Premiers à intervenir dans des zones touchées par le séisme et encore inaccessibles par voies terrestres, les hélicoptères ont joué un rôle incontournable. Auraient-ils pu mieux faire ? Eclairages. Une douzaine de jours à peine après le séisme qui a frappé la région d'Al-Haouz, le recul semble suffisant pour faire le point sur la qualité des efforts déployés durant la délicate phase de sauvetage et d'appui aux rescapés. Si quelques mauvaises langues estiment que le Maroc aurait pu mieux faire, l'analyse à froid des avis d'experts décrit plutôt un haut degré de coordination technique appuyée par un formidable élan de solidarité citoyenne. Les opérations de sauvetage ont cependant clairement dû s'adapter à plusieurs contraintes : les conditions météorologiques instables, la morphologie escarpée du terrain, la vulnérabilité des bâtiments fragilisés à l'extrême, la course implacable contre la montre, ainsi que la disponibilité de ressources logistiques adaptées et de compétences humaines qualifiées. Dans le vaste dispositif mis en place dès les premières heures qui ont suivi le tremblement de terre, l'apport des hélicoptères et d'autres moyens aéroportés a manifestement été aussi fondamental que décisif.
Dispositif aéroporté En attendant le déblaiement des routes et l'arrivée des équipes terrestres d'intervention, les hélicoptères des Forces Armées Royales ont ainsi été les premières unités à assurer les opérations de secours et d'acheminement des aides par voie aérienne. « L'intervention des hélicoptères suite au séisme était conditionnée par la nature du terrain et des missions. C'est ainsi que plus de 35 hélicoptères de différents modèles ont été choisis pour leurs capacités techniques et pour les compétences de leurs équipages. Nous avions donc des hélicoptères des Forces Royales Air (Chinook CH47, Puma S330, AB 205...) et plus d'une quinzaine d'hélicoptères de la Gendarmerie Royale (GR), dont plusieurs modèles, notamment des EC145, des EC135, ainsi que des Super Puma EC225. À noter qu'une grande partie de ces derniers a été acquise il y a juste quelques mois. Il s'agit là d'unités très imposantes en termes de capacités techniques », détaille Abdelhamid Harifi, analyste militaire et administrateur forum FAR-MAROC.
Contraintes de terrain Dans les interventions de sauvetage qui s'organisent habituellement après un tremblement de terre, il est évident que les efforts déployés pendant les premières 48 heures sont décisifs puisque les chances de trouver des personnes encore vivantes sous les décombres s'amenuisent au fur et à mesure que le temps passe. Dans cette perspective, et vu que la majorité des zones les plus touchées n'étaient accessibles durant cette fenêtre que par des moyens aéroportés, d'aucuns pourraient se poser la question : le nombre d'hélicoptères déployés était-il suffisant ? Il est certain que le dispositif à flux tendu qui a été coordonné par les FRA et la GR est impressionnant. Il n'en demeure pas moins que le drame qui a frappé notre pays a montré que certaines parties prenantes comme la Protection Civile ou le ministère de la Santé n'avaient pas de moyens aéroportés qui leur sont propres. « Il faut avoir à l'esprit que les interventions en zones de montagne sont très délicates et sont confiées à des pilotes qui sont qualifiés et certifiés dans ce sens », nuance M. Harifi.
Hélicos à double tranchant « Quand on se réfère aux moyens aéroportés en zones de montagne, seuls les FRA et la GR ont la capacité de se déployer pour assister des populations sinistrées. C'est ce qui explique que l'on n'ait pas fait appel aux hélicoptères de la Marine Royale par exemple », poursuit notre interlocuteur en soulignant que « le Royaume avait fait proactivement appel à 3 Chinooks de la British Army, qui sont arrivés en backup à Marrakech depuis Gibraltar, mais dont le renfort n'a finalement pas été nécessaire puisque la situation était maîtrisée sur le terrain ». Une situation qui n'était par ailleurs pas évidente puisque les missions en altitude dans des conditions météorologiques parfois instables n'étaient pas faciles ni de tout repos. « En plus des risques liés à la difficulté de vol dans ces zones, il y avait également le risque pour les survivants, car il fallait veiller à bien contrôler les hélicoptères de sorte à ce qu'ils ne provoquent pas d'écroulement d'habitations », tient à préciser l'administrateur du forum FAR-MAROC. Un défi que nos pilotes ont manifestement pu relever avec brio.
3 questions à Abdelhamid Harifi : « Bien sûr que si nous avions plus, nous aurions pu faire plus. Cela dit, ce qui a été mobilisé a été globalement suffisant » - Pensez-vous que les efforts de sauvetage auraient été plus importants si le Royaume disposait de plus d'hélicoptères adaptés aux missions en zones de montagnes ? - Bien sûr que si nous avions plus, nous aurions pu faire plus. Cela dit, ce qui a été mobilisé a été globalement suffisant. Je constate que la totalité de la flotte disponible sur quelques vecteurs importants, comme le Chinook (les 3 unités en dotation) a dû être entièrement mobilisée. C'était une nécessité qui nous impose d'accélérer les procédures d'acquisition d'hélicoptères et de moyens polyvalents qui peuvent intervenir en période de guerre, mais également en période de paix, notamment pour assister les populations en cas d'événements naturels extrêmes dont la probabilité d'occurrence est plus importante que celle de l'avènement d'une guerre de grande envergure. - Quel bilan faites-vous des missions de sauvetage, notamment celles qui utilisent des moyens aéroportés ? - Depuis le séisme d'Al-Hoceima, je pense que nous avons franchi plusieurs étapes qui nous permettent aujourd'hui de démontrer un haut degré d'expertise et d'autonomie dans la gestion des catastrophes naturelles. C'est le cas par exemple pour la Protection Civile dont les équipes ont fait preuve d'un courage et d'un professionnalisme sans faille. Les pilotes de la Gendarmerie Royale ont également fait preuve d'une fulgurante montée en gamme en termes de compétences pour des missions aussi délicates que celles qu'ils ont dû mener ces derniers jours. De même pour les éléments des Forces Royales Air, que ce soient les équipages avec leur endurance et leurs capacités de gestion du stress et de la fatigue ou les équipes techniques qui ont assuré la maintenance des appareils dont certains avaient plusieurs décennies au compteur. - Peut-on donc considérer que la mission a été bien accomplie ? - En tout cas, pour les Forces Royales Air, la Gendarmerie Royale et la Protection Civile, c'était le cas ! N'oublions pas que malgré la grande difficulté d'intervention, nous n'avons pas eu à déplorer de crash d'hélicoptères ou d'accidents graves. Il est par ailleurs évident que ces intervenants ont tous travaillé avec beaucoup de compétence et d'abnégation à tous les niveaux.
Aéronefs : Des hélicoptères qui se ressemblent mais ne se valent pas Tous les hélicoptères ne sont pas dotés des mêmes spécificités techniques et n'ont donc pas les mêmes vocations et capacités. Dans le contexte de missions de repérage et de sauvetage en haute montagne, seuls certains modèles sont adaptés et ont donc de facto été sélectionnés par les Forces Royales Air et la Gendarmerie Royale. Il s'agit en l'occurrence du fameux Chinook CH47 qui peut transporter en une seule fois jusqu'à 55 personnes et 10 tonnes de matériels, du Puma SA 330 qui est très bien adapté pour les opérations dites « search and rescue », sans oublier le rustique AB 205 qui est également connu depuis des décennies pour sa polyvalence puisque son utilisation peut aussi bien servir pour les opérations de sauvetage que pour le transport tactique. À ceux-là s'ajoutent l'increvable « Puma », son cousin sophistiqué « Super Puma », ainsi que d'autres valeurs sûres telles que l'EC145, l'EC135 ou encore le H125. À noter qu'à cette flotte se sont ajoutés 3 types de drones qui ont été exclusivement utilisés pour les missions de repérage. Particuliers : Le pilotage d'hélicoptères quasiment inaccessible aux civils Alors qu'il est parfaitement possible pour le commun des mortels de s'inscrire au Maroc à une formation afin de pouvoir piloter des petits avions, les amateurs d'hélicoptères ne disposent pour leur part d'aucune option de ce genre au niveau national. « Il n'existe malheureusement aucun organisme accrédité par l'Etat pour proposer aux particuliers des formations de pilotage d'hélicoptère au Maroc, que ce soit pour les pilotes privés ou pour les pilotes commerciaux », regrette Mehdi Tazi, président de l'Aéroclub Royal Fès-Saïs. Selon nos sources, la Gendarmerie Royale serait à l'origine de la limitation des possibilités de disposer d'hélicoptères pour les particuliers, voire même pour certaines institutions civiles. Un engin qui peut théoriquement se poser n'importe où peut en effet apparaître comme un risque potentiel à la sécurité. Il n'en demeure pas moins qu'il existe des moyens d'obtenir le précieux sésame administratif qui permet à un civil marocain de piloter un hélicoptère. « Il faut obligatoirement passer une licence à l'étranger puis faire une demande d'équivalence au Maroc. À ce stade, il faut encore trouver l'hélicoptère sur lequel le candidat devra effectuer un examen en vol en compagnie d'un examinateur désigné par la Direction de l'Aéronautique Civile (DAC). C'est une procédure très compliquée et personnellement, je ne connais aucun civil qui a eu sa licence hélico au Maroc», précise M. Tazi. L'autre obstacle majeur étant les frais d'exploitation d'un hélicoptère qui peuvent parfois être 10 fois plus importants que ceux d'un petit avion...