un mois après le séisme, les transferts en espèces sont effectifs. Au-delà de tout cela, nous avons une stratégie ambitieuse de cinq ans pour mieux reconstruire pour ces populations".
La ministre de l'Economie et des Finances a insisté sur le fait que, malgré les imprévus et les difficultés, le Maroc ne peut pas mettre ses réformes et sa stratégie globale en suspens. "Très peu de semaines plus tôt, peu après le tremblement de terre, un partenaire financier m'a dit que nous sommes prêts le moment que vous voulez redémarrer. Alors je lui ai dit que nous ne pouvions pas redémarrer parce que nous ne nous étions pas arrêtés", a révélé la ministre.
"Nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous avons tellement de défis à relever. Nous sommes chanceux au Maroc parce que nous avons une vision à long terme. C'est très important, parce que nous n'allons pas changer nos priorités et nos priorités sont claires : Etat-social, éducation, santé, sécurité... Et parce que nous sommes engagés dans cette stratégie, nous avons construit la confiance qui nourrit cette dynamique", a encore insisté Nadia Fettah Alaoui.
L'IA et le changement climatique
Pour la présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), Christine Lagarde, les trois plus grands risques qui menacent l'avenir de l'humanité sont l'Intelligence Artificielle (IA), le changement climatique et les conflits politiques. "Il y a la question de savoir si l'IA générative va éliminer des emplois, mettre les gens en situation de redondance, parce qu'ils ne seront pas équipés et que leurs fonctions seront remplacées. Ou est-ce qu'ils vont nous équiper avec des outils additionnels et la capacité de mettre à niveau la contribution de chacun à l'économie. L'Intelligence Artificielle va tous nous impacter", a expliqué Christine Lagarde.
Le second défi à la stabilité de nos sociétés est le changement climatique, qui réclame que "nous nous adaptions, que nous ajustions et que nous agissions rapidement", a-t-elle insisté. Le troisième élément, qui est un défi important parce qu'il impacte le précédent, est l'incapacité des décideurs à coopérer, à travailler ensemble pour trouver des solutions globales aux problèmes globaux, a détaillé l'ancienne DG du FMI et actuelle patronne de la BCE.
Pour Michael Zaoui, membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD), spécialiste des fusions-acquisitions et ancien vice-président de Morgan Stanley, les crises financières ne sont pas nouvelles.
"Les crises sont dans la nature du capitalisme. Elles vont toujours arriver. Pourquoi ne pouvons-nous pas accepter que nous ayons eu une longue période de stabilité, et qu'il y a eu des crises avant et qu'il y en aura dans l'avenir?", a-t-il conclu.
3 questions à Michael Zaoui "Il n'y a pas d'échappatoire aux règles du marché" Comment orienter l'investissement privé dans la transition énergétique ?
- Il y a énormément de capitaux dans le secteur privé à travers le monde. C'est le résultat à la fois de l'expansion économique de ces dix dernières années et de l'expansion des marchés financiers pendant la même période. La question est de savoir comment attirer une partie de ces capitaux vers des projets d'intérêt général, tels que la transition énergétique.Il n'y a pas d'échappatoire aux règles du marché. Tout dépend des niveaux d'investissement, en particulier des mécanismes de prix et de rentabilité. Les mécanismes de prix sont très complexes, surtout dans de nouvelles technologies en constante évolution. Cependant, il s'agit de projets à long-terme. Un certain nombre d'hypothèses doivent être formulées, mais les investissements du secteur privé ne se réalisent pas si les conditions habituelles de rentabilité ne sont pas remplies. Par exemple, en ce qui concerne l'hydrogène, sur les 795 projets que nous avons pu recenser, moins de dix pour cent sont actuellement en cours de réalisation.
Doit-on revoir le fonctionnement du marché pour cela ?
- Je pense qu'il est inutile de s'attendre à un changement des règles du marché. De nombreux investissements dans des entreprises de nouvelles technologies ont été réalisés très tôt dans leur cycle de développement, avec des niveaux de risque probablement comparables à ceux que nous allons rencontrer dans le cadre de la transition énergétique. C'est un processus itératif qui va perdurer dans le temps. Je suis confiant dans le fait qu'avec le concours des sources de financement public et de la portion de ces énormes capitaux privés qui seront alloués à ces projets d'avenir, nous réussirons.
En tant que membre de la CSMD, quel bilan tirez-vous de son application ?
- J'ai eu l'immense honneur d'être nommé à cette commission. J'ai participé aux travaux pendant une période assez longue, qui a été retardée par la pandémie de Covid-19. Cela nous a permis de mieux comprendre et de mieux connaître notre pays. Il est important de noter que l'approche adoptée par la commission était très particulière, car elle était en phase avec les aspirations et les besoins du peuple marocain. Ce dont nous sommes le plus fiers, c'est d'avoir été en contact direct avec plus de 9000 personnes entre les réunions, les visites sur le terrain et les échanges. En incluant les réseaux sociaux, ce sont 3 millions de personnes qui ont participé aux travaux. Cela renforce considérablement sa légitimité. C'est un travail qui s'inscrit dans la durée, les recommandations de la commission couvrent la période jusqu'en 2035. Il se passe toujours quelque chose, et les événements récents montrent qu'il faut être flexible, mais il faut considérer les résultats au fur et à mesure qu'ils sont produits dans ce cadre.
Croissance mondiale : Les pays émergents face au défi de la dette La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a salué la résilience du Maroc en accueillant les Assemblées annuelles de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI) à Marrakech malgré le récent tremblement de terre. Ces réunions marquent le retour de cet événement en Afrique après 50 ans. Janet Yellen a noté que la croissance mondiale est plus robuste que prévu, bien que certaines régions connaissent des ralentissements. Elle a souligné les défis financiers et économiques, notamment l'augmentation de la dette dans les pays émergents et en développement. "De nombreux pays ont vu leurs soldes budgétaires se détériorer, et pour de nombreux marchés émergents et pays en développement, la hausse des coûts du service de la dette vient aggraver les vulnérabilités préexistantes en matière d'endettement", a-t-elle expliqué. Financement de projets : L'IFC accorde 200 millions de dollars au Maroc En marge des Assemblées, la Société Financière Internationale (IFC), filiale du Groupe de la Banque Mondiale (BM), a annoncé son engagement de 200 millions de dollars répartis entre quatre projets d'investissement. Ces projets visent à soutenir la sécurité alimentaire, l'accès au financement, l'agriculture durable et la construction au Maroc et dans d'autres régions d'Afrique.
Les investissements se détaillent comme suit : un prêt de 106 millions de dollars accordé à l'Office Chérifien des Phosphates (OCP) pour financer son ambitieux programme de centrales solaires et contribuer à l'écologisation des systèmes alimentaires mondiaux.
La création d'un mécanisme de partage des risques de 36 millions de dollars en collaboration avec la Banque Centrale Populaire (BCP) et la Compagnie Marocaine de Goutte-à-goutte et de Pompage (CMGP), une entreprise marocaine spécialisée dans les systèmes d'irrigation. Ce mécanisme vise à soutenir l'agriculture durable au Maroc, en particulier dans les zones touchées par le tremblement de terre. Une prise de participation de 10 millions de dollars, en partenariat avec Mediterrania Capital, dans le capital de CASHPLUS, un fournisseur de services financiers marocain, dans le but de promouvoir l'inclusion financière et l'accès aux services financiers dans le pays. Un prêt vert de 45 millions de dollars octroyé au cimentier marocain Ciments de l'Afrique (CIMAF) pour soutenir la production de ciment à faible émission de carbone en Afrique. Ce financement de l'IFC contribuera également à la mise en œuvre de la stratégie de redressement économique du Maroc suite au tremblement de terre dévastateur de septembre.